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Critique de karmax211


Avec - La Gestapo Sadorski - Romain Slocombe ajoute une pierre à son projet de fresque littéraire et historique sur la Seconde Guerre mondiale initiée en 2013 avec - Monsieur le Commandant : A wartime confession -, premier roman dans lequel apparaissait l'IPA ( inspecteur principal adjoint ) Sadorski, figure "allégorique ", personnification la plus vile de ce que fut la France collabo durant l'occupation nazie, ce qui la précéda et ce qui lui succéda.
Après ce premier roman, R. Slocombe conçut sa fresque en y ajoutant, à l'intérieur de ce qu'on appelle à présent - La série Sadorski -, - La trilogie des collabos -, avec, pour les "affranchi(e)s", les trois premiers volets des aventures du sinistre inspecteur :
- L'Affaire Léon Sadorski -
- L'étoile jaune de l'inspecteur Sadorski -
- Sadorski et l'ange du péché -
Fit et fait suite à présent une seconde trilogie intitulée - La trilogie de la guerre civile -, dont - La Gestapo Sadorski - est la première partie, laquelle devrait être suivie cette année de - L'inspecteur Sadorski libère Paris -, et en 2023 - J'étais le collabo Léon Sadorski -.
Ajoutons que pour bien fixer le cadre de cette fresque plus que conséquente, est paru entretemps le roman - La débâcle -, roman dans lequel figurent des personnages que l'on retrouve dans les deux trilogies...
Est-ce clair ?
Il faut dire qu'il y a quelques années, ce qui prend aujourd'hui l'apparence d'un grand tableau d'une époque, n'en était qu'à ses balbutiements, et je soupçonne l'auteur d'avoir certes eu une vue d'ensemble de ce à quoi il voulait aboutir, mais de n'en avoir conçu les différentes étapes qu'au fur et à mesure qu'il avançait dans son projet.
Dans ce premier volet de cette seconde trilogie, nous sommes à Paris à l'automne 43.
Sur le front russe, l'Armée Rouge malmène les armées d'Hitler.
Sur le front Ouest, l'Angleterre et les Américains harcèlent le coeur de l'Allemagne nazie par d'incessants bombardements.
Le débarquement allié se profile.
En France et à Paris, la Résistance multiplie les actes de sabotage et les représailles sur l'occupant et ceux qui collaborent avec l'ennemi.
C'est dans ce contexte que l'IPA Sadorski est nommé à la tête d'une unité de policiers français qui va devoir travailler avec la Gestapo pour traquer, localiser, identifier, arrêter, torturer les réseaux de résistance, au premier rang desquels figurent les communistes.
La grande force de Romain Slocombe, c'est, je suppose, l'énorme travail de documentation qui transparaît dans chacun de ses romans et qui ne souffre d'aucune défaillance.
C'est aussi d'avoir su créer une, sinon plusieurs intrigues, portées par des personnages de fiction évoluant aux côtés de personnages historiques, grands ou petits, mais tous respectés dans ce qu'ils firent, dans ce qu'ils furent, ne trahissant jamais la vérité de leur histoire, ne les dévoyant jamais au profit du romanesque.
C'est surtout, et il y a là la touche géniale de l'auteur, d'avoir fait en sorte que toutes les intrigues évoquées soient le prétexte à la reconstitution, je devrais dire la restitution historique de ce que furent ces années allant de 1939 jusqu'à la libération, la capitulation allemande et l'épuration.
Dans chacun de ses romans R. Slocombe fait revivre avec un réalisme précis, rigoureux, respectueux, honnête ce que fut, pour moi, le monde de mes parents et de mes grands-parents.
Tous les thèmes sont abordés. Les thèmes politiques, militaires qui impactèrent ceux moins apparents dans les livres d'histoire : la chanson, le théâtre, le cinéma, la littérature, la presse, la mode, le sport, les transports, l'alimentation, l'hygiène, le logement, le chauffage et... la sexualité ; sur les 120 bordels que comptait l'ex-capitale, 40 étaient réservés aux Allemands. Certains sont restés dans les mémoires, comme le One Two Two ou le Sphinx. Bref, tous les thèmes de la vie quotidienne des contemporains de cette époque où les loups étaient entrés dans Paris sont traités par la plume sans complaisance de R. Slocombe.
Un mot encore sur ce qui, à mes yeux, est une réussite incontestable de l'auteur : la vérité de la langue.
Sadorski, paysan originaire de Sfax, autodidacte ( il a juste son CEP ) rentré dans la police par vocation ; il aime l'ordre et la justice, parle la langue des hommes de sa condition, de sa génération et de son milieu :
-"Il faut se chaustiquer pour filocher...sinon le filocheur risque de se faire détroncher par le filoché... et c'en est foutu du filochage..." ( Pour ceux qui auraient des problèmes de compréhension... s'adresser à Google ( sourire ) ). Vous croiserez des bignoles, des mousmés, des zazous, des chiqueurs, des turfs, , des brèmes, des gigolpinces ; tout un univers en somme...
Sadorski en gestapiste français va s'acquitter avec zèle de ce que les nazis attendent de lui, tout en essayant de tirer profit de certaines situations dans lesquelles se trouvent mêlés femmes et argent...
Lui et ses acolytes vont réussir à loger un responsable important d'une cellule communiste, lequel va se mettre à table et livrer les siens... ce qui permet à R. Slocombe de nous détailler avec minutie qui et ce qu'étaient ces résistants communistes, leur organisation, leur structure et leur modus operandi.
Une scène de torture d'une de ses résistantes, est décrite avec la crudité d'un boucher, mais il faut voir là le prix à payer pour qu'il n'y ait pas d'oubliés dans ces temps qui furent ce qui nous en est rapporté.
En conclusion, outre l'intérêt pour la petite histoire dans la grande, ce roman est une immersion historique réussie dans le Paris occupé de cet automne 1943... Vous y apprendrez que la grippe fut particulièrement mauvaise, ce qu'était une gonio qui remontait la rue ( camion de détection des émissions de radio clandestines ), ce que chantait Alibert, vous saurez tout sur le déclin de Mireille Balin, la star du cinéma français des années 30 qui tourna avec Gabin - Pépé le Moko - et - Gueule d'amour -, puis tomba dans la drogue et l'alcool, eut une liaison avec Birl Deissböck, un officier de la Wehrmacht, ce qui lui valut à la libération d'être emprisonnée et violée... sa grande histoire d'amour avec Tino Rossi... vous aurez droit à un éclairage méconnu sur ce que fut le destin tragique de notre grand Harry Baur, que les amateurs de cinéma ont vu et n'ont pu oublier dans une des meilleures versions de - Les Misérables -... vous comprendrez mieux ce qui permit aux nazis d'arrêter et de fusiller Missak Manouchian. Si vous l'ignoriez, vous découvrirez ce que l'entretien des forces d'occupation coûtait à la France : 400 millions ( colossal à l'époque ! ) de francs par jour... payables tous les 10 jours... et qu'Hitler ramena à 300 millions en échange de... Bon, j'arrête là quelques-uns des exemples ( il y en a beaucoup d'autres ) de ce qui fait que - La Gestapo Sadorski - est une pierre de taille dans l'édifice littéraire et historique que Romain Slocombe n'a pas encore fini d'ériger mais qui s'annonce comme un rappel architectural monumental de ce que fut la France pendant la Seconde Guerre mondiale.
Un livre dont peut s'enorgueillir son auteur.
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