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Critique de DETHYREPatricia


Livre lu dans le cadre du défi lecture des Editions Seuil 2022, item "livre dont le récit se déroule en Afrique". Cette édition de 1993 dormait depuis bien longtemps sur les rayons de ma bibliothèque et le défi lecture a été l'occasion de la remettre dans la lumière. Et grand bien m'en a fait !

Je connaissais bien sûr de nom Gilbert Sinoué mais je n'avais encore jamais rien lu de lui. La Fille du Nil est la suite du livre l'Egyptienne paru en 1991. On y retrouve les personnages qui figuraient au tome 1, mais ceux-ci ont avancé en âge, fait des enfants qui ont eux-mêmes grandi et sont soumis aux multiples péripéties 1/ de l'histoire de leurs familles respectives et 2/ de l'Histoire avec un grand H.
L'action de ce tome 2 se déroule entre 1827 et 1882, principalement en Egypte (mais également en France, en Angleterre, en Grèce et dans les différentes provinces de l'Empire Ottoman, actuelle Turquie).
On y découvre - et cela a vraiment été une découverte pour moi - les liens privilégiés que l'Egypte entretenait à l'époque avec la France et les étrangers en général, mais aussi les relations ambigües et tendues qu'elle entretenait aussi, un peu contrainte et forcée, avec l'Empire britannique. En effet, sur l'échiquier du monde, quatre grandes puissances se disputent les faveurs de l'Egypte pour mieux s'accaparer ses richesses ou pour lui permettre d'avancer vers son destin, à savoir ses velléités d'indépendance (elle est alors sous la tutelle du sultan de Turquie)... On le verra, ce n'est pas évident pour son vice-roi Mohammed Ali d'arriver à ses fins, quand diplomatie, menaces et sanctions s'en mêlent (bizarrement, cela m'a fait penser au conflit actuel entre l'Ukraine et la Russie pour lequel les grandes nations USA, France et autres pays européens interfèrent pour mieux défendre leurs intérêts). Comme quoi, L Histoire est un éternel recommencement.

Et pour mieux comprendre les interactions des uns et des autres et tous les enjeux en présence, quoi de plus pertinent que d'exposer un cas pratique ? Sur une quarantaine d'années, G. Sinoué évoque au travers l'histoire de Mohammed Ali et de sa famille, mais aussi de l'histoire romancée des Mandrino, ce qu'ont été les prémices de la création du Canal de Suez jusqu'à sa réalisation et sa mise en service en 1869.
On y découvre les fondements historiques (Antiquité, Bonaparte) du projet, mais aussi le rôle joué par les saints-simoniens (groupe français conduit par "Le Père" Enfantin, à mi chemin entre groupe d'utopistes talentueux et secte fleurtant dangereusement avec des pratiques douteuses) dont je n'avais jamais entendu parler, par Ferdinand de Lesseps, Linant de Bellefonds, et autres ingénieurs ou responsables politiques (locaux ou internationaux) ayant appuyé ou facilité sa réalisation.

Si, ici ou là, le peuple égyptien est évoqué (et notamment la nécessité de mettre un terme à certaines pratiques : la confiscation des terres et des productions, le poids des impôts, la corvée obligeant les paysans à travailler pour l'intérêt général, le rôle des femmes..., il reste cependant en marge par rapport à l'éclairage essentiellement apporté sur les "puissants" de l'Egypte, à savoir les riches ou ceux bénéficiant du soutien indéfectible du vice-roi.

Sur la forme, j'ai vraiment aimé la rigueur historique, le choix pris par l'auteur d'expliquer vraiment les méandres des interactions politiques des uns et des autres soit pour empêcher le projet, soit pour le faire avancer. J'ai beaucoup appris sur l'histoire de l'Egypte et du coup, j'ai mieux compris son évolution actuelle. J'ai particulièrement apprécié la richesse des descriptions, la poésie de la langue et des images employées, le rôle avant-gardiste donné aux personnages féminins (avec la réserve toutefois qu'il s'agissait d'une branche aisée de la population), mais aussi les pages d'annexes permettant de comprendre l'après mise en service du Canal de Suez (j'ai même fait une incursion sur Internet pour en savoir plus... comme quoi).

Pendant tout le temps de la lecture, j'ai été transportée dans un autre temps, une autre réalité géographique. Et cela fait du bien... même si, hélas, force est de constater, qu'hier comme aujourd'hui, les Etats ne sont pas libres de fonctionner comme ils l'entendent car, toujours, les plus puissants les en empêchent (notamment en Afrique où l'on sait bien que les richesses du sous-sol sont largement pillées par d'autres... et les Etats locaux seulement arrosés de quelques "miettes").

Donc, à mon sens, un livre certes romanesque mais avec une réelle portée historique et politique.
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