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Critique de jazzman


La famille Moskat a été publié à New York en 1950, c'est à dire très peu de temps après la Shoah dont plus de 90 % de la communauté juive de Pologne fut victime. Dans cette saga familiale qui débute au début des années 1900 pour se terminer à l'aube du second conflit mondial, Isaac Bashevis Singer nous dresse un portrait concis et fourni de ce « monde d'hier ». Comment ne pas relier ce laps de temps à la période passée par l'auteur dans cette partie essentielle du Yiddishland ? En effet, Isaac Bashevis Singer est né en 1902 en Pologne et l'a quittée pour les États-Unis en 1935. 33 ans au cours desquels il a reçu et dû assumer une éducation en tant que fils et petit-fils de rabbin hassidique, enfermé dans un monde clos et centré sur lui-même, témoin ou victime d'un antisémitisme grandissant.
Même si les personnages de la famille Moskat sont fictifs, il ne fait aucun doute qu'ils s'inspirent de personnages réels ayant vécu des situations vraisemblablement éprouvées par l'auteur lui-même.
Reb Meshulam Moskat rentre à Varsovie pour présenter sa troisième femme et sa belle-fille Adèle à sa famille et à son ingénieux intendant Koppel. C'est un homme riche dont les nombreux enfants et beux-enfants ne sont pas indifférents à la fortune.Tous sont des Juifs orthodoxes voire des Hassidim qui vivent selon les préceptes de la Torah et du Talmud. Leur certitude du retour imminent du Messie leur permet d'accepter plus facilement les désagréments d'un monde extérieur de plus en plus hostile au fur et à mesure des années. Dans ce microcosme familial, des hommes avec des papillotes, d'autres sans : en clair d'un côté des Hassidim, héritiers de l'enseignement du Baal Shem Tov, centrés sur la piété, la charité, la joie, le chant et de l'autre côté des Orthodoxes érudits assujettis à une stricte interprétation de la Torah. Cette cohabitation des deux traditions chez les Moskat témoigne du rapprochement des deux traditions observé dès la seconde moitié du XIXème siècle et incité par une évolution considérée comme dangereuse de la société. La Haskala, les lumières juives, a marqué les prémices de la modernisations des Juifs de la diaspora. de nouvelles idées apparaissent qui séduisent les Juifs : le sionisme attire l'attention de Shosha, la fille de Koppel, de Aaron, le petit fils de Meshulam Moskat et de David, le fils de Asa Heshel et Adèle. le communisme semble à Barbara, l'une des maîtresse de Asa Heshel, une condition sine qua non de la réalisation de l'homme moderne libre. L'émigration vers les États-Unis mène Koppel et Léah, la fille de Meshulam, à faire des choix irréversibles. Les femmes de la famille non plus n'échappent pas à cette évolution : ces dernières s'affranchissent petit à petit de la perruque traditionnelle sur un crane rasé, des foulards et des jupes longues. La mort de Meshulam Moskat, la première guerre mondiale et la Révolution russe font tout voler en éclat : quel soulagement pour Nyunie de se débarrasser enfin de son caftan et de ses papillotes ! Quelle expérience de liberté pour Hadassah qui vit maritalement avec Asa Heshel tout le temps que celui-ci ne parvient pas à obtenir le divorce. Asa Heshel, personnage insignifiant, se contentera d'ailleurs d'observer sans jamais agir !
Mais s'éloigner de la tradition a un prix car comme le dit Aaron : «  N'existait-il pas suffisamment de preuves que plus les Juifs abandonnent leur foi, plus la situation s'aggravait pour eux ? » Tout ceux qui se sont ici écartés du judaïsme orthodoxe en rompant radicalement avec la tradition sont malheureux. N'oublions pas Masha, fille de Leah, qui s'est convertie au catholicisme pour pouvoir se marier ; comme Myriam Lieba dans le domaine, elle s'en mordra les doigts et ne s'intégrera jamais parmi les Gentils.
Quel avenir donc pour les Juifs polonais en cette veille de la Seconde guerre mondiale ? Dans cette société juive en pleine mutation, personne ne semble vraiment conscient de l'imminence du danger. La dernière réplique est glaçante... L'histoire s'arrête malheureusement là pour 90 % des Juifs de Pologne.

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