Stargirl est la nouvelle élève arrivée dans le lycée du narrateur, Léo : elle est radicalement différente des autres élèves dans sa façon de s'habiller, de se comporter, d'être : ses tenues sortent tout droit des films dont sa mère est la costumière; elle porte constamment son rat domestique perché sur l'épaule: elle joue de l'ukulélé pour souhaiter l'anniversaire de chacun des élèves de l'établissement; elle soutient toutes les équipes lors des matchs de basket (même l'équipe adverse). Elle laisse des bonbons sur les tables de chaque élève pour Halloween. Elle rend en secret des services à tous les habitants de la ville.
Son comportement généreux, désintéressé, anti-conformiste dérange et agace. Léo se sent irrésistiblement attiré mais il n'est pas facile d'être celui qui s'affiche à côté de cette fille pas du tout comme toutes les autres.
Ce roman est un manifeste pour la différence, même lorsqu'elle radicale et gênante. Stargirl est un OVNI, une étoile filante dans cette communauté adolescente, à un âge où le conformisme règne, où le regard des pairs et leur approbation est primordiale.
Léo est pris entre deux tentations : celle d'appartenir à cette communauté lycéenne et celle de céder à la fascination de cet être solaire et vivant, si sûre d'elle et de ses convictions.
Même pour moi, grande lectrice de romans de littérature jeunesse, le personnage éponyme est surprenant. Son traitement par les autres lycéens, le développement de l'intrigue l'est moins.
La cruauté du microcosme lycéen est dépeint avec acuité et réalisme, même si Stargirl semble tout droit sorti d'un roman pour la jeunesse, ou de la Légende Dorée de Jacques Voragine, car en d'autres temps, elle aurait été de l'étoffe dont on fait les saintes ou les sorcières.
A partir de 12-13 ans
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"Mon chariot du bonheur est presque vide, Léo. Plus que cinq cailloux. Question bonheur, je fonctionne seulement à vingt-cinq pour cent de mes capacités. Tu te rappelles la première fois que je t'ai montré mon chariot ? Combien de galets contenait-il, alors ? Dix-sept ! Ensuite, j'en ai rajouté un, tu te souviens ? Je ne te l'ai jamais avoué mais, avant de me coucher ce soir-là, après que nous avons échangé notre premier baiser, sur le trottoir devant chez moi, j'ai mis les deux dernières pierres. Vingt en tout. Le nirvana. Comme jamais auparavant. Le chariot est resté plein jusqu'à ce je peigne ce drap et que je l'accroche sur le panneau d'affichage du lycée pour que tout le monde le voie...
STARGIRL
AIME
LÉO
Est-ce ma faute, Léo ? Ai-je exagéré ? T'ai-ce à ce point effrayé ? J'ai l'impression que, depuis, je n'ai cessé de retirer des gallets de mon chariot. Maintenant, j'en suis réduite à cinq, je me sens mal, et j'ignore comment aller mieux."
Plus tard, je lui ai expliqué comment fonctionnaient les gens. On ne pouvait encourager tout un chacun. Pourquoi ? Parce qu'on appartenait à un groupe, qu'il était impossible d'appartenir à tous les groupes. Pourquoi ? (...)
L'appartenance au groupe était quelque chose de très fort. De primitif. On la retrouvait à tous les niveaux, dans les plus petites communautés - la famille - comme dans les plus grandes - le lycée, la ville. Et jusqu'aux plus vastes échelles - les pays. Les planètes aussi ? N'importe. Ce qu'il fallait retenir, c'est que, dans un groupe, tout le monde se comportait grosso modo de la même façon. C'était la condition sine qua non de la cohésion. Tout le monde ? Presque. Voilà pourquoi on avait inventé les prisons et les hôpitaux psychiatriques. Pour assurer la cohésion des groupes. (p.195-196)
Un espace-temps. Pour la plupart, il s'agit du matin. Des premières secondes où nous nous éveillons, mais où nous ne sommes pas encore complètement lucides. Durant ces brefs instants, nous sommes plus primitifs que la normale. Nous venons de dormir du sommeil de nos plus anciens ancêtres, et quelque chose d'eux et de leur monde s'accroche encore à nous. Ces quelques secondes, nous ne sommes pas encore formés, pas civilisés. Nous ne sommes pas ceux dont nous avons l'habitude, mais des être plus proches d'un arbre que d'un clavier d'ordinateur. Nous n'avons ni titre ni nom, nous sommes à l'état de nature, suspendus entre "l'avoir été" et "l'être", des têtards pas encore grenouilles, des chenilles pas encore papillons. Nous sommes, brièvement, tout et n'importe quoi. Et puis... (p.150)
Etre au cœur de tout ça était merveilleux. Telles les grenouilles du Sonora, nous avons été réveillés par un déluge de petites attentions. Les paroles de sympathie et les gestes anodins que nous avions crus disparus à jamais ont ressuscité. Pendant des années, les étrangers à notre communauté avaient rasé les murs ; désormais, nous les regardions, leur adressions des signes de tête et des sourires. L'un de nous obtenait une bonne note ? Tout le monde s'en réjouissait. Un autre se foulait la cheville ? Les autres souffraient avec lui. Nous connaissions maintenant la couleur des yeux de chacun.
Ce que Stargirl menait là, c'était une révolution. Une révolution POUR plutôt que contre. Pour nous-mêmes. Pour les grenouilles assoupies que nous avions si longtemps été. (p.64)
Ces premières semaines de septembre, elle débarqua chaque matin habillée de manière proprement scandaleuse : garçonne des années folles, squaw en peau de daim, japonaise en kimono. Un jour, elle osa même une minijupe en jean et des collants verts avec, le long d'une jambe, une ribambelle de coccinelles et de papillons en émail. Sa "normalité" à elle, c'étaient des robes ou des jupes longues, genre XIXe ! [...] C'était son rat domestique. Il l'accompagnait tous les jours au lycée. Un matin, une averse aussi violente que rare s'abatit sur la ville, pendant le cours de gym. Le prof fit rentrer tout le monde. A l'interclasse, on s'aperçut que Stargirl était rester dehors, à danser sous la pluie.