Citations sur Triptyque (13)
Se faire violer, ce n’était pas ça le plus dur. Survivre [au viol], c’était ça qui vous tuait.
Elle bouillait de rage. Il avait réussi à l’entamer. Il s’était introduit dans son esprit et il lui donnait le sentiment d’être une merde inutile. Il lui était rentré plus d’hommes dans le corps qu’elle ne pouvait les compter, mais aucun d’eux ne lui avait envahi la tête comme lui.
Un jour, dans un rare moment de franchise, il lui avait confié qu’être dans une bibliothèque, c’était pour lui comme de s’asseoir à une table où seraient servis tous ses mets favoris, sans pouvoir en goûter aucun. Et rien qu’à cause de cela, il s’en voulait.
Les putes étaient de sortie, devant le marchand d'alcools, y compris la vieille que John avait secourue à la station de lavage. Il faudrait sas doute qu'il retienne son nom, mais il savait que s'il l'apprenait, ça le rendrait triste. Lui attribuer un nom, cela signifiait qu'elle possédait une famille quelque part. A un certain stade elle avait été gosse, elle était allée à l'école, elle avait eu des espoirs et des rêves. Et maintenant... rien
L'ironie, c'était qu'il aimait les mots, qu'il adorait les livres et les histoires, et tout ce qui serait en mesure de l'abstraire de son environnement. Un jour, dans un rare moment de franchise, il lui avait confié qu'être dans une bibliothèque, c'était pour lui comme de s'asseoir à une table où seraient servis tous ses mets favoris, sans pouvoir en goûter aucun. Et rien qu'à cause de cela, il s'en voulait.
« Je sais tout de lui et il sait tout de moi. Tu ne peux pas réellement aimer quelqu’un dans ces conditions. Je veux dire, bien sûr, tu peux aimer la personne… C’est un peu comme s’il faisait partie de moi, partie de mon cœur. Mais avec lui, tu ne peux jamais être comme tu en as envie. Tu ne peux pas l’aimer comme un amant. »
En prison, il s’était aperçu qu’il était intelligent. Il n’était pas arrivé à ce constat par vanité. C’était plus une sorte d’épitaphe, une oraison funèbre de la personne qu’il aurait pu être.
La vérité, c’était que John n’avait jamais réellement fait l’amour avec une femme. Il n’avait jamais vécu cette intimité qu’on lisait dans les livres, jamais eu une amoureuse qui lui prenait la main dans la sienne, lui caressait la nuque, et qui attirait son corps plus près du sien. En réalité, la dernière femme qu’il avait embrassée était la seule femme qu’il ait jamais embrassée. Et encore, à l’époque, ce n’était pas une femme, mais une jeune fille. John se souvenait de la date, comme si elle était marquée dans sa cervelle au fer rouge : 15 juin 1985.
Il avait embrassé Mary Alice Finney. Le lendemain matin, elle était morte.
John l’avait appris depuis longtemps déjà, la raison pour laquelle les classes moyennes vivaient si bien, c’était justement cet espoir d’une vie meilleure. Elles ne se satisferaient pas à moins, car elles considéraient qu’elles le valaient bien. Les classes moyennes grimpaient dans leurs voitures rutilantes, les classes moyennes allaient là où cela leur plaisait. En revanche, les pauvres, eux, étaient habitués à se contenter de ce qu’on leur donnait, rien d’autre, et à s’estimer heureux.
John aimait assez s’asseoir sous cet arbre, profiter de l’ombre et de la solitude, mais aujourd’hui, Chico avait été le plus rapide. En taule, ce genre de truc ne se serait jamais produit. Occuper la place d’un mec, c’était comme d’enculer sa sœur. Là-bas, rien ne se passait sans qu’on y attache un certain prix.