Il entendit la peur qu'elle tentait de cacher et comprit qu'elle venait de prononcer des paroles semblables à celles qui l'avaient délibérément mis en colère, la veille. Molly Webster essayait de le décourager. Parce qu'elle avait du mal à lui dire non.
[Chapitre 5]
Avant qu'elle puisse répondre, on frappa doucement à sa porte. Le cœur battant la chamade, elle se leva sur ses jambes tremblantes.
- Fox? C'est toi?
- Oui, à moins qu'il y ait un autre type bizarre qui tourne autour de toi.
[Chapitre 20]
- Je dois être levée et partie demain matin avant 8 heures.
- Je croyais que tu avais ton dimanche et ton lundi pour te reposer?
- Oui, mais je veux aller au marché acheter des légumes frais et faire un tour chez les brocanteurs.
Fox regarda, abasourdi, la femme qui le rendait fou.
- Tu vas te priver de grasse matinée pour acheter des légumes?
Voilà une dizaine d’années que je travaille dans cette branche. Les couples qui survivent sont ceux qui n’ont pas de secrets. Parce que même une toute petite chose peut agir comme un grain de sable sur la peau et la frotter jusqu’au sang.
— Tu as dit que je devais te faire confiance, lui rappela-t-elle avec douceur, la tête penchée, la masse sombre et bouclée de sa chevelure devant les yeux de Fox.
— Oui, tu le dois, répondit-il d’un ton plus autoritaire qu’il n’aurait voulu. Mais tant que tu ne le feras pas, je préférerais que tu me poses des questions.
Aussi longtemps qu’elle viendrait à lui, il pourrait supporter n’importe quoi. Tout ce qu’il voulait, c’était une chance de se battre pour la garder.
— On est d’accord là-dessus ?
Elle hocha la tête tandis que ses doigts jouaient avec les pans de sa veste.
— Molly ?
Elle le fixa de ses grands yeux limpides, sans ciller.
— Je demanderai toujours, dit-elle. Cela ne me ressemble pas de me taire. Surtout pour ce genre de choses. J’essaierai de me comporter en adulte, mais je ne peux pas te promettre de ne pas crier et hurler.
— Là, je reconnais ma Molly, chuchota Fox dans un sourire qui creusa sa fossette et éclaira son regard.
Quand Fox lui avait envoyé un texto la veille au soir pour lui dire qu’il était de sortie avec ses camarades pour fêter l’anniversaire d’Abe et qu’elle lui manquait, elle aurait pu saisir cette occasion pour prendre de la distance, se protéger. Au lieu de quoi, elle avait poussé un soupir tremblant et lui avait dit ce qu’elle avait sur le cœur. Toi aussi, tu me manques.
L’échange de messages tendres et sulfureux qui s’était ensuivi avait fait fleurir sur les lèvres de Molly un sourire idiot, surtout quand Fox avait conclu ainsi : Abe a prétendu que tu me menais par le bout du nez. Je lui ai répondu qu’il n’était qu’un crétin jaloux, et il l’a reconnu. Maintenant, il veut une Molly, lui aussi.
Des vapeurs brûlantes vinrent lui lécher la peau quand il éclata de rire à une plaisanterie de l’un de ses amis. Le son de sa voix était une caresse sensuelle et ténébreuse.
Fox serra les poings, les yeux embués de larmes.
— Ensuite, après la cure de désintoxication et la convalescence, il lui a promis de ne plus y toucher. Et c’est pour tomber là-dedans maintenant ?
Avec un mélange de rage et de douleur, il poursuivit :
— Je ne supporterai pas de le voir revivre cet enfer.
Molly comprenait, comme seule le pouvait une personne qui avait partagé le quotidien d’un drogué. Il venait toujours un moment où la souffrance émotionnelle brisait quelque chose en vous.
— La troisième fois que j’ai trouvé ma mère baignant dans son vomi, dit-elle, confessant un secret que même Charlotte ignorait, j’ai hésité avant d’appeler les secours.
Cela n’avait duré que quelques secondes, mais jamais Molly n’avait oublié ce qu’elle avait failli faire, ce qu’elle avait failli devenir, à cause de l’alcoolisme de sa mère. Cette hésitation lui faisait honte, mais Molly avait depuis longtemps pardonné l’adolescente épuisée et effrayée qui avait dû se conduire en adulte à un âge bien trop précoce.
— Je ne pouvais plus supporter que ça recommence : les remords, les promesses, les quelques jours de normalité, et de nouveau, la lente noyade dans l’alcool.
— Tu essaies d’être mon amie, Molly ?
La question semblait désinvolte, mais elle était posée avec le plus grand sérieux.
— Oui.
Abe était trop intelligent pour qu’elle lui mente.
— Je sais que vous êtes proches les uns des autres, tous les quatre, mais vous êtes des hommes. Vous préféreriez vous donner un coup de fusil entre les jambes plutôt que de parler de vos émotions. Seulement, même les grands costauds éprouvent des émotions.
Les problèmes d’Abe étaient manifestement le résultat d’une tentative désespérée de noyer des souffrances émotionnelles. La mère de Molly était passée par là.
— Tu as du cran. Pas étonnant que tu plaises à Fox.