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Critique de HordeDuContrevent


Variation du très exploré voyage dans le temps d'une manière unique, poétique et ludique…

Ce livre est un livre très agréable à lire, et qui happe son lecteur immédiatement. Il démarre en 1912. Edwin, jeune homme de la bourgeoisie anglaise, venu chercher un sens à sa vie aux Etats-Unis, arrive sur l'île de Vancouver. En s'enfonçant dans la forêt de Caiette, il entend tout à coup une musique, des accords de violon très exactement, suivi d'un bruit étrange impossible à identifier tout en ayant la sensation d'être dans une sorte de caverne très sombre. Cela ne dure que quelques secondes, mais le jeune homme en reste pétrifié et profondément bouleversé, ce d'autant plus qu'il fait la rencontre, dans cette même forêt d'un étrange personnage, un homme d'église, comme surgi d'on ne sait où…En 2020, Paul Smith et sa soeur Vincent, que nous avions rencontrés dans le précédent livre de l'auteure, L'hôtel de verre, puis en 2203, Olive Llewellyn, double de l'auteure qui vient de publier un roman post-apocalyptique situé pendant une pandémie et le confinement consécutif, vont vivre ou relater la même chose. En 2401 l'institut du Temps veille à la cohésion temporelle de l'univers et Zoey, brillante physicienne, s'interrogent sur ces anomalies qui la perturbent, bien trop de personnages ont vécu ce phénomène mystérieux qui semble traverser ainsi le temps et les époques. Que signifient-ils ?

Une théorie a émergé chez les transhumanistes de la Silicon Valley, théorie avec laquelle Emily St. John Mandel va s'amuser : Alors que vous êtes sur Babélio, sur votre ordinateur ou sur votre téléphone, que vous lisez ces lignes, puis que vous comptez aller vous reposer, ou préparer le repas, sortir le chien ou aller travailler, imaginez deux secondes, que vous ne soyez que le simple fruit d'une programmation informatique dans une sorte de vaste simulateur. Oui, et si nous vivions dans une simulation ? Qu'est-ce que l'existence dans ce cas ? Serait-ce si grave de vivre une pseudo vie dans une simulation si nous n'en sommes pas conscient ? « Si nous vivons dans une simulation, comment saurions-nous qu'il s'agit d'une simulation ? » Et comment vivre dans ces conditions si nous en avons l'intuition ?

L'auteure, d'une manière facétieuse, propose, pour répondre à cette question, d'éclater le monde en mille morceaux, de déchirer l'espace-temps, de croiser les histoires possibles avec grâce et poésie en une construction brillante mais sans rigueur et questionnement scientifique, d'où quelques facilités par moment qui peuvent faire tiquer le lecteur en quête d'explications plus poussées, je pense notamment aux plus férus de SF…C'est davantage un univers dans lequel nous invite Mandel que dans une quête de sens rationnel, la science-fiction n'est qu'un moyen mais pas une fin en soi. Ainsi voyons-nous des capsules lunaires dans lesquelles le ciel terrestre est reproduit, des forêts sur l'île de Vancouver dans lesquelles de drôles de personnages s'égarent, des périodes de confinement analysés de façon troublante…C'est un livre empreint d'une belle mélancolie et je dois dire que cela apporte beaucoup de charme venant compenser grandement la petite frustration éprouvée par les facilités scénaristiques que j'ai parfois pu ressentir.


Oui, nous sentons que Mandel a mis son propre vécu dans ce livre au travers du personnage d'Olive. Sur une colonie lunaire, en l'an 2203 cette écrivaine est connue pour avoir écrit un roman se déroulant après une pandémie. Elle est en tournée promotionnelle lorsqu'une véritable pandémie se déclenche, menant à des confinements. Troublant lorsque nous savons que Emily St. John Mandel, a écrit un roman post-apocalyptique quelques années avant une véritable pandémie et des confinements…De fait, Olive incarne à la fois la réalité de l'auteure (livre écrit certainement pendant le confinement quelques années après Station Eleven), son autobiographie (de nombreuses questions sur le pourquoi et le comment des romans post-apocalyptique , si nombreux, jalonnent le texte et nous sentons que ce sont des questions qui taraudent Mandel et dans ce livre elle donne des réponses et se confie. Elle fait même dire à Olive que les récits sur les voyages dans le temps est un thème rabattu, comme pour s'excuser d'en faire un nouveau) et la science-fiction qui est le thème de prédilection de l'auteure (l'histoire d'un voyage dans le temps que Mandel nous propose selon sa vision à elle, plus poétique que scientifique, plus ludique que sérieuse) qui se mélangent.

« Je suis convaincue que si nous nous tournons vers la fiction post-apocalyptique, ce n'est pas parce que nous sommes attirés par le désastre en soi, mais parce que nous sommes attirés par ce qui, dans notre esprit, risque fort de se produire. Nous aspirons en secret à un monde moins technologique ».

Lire L'hôtel de verre avant de lire ce livre-là n'est pas une condition nécessaire mais comme il est plaisant de retrouver les personnages de ce précédent livre lorsque nous les connaissons ! C'est un plus indéniable.
Bien sûr, qui dit voyage dans le temps dit modification, ou pas, de l'histoire, éternelle et passionnante question. de nombreuses questions métaphysiques, celles relatives au voyage dans le temps mais d'autres aussi, sont abordées avec pertinence.

« Il y a toujours quelque chose. Je pense que, en tant qu'espèce, nous avons le désir de croire que nous vivons le point culminant de l'histoire humaine. C'est une forme de narcissisme. Nous voulons croire que nous avons une importance unique, que nous vivons le dénouement de l'intrigue, que maintenant, après des millénaires de fausses alertes, arrive enfin le pire qui soit jamais arrivé : nous avons enfin atteint la fin des temps ».


L'auteure renouvelle donc le thème très classique du voyage dans le temps à sa manière unique, dans une histoire envoûtante qui entremêle époques et personnages, jusqu'au vertige. C'est beau, mélancolique, haletant, c'est une façon vraiment singulière d'approcher ce thème récurrent de la Science-Fiction. Si certaines facilités ont quelque peu, par moment, tempéré mon enthousiasme heureusement il a été également bien nourri par le charme réel du livre. Je l'ai lu d'une traite avec grand plaisir et c'est un livre de science-fiction accessible au plus grand nombre qui ne peut laisser indifférent.

« Aucune étoile ne brûle éternellement ».

Un grand merci à Stéphane ( @Lenocherdeslivres ) à qui je dois la lecture des deux livres de cette auteure, j'ai suivi ses conseils, excellents, en lisant d'abord L'hôtel de verre puis La mer de la tranquillité.

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