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Critique de Sando


Sando
28 février 2023
Dans ce récit-enquête, résultat d'une année passée au coeur de deux unités psychiatriques, Joy Sorman nous raconte le quotidien de ces hommes et de ces femmes, soignants et patients, qui tentent par tous les moyens de cohabiter et de garder un lien, une connexion avec la réalité.

Dans le pavillon 4B, où elle a passé l'essentiel de son temps, les journées sont cadencées par une chronologie immuable, rythmée par les pauses cigarettes, afin de donner un cadre et des repères à ceux qui ont si facilement tendance à se perdre en eux-mêmes. Les sorties sont interdites ou très contrôlées, faute de moyens ou de personnel, les patients étant jugés “à risque” et nécessitant une surveillance accrue. Derrière des diagnostics parfois barbares pour dire la schizophrénie, la bipolarité, l'angoisse, les hallucinations, le délire, la psychose infantile, se cachent des noms, des visages: Franck, Jessica, Robert, Maria, Youcef, Igor. Certains font de brèves apparitions quand d'autres s'en vont et reviennent, ayant développé une forme de dépendance à l'hôpital psychiatrique. A travers ce récit, Joy Sorman rend un peu de leur humanité à ces laissés pour compte, ces inadaptés à la société actuelle et dont on ne sait plus quoi faire.

Mais les voix que l'on entend, ce sont aussi celles des soignants ou des dames d'entretien, ceux et celles qui côtoient le plus intimement les patients. Ce sont Eva, Adrienne, Catherine, Colette, Fabrice, eux qui, après de longues années passées à l'intérieur de cette prison sanitaire, en parlent le mieux. Certains ont connu l'âge d'or de la psychiatrie, l'époque où l'humain et l'écoute primaient dans la relation avec le patient, où l'on pouvait faire des sorties en extérieur, où un fond était alloué aux activités. Tous parlent aujourd'hui d'une époque révolue, où le remplissage des logiciels prime sur le temps accordé au patient, où l'interaction est remplacée par des cachets qui abrutissent et annihilent toute volonté, où le sous-effectif chronique engendre des situations parfois dangereuses et usantes au quotidien… Bref, on découvre sans surprise une société malade de rentabilité et qui, du même coup, ne prend plus soin de ses malades. Un constat triste et désolant, qui s'applique malheureusement à de nombreux secteurs et dont les plus vulnérables et les plus démunis font les frais.

“A la folie” est une expérience que j'ai trouvé particulièrement intéressante en ce qu'elle nous alerte sans pour autant juger ni condamner. Joy Sorman ne s'impose pas dans le récit, elle observe, écoute et témoigne, avec beaucoup de bienveillance, des confidences que lui ont fait les uns et les autres. Un texte fort et bouleversant, qui interroge sur notre société de plus en plus déshumanisée, où le profit prévaut sur l'humain.
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