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Citations sur Terres de sang : L'Europe entre Hitler et Staline (14)

Les utopies d’Hitler s’écroulèrent au contact de l’Union soviétique, mais plutôt que de les rejeter, il les remodela. […] Six mois après le lancement de l’opération Barbarossa, Hitler avait reformulé ses buts de guerre pour donner la priorité à l’extermination physique des Juifs.
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Aux premières étapes de l'opération polonaise, de nombreuses arrestations eurent lieu à Leningrad, où le NKVD disposait de larges effectifs et où des milliers de Polonais étaient à portée de main. La ville était un lieu d'implantation traditionnelle des Polonais depuis l'époque de l'Empire russe.
Ces premières arrestations devaient changer le cours de la vie d'une jeune Polonaise de Leningrad, Janina Juriewicz. Benjamine de trois sœurs, elle était très attachée à Maria, l'aînée. Celle-ci s'éprit d'un jeune homme, Stanilaw Wyganowski : tous les trois allaient se promener ensemble, la petite Janina faisant office de chaperon. Maria et Stanislaw se marièrent en 1936 et formèrent un couple heureux. Quand Maria fut arrêtée en août 1937, son mari savait apparemment ce que cela signifiait : « Je la retrouverai sous la terre », dit-il. Il alla aux nouvelles auprès des autorités et fut à son tour arrêté. En septembre, le NKVD perquisitionna le domicile de la famille Juriewicz, confisqua tous les livres polonais et arrêta l'autre sœur de Janina, Elzbieta. Maria, Stanislaw et elle furent tous trois exécuté d'une balle dans la nuque, et ensevelis anonymement dans les fosses communes. Quand la mère de Janina interrogea la police à leur sujet, elle eut droit au mensonge classique : ses filles et son gendre avaient été condamnés à « dix ans sans droit de correspondre ». Comme c'étaient une des condamnations possibles, les gens y croyaient et espéraient. Beaucoup continuèrent d'espérer des décennies durant.
Les Juriewicz et leurs pareils, qui n'avaient pas le moindre rapport avec aucune espèce d'espionnage, étaient « l'ordure » à laquelle Staline faisait allusion. La famille d'un jeune étudiant léningradois, Jerzy Makowski, connut un sort analogue. Ses frères et lui étaient ambitieux, aspirant à faire carrière en Union soviétique et, suivant le vœu de leur défunt père, apprendre un métier. Jerzy, le plus jeune, voulait devenir constructeur naval. Il étudiait chaque jour auprès de son aîné, Stanislaw. Un matin, trois agents du NKVD venus arrêter Stanislaw les tirèrent tous deux du lit. Tout en essayant de rassurer son petit frère, l'aîné était si tendu qu'il n'arrivait pas à nouer ses lacets. Jerzy ne devait plus le revoir. Deux jours plus tard, ce fut au tour du cadet, Wladyslaw, d'être arrêté. Stanislaw et Wladidlaw Makowski furent tous deux exécutés : deux des 6 597 citoyens soviétiques abattus dans la région de Leningrad dans le cadre de l'opération polonaise. Leur mère eut droit au mensonge habituel : ses fils avaient été expédiés au Goulag et privés du droit de correspondre. Le troisième frère, Eugeniusz, qui voulait être chanteur, dut trouver une place en usine pour entretenir la famille. Il contracta la tuberculose et mourut.
La poétesse russe Anna Akhmatova qui vivait alors à Leningrad, perdit son fils, avalé par le Goulag sous la Terreur. Elle évoqua le souvenir d'une Russie qui « se tordait, innocente, / sous des bottes ensanglantées, / et sous les pneus des fourgons noirs ».

La Russie innocente était un pays multinational. Leningrad était une ville cosmopolite, et les minorités nationales étaient les populations les plus exposées. En 1937-1938, à Leningrad, le risque pour les Polonais d'être arrêtés était 34 fois plus élevé que pour leurs concitoyens soviétiques. Une fois arrêté, un Polonais léningradois risquait fort d'être abattu : 89 % des personnes condamnées dans le cadre de l'opération polonaise furent exécutées, habituellement dans les dix jours. Ailleurs, la situation des Polonais était juste un peu moins pire : en moyenne, dans l'ensemble de l'Union soviétique, 78 % des personnes arrêtées lors de l'opération polonaise devaient être exécutés. Les autres, bien entendu, n'étaient pas relâchées : la plupart devaient purger des peines de huit à dix ans de Goulag.
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Pas une seule de ces 14 millions de victimes n'était un soldat en ser(vice (préface, p 13)
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L’Union soviétique triompha de l’Allemagne nazie sur le front de l’Est au cours de la Seconde guerre mondiale, ce qui valut à Staline la reconnaissance de millions de gens, mais aussi de jouer un rôle crucial dans l’instauration de l’ordre européen après la guerre. Or, le bilan des massacres de Staline était presque aussi imposant que celui de Hitler.
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Tout coule, tout change ; il n'y a pas deux convois qui se ressemblent.
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Les terres de sang furent la région la plus touchée par les régimes nazi et stalinien : dans la terminologie actuelle, Saint-Pétersbourg et la bordure occidentale de la Fédération russe, la majeure partie de la Pologne, les pays Baltes, la Biélorussie et l'Ukraine. C'est là que se chevauchèrent et interagirent la puissance et la malveillance des deux régimes. Les terres de sang sont importantes non seulement parce que la plupart des victimes y habitaient, mais aussi parce qu'elles furent le centre des grandes politiques qui tuèrent des gens d'ailleurs. Par exemple, les Allemands tuèrent près de 5,4 millions deJuifs. Plus de 4 millions d'entre eux étaient natifs de ces territoires : Juifs polonais, soviétiques, lituaniens et lettons. Les autres étaient pour la plupart originaires d'autres pays d'Europe orientale. Le plus fort groupe de victimes juives non originaires de la région, les Juifs hongrois, furent exterminées dans les terres de sang, à Auschwitz. Si l'on considère également la Roumanie et la Tchécoslovaquie, les Juifs Est-européens représentent près de 90% des victimes de l'Holocauste. Les populations juives plus réduites d'Europe occidentale et méridionale furent déportées vers les terres de sang pour y être mises à mort.

Conclusion - p.580
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Chaque vivant portait un nom ....
Chacun des morts devint un chiffre. A eux deux, les régimes nazi et stalinien tuèrent plus de 14 millions de gens dans les terres de sang. La tuerie commença par une famine politique que Staline infligea à l'Union soviétique et qui coûta plus de 3 millions de vies. Elle continua avec la Grande Terreur stalinienne des années 1937 et 1938, qui vit l'exécution de quelque 700 000 personnes, pour la plupart des paysans et des membres de minorités nationales. Les Soviétiques et les Allemands coopérèrent ensuite à la destruction de la Pologne et de ses classes éduquées, tuant quelque 200 000 personnes entre 1939 et 1941. Après que Hitler trahit Staline et ordonna d'envahir l'Union soviétique, les Allemands affamèrent les prisonniers de guerre soviétiques et les habitants de Leningrad assiégée, prenant la vie de plus de 4 millions de personnes. Dans l'Union soviétique, la Pologne et les Pays Baltes occupés, les Allemands tuèrent et gazèrent quelque 5,4 millions de Juifs. Allemands et Soviétiques s'incitèrent mutuellement à des crimes toujours plus grands, comme dans les guerres de partisans pour la Biélorussie et Varsovie, où les Allemands tuèrent près d'un demi-million de civils.
Ces atrocités partagent un même espace et une même époque : les terres de sang entre 1933 et 1945.

Conclusion- p.573-574
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L'image des camps de concentration allemands comme pire élément du nazisme est une illusion, un mirage noir dans un désert inconnu. ... Les camps de concentration tuèrent des centaines de milliers de gens à la fin de la guerre, mais, à la différence des usines de la mort, ils n'étaient pas faits pour tuer en masse .... C'est une des raisons pour lesquelles ces camps nous sont familiers : ils ont été décrits par des survivants, des gens promis à mourir au travail, mais qui ont été libérés à la fin de la guerre. La politique allemande d'extermination de tous les Juifs d'Europe fut mise en œuvre non pas dans les camps de concentration, mais au bord des fosses, dans des fourgons à gaz et dans les usines de la mort de Chelmno, Belzec, Sobidor, Treblinka, Majdanek et Auschwitz.
... Auschwitz fut un mélange inhabituel de camp industriel et d'installation de tuerie. Il reste un double symbole de concentration et d'extermination, ce qui crée une certaine confusion.
... La plupart des Juifs morts à Auschwitz furent gazés dès leur arrivée, sans avoir passé le moindre temps à l'intérieur du camp. Le cheminement des Juifs du camp aux chambres à gaz n'est qu'une petite partie de l'histoire du complexe d'Auschwitz, et demeure un guide trompeur de l'holocauste ou de la tuerie de masse en général.
Auschwitz fut bien un site majeur de l'Holocauste : c'est là que près d'une victime juive sur six trouva la mort. Mais quoique l'usine de la mort d'Auschwitz fût la dernière installation à fonctionner, elle ne marqua pas l'apogée de la technologie de la mort : les pelotons d'exécution les plus efficaces tuaient plus vite, les sites d'affamement tuaient plus vite, et Treblinka tuait plus vite. Auschwitz ne fut pas non plus le principal centre d'extermination des deux plus grandes communautés juives d'Europe, les Polonais et les Soviétiques. Quand Auschwitz devint la grande usine de la mort, la plupart des Juifs soviétiques et polonais sous occupation allemande avaient déjà été assassinés.

Conclusion - p.577-579
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Revendiquer le statut de victime ne suffit pas à inspirer des choix éthiques sains. Tout au long de leurs carrières politiques, Staline et Hitler se posèrent tous deux en victimes d'un complot capitaliste ou juif international. ... Aucune grande guerre ni aucun massacre du XXème siècle n'a commencé sans que les agresseurs ou les bourreaux n'aient d'abord protesté de leur innocence et de leur place de victime. Au XXIème siècle, nous assistons à une seconde vague de guerres agressives accompagnée de prétentions au statut de victimes, avec des dirigeants qui non seulement présentent leurs peuples comme des victimes, mais se réfèrent aussi explicitement aux meurtres collectifs du XXème siècle. La capacité d'endosser la place subjective de la victime est apparemment sans limite, et ceux qui se croient victimes peuvent être conduits à des actes d'une grande violence.

Conclusion - p.601
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« A partir de 2013, les dirigeants et propagandistes Russes, tenant d’un nouveau colonialisme, ont imaginé d’anéantir les Ukrainiens voisins, ou les ont présentés comme des »sous-Russes« . Dans des tableaux qui rappellent ce que Hitler disait des mêmes Ukrainiens (et Russes), les dirigeants Russes ont décrit l’Ukraine comme une entité artificielle, sans histoire, sans culture ni langue, soutenue par un conglémérat de Juifs, de gays, d’Européens et d’Américains.

Dans la guerre contre l’Ukraine que cette rhétorique était sensée justifier, les premiers gains furent les gisements de gaz de la mer Noire, près de la péninsule de Crimée, que la Russie envahit et anexa, en 2014. Les terres fertiles d’Ukraine continentale, sa terre noire, en font un pays exportateur de nourriture très important, ce que n’est pas la Russie. En matière de politque étrangère, le président Poutine a élaboré une doctrine de guerre ethnique.

Ce raisonnement, qui mène du language à l’invasion, celle de la Tchéchoslovaquie par Hitler, ou de l’Ukraine par Poutine, réduit à néant la logique de souveraineté des états, et prépare le terrain à leur destruction. Il transforme des régimes politques reconnus en cibles d’agression délibérées, et les individus en objets ethniques dont les intérets présumés sont déterminés de l’étranger. Poutine s’est placé aussi en tête des forces populistes, fachistes et neo nazis en europe.

Tandis que les migrants du sud continuent d’arriver sur le continent européen, poussés par le changement climatique et l’effondrement des états qui va de pair, l’extrème droite européenne gagne en popularité et en voix. .... Tout en soutenant des politiciens qui imputent à la communauté juive mondiale les problèmes planétaires et en appliquant des techniques de destruction des états,Moscou a engendré un nouveau bouc émissaire : Les homosexuels. La nouvelle idée Russe d’un »lobby gay« responsable de la décadence du monde n’a pas plus de sens que la vieille idée nazies d’un »lobby juif« responsable de la même chose, mais cette idéologie se répand largement aujourdh’ui dans le monde ». « Terre noire » ( la terre d’ukraine) reprend la génèse de l’extermination des juifs, avec pour fond d’écran le « lebensraum », cet espace vital à conquérir, en particulier sur les terres très riches d’Ukraine, qu’Hitler jugeait indispensable au développement de « la race Allemande »
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