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Critique de Levant


Le thème de la rencontre de deux êtres que le destin a brisés est un classique un brin racoleur dont le dénouement est souvent cousu de fil blanc. On ne prend toutefois pas le risque de consommer du réchauffé avec un auteur comme Gilbert Sinoué. La force suggestive de son écriture donne de la consistance à une intrigue qui sert aussi de prétexte à sécréter de profondes réflexions sur la nature humaine. Toutes les phrases ont leur poids de signification, aucune ne sonne creux.

Avec cet ouvrage, Gilbert Sinoué délaisse, l'espace de quelques chapitres, le roman historique pour la pure fiction, avec là encore quelques évocations auto biographiques aux fragrances orientales chères à l'auteur. Les rappels à l'histoire de cette époque au coeur de la Méditerranée ancrent cette fiction dans le contexte politique des lendemains de la Grèce des colonels. En promoteur de la tolérance, Gilbert Sinoué ne cache pas son aversion pour ce genre de régime autoritaire. Aussi fait-il des parents d'Antonia, l'un des deux héros de ce tête-à-tête improbable, son bras armé contre ce fléau de la dictature.

La construction de l'intrigue est habile. Théophane, chirurgien de renom, voit sa vanité lui éclater au visage au sommet de sa gloire professionnelle. Il est soudainement rabaissé à sa condition de mortel, celui dont « la lampe se consume ». le secret de son exil sera distillé subtilement tout au long de l'ouvrage, en particulier dans ce rapport curieux avec un personnage d'arrière plan dont on comprend au final qu'il est au centre de l'intrigue.

Le « pourquoi moi ?» hante chacun des deux protagonistes. Il est lourd de révolte face à l'impuissance de l'Homme dans la gouvernance de sa vie. Théophane ne supporte pas d'avoir été l'instrument du destin. Antonia renie sa vie dans le handicap alors qu'elle lui avait fait le cadeau de la beauté. Pour l'un comme pour l'autre le recours à la religion en exutoire salvateur est également exclu. On retrouve dans ce rejet le mépris de Gilbert Sinoué pour le sectarisme des religions monothéistes.
C'est un ouvrage sur la croisée des destins, d'interrogation sur les coïncidences, que certains qualifieront de hasardeuses que d'autres voudront porteuses de sens.

On passe un bon moment à Patmos à démêler les tourments de ces coeurs fracassés qui tentent de survivre en cherchant à revivre.




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