Une infirmière est venue arracher ma robe. Elle a tiré méchamment sur le tissu, la souffrance m'a paralysée. Je ne vois presque rien, mon menton est collé sur ma poitrine, je ne peux pas le relever. Je ne peux pas bouger les bras non plus. La douleur est sur ma tête, sur mes épaules, dans mon dos, sur ma poitrine. Je sens mauvais. Cette infirmière est si méchante qu'elle me fait peur quand je la vois entrer. Elle ne me parle pas. Elle vient arracher des morceaux de moi, elle met une compresse et elle s'en va.
Je l'ai cru, tellement je voulais le croire. Parce que je l'aimais, et j'avais aussi de bonnes raisons d'espérer puisqu'il m'avait déjà demandée à mon père. (p92)
Je n'ai jamais été aussi heureuse. Être avec lui, d'aussi près, même quelques minutes, c'est merveilleux. Je le ressent dans mon corps tout entier, sans pouvoir le définir clairement à ce moment là. Je suis bien trop naïve et je n'ai pas reçu plus d'éducation qu'une chèvre, mais cette sensation de merveilleux, c'est celle de la liberté de mon cœur et aussi de mon corps.
C’est une chose curieuse que le destin des femmes arabes…On l’accepte naturellement…Aucune idée de révolte ne nous vient. On ignore même ce qu’est la révolte. On sait pleurer, se cacher, mentir s’il le faut pour éviter le bâton, mais se révolter, jamais ! Tout simplement parce qu’il n’y a pas d’autre endroit où vivre que chez son père ou son mari. Vivre seule est inconcevable…
Je demande au jeune médecin s'il sait où se trouve ce fameux village où on brûle comme des torches les filles coupables d'êtres amoureuses.
Est-ce qu'il m'aimait ? Non. Et si j'ai commis une faute, c'est celle de croire que je le retiendrais en faisant ce qu'il voulait.
P144
Je vais demander son avis à Souad :
"Comment s'appelle ton fils ?
- Il s'appelle Marouan.
- C'est toi qui a donné ce nom ?
-Oui c'est moi. Le docteur m'a demandé."
Ma mère était une excellente mère, la meilleure des mères, elle faisait son devoir en me donnant la mort.
Chez nous, un homme qui se respecte n'épouse pas la fille qu'il a lui-même déflorée avant le mariage.
:" Une femme là-bas, (en Cisjordanie) n'a pas de vie. Beaucoup de filles sont battues, maltraitées, étranglées, brûlées, tuées. Pour nous, là-bas, c'est tout à fait normal. Ma mère a voulu m'empoisonner pour "finir" le travail de mon beau-frère, et pour elle c'était normal (...) La vache et les moutons, comme mon père disait, sont mieux considérés que les femmes. Si on ne veut pas mourir, il faut se taire, obéir, ramper, se marier vierge et faire des fils. Si je n'avais pas rencontré un homme sur mon chemin, c'est la vie que j'aurais eue. Mes enfants seraient devenus comme moi. (..) J'aurais peut-être tué ma fille. J'aurais pu la laisser brûler."