Les rêves s’effondrent quand ils deviennent passionnants. Quand ils nous couchent, nous happent, sans prévenir.
L'injustice altère. L'ignominie réduit. La soumission gangrène.
Elle n'a jamais blessé personne. Elle n'a jamais haussé la voix. Elle a été à la hauteur. Elle s'est battue. Elle a menti. Elle a collé au personnage qu'on avait voulu faire d'elle. Digne de son rôle.
Si Aimé vit encore, si son cœur se cadence d'une prosodie acharnée, il ne se relève plus. Ce sont pas ses muscles qui se dérobés. Ça vient d'ailleurs. Comme un interrupteur. Il lâche de l'intérieur, la vie rompue, à genoux malgré lui.
Ce soldat s'appelle Rose. C'est son vrai nom. Rose. Aimé l'a reconnu. Il était à Stöcken, comme lui. Il a fait des centaines de kilomètres. Presque autant que le rouleau de cuir qu'il a caché dans la doublure de sa veste. La mémoire des camps. Témoin écrit de leurs vies effacées.
Et quand vient la défaite, les héros disparaissent, au profit des héros ennemis. Magda sait qu'il n'y a pas d'Histoire. Il n'y a que des victoires et des défaites, les récits des vainqueurs et l'oubli des vaincus. Memento mori. Tout passe.
La lune recouvre la forêt d'une lueur apaisante. Seul le torrent s'agite, froissant son lit, comme un incorrigible môme, toujours à faire des siennes.
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L'enfant de leur amour à eux. Leur prolongement égoïste. Génétique.
Je sais seulement que cette civilisation que tes amis honorent a atteint des degrés de sophistication funeste inouï. C'est sans doute le propre des grandes civilisations que d'atteindre des sommets dans l'art de faire le mal.