Etre au cœur de tout ça était merveilleux. Telles les grenouilles du Sonora, nous avons été réveillés par un déluge de petites attentions. Les paroles de sympathie et les gestes anodins que nous avions crus disparus à jamais ont ressuscité. Pendant des années, les étrangers à notre communauté avaient rasé les murs ; désormais, nous les regardions, leur adressions des signes de tête et des sourires. L'un de nous obtenait une bonne note ? Tout le monde s'en réjouissait. Un autre se foulait la cheville ? Les autres souffraient avec lui. Nous connaissions maintenant la couleur des yeux de chacun.
Ce que Stargirl menait là, c'était une révolution. Une révolution POUR plutôt que contre. Pour nous-mêmes. Pour les grenouilles assoupies que nous avions si longtemps été. (p.64)
Nous aurions voulu la définir. L'étiqueter comme nous cataloguions chacun d'entre nous. Mais nous ne parvenions pas à aller au-delà de "bizarroïde", "déjantée", "loufoque". Son comportement nous déstabilisaient. (p.23)
Le lycée de Mica n'était pas exactement connu pour son anticonformisme. Il y avait bien quelques originaux çà et là, mais, grosso modo, nous portions tous les mêmes vêtements, parlions de la même façon, mangions la même nourriture, écoutions la même musique. Même nos abrutis et nos ringards de service étaient estampillés Mica. Si, par hasard, il arrivait que nous nous distinguions, nous rentrions vite dans le rang, comme des élastiques. (p.21-22)
Personne ne s'est installé à côté d'elle, mais, aux tables voisines, les élèves s'entassaient à deux sur une chaise. Elle n'a pas paru le remarquer. Elle était une île déserte dans une mer de regards et de chuchotements. (p.16)
« En seize ans, des milliers de sourires m'avaient été adressés. Pourquoi celui-là semblait-il être le premier ? »
Ces premières semaines de septembre, elle débarqua chaque matin habillée de manière proprement scandaleuse : garçonne des années folles, squaw en peau de daim, japonaise en kimono. Un jour, elle osa même une minijupe en jean et des collants verts avec, le long d'une jambe, une ribambelle de coccinelles et de papillons en émail. Sa "normalité" à elle, c'étaient des robes ou des jupes longues, genre XIXe ! [...] C'était son rat domestique. Il l'accompagnait tous les jours au lycée. Un matin, une averse aussi violente que rare s'abatit sur la ville, pendant le cours de gym. Le prof fit rentrer tout le monde. A l'interclasse, on s'aperçut que Stargirl était rester dehors, à danser sous la pluie.