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François Guérif. (Autre)Gérard De Chergé (Traducteur)
EAN : 9782743660635
448 pages
Payot et Rivages (23/08/2023)
3.57/5   318 notes
Résumé :
Sur l'ïle de Vancouver, se dresse un hôtel aux murs de verre, seulement accessible par la mer. Il est fréquenté par une clientèle exclusive qui veut rompre avec "la civilisation connectée". Là, pas de wifi, pas de portable, on est au bout du monde.

Paul, aspirant compositeur, et sa soeur Vincent, vidéaste amateure, travaillent tous à l'hôtel Caiette. Un soir, alors qu'on attend l'arrivée du milliardaire new-yorkais Jonathan Alkaitis, le gérant découvr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (71) Voir plus Ajouter une critique
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Moi, je n'aime pas les puzzles. Surement un traumatisme d'enfance lié à la perte d'une pièce venue ruiner la représentation d'une biche orange ou d'une copie crevassée d'un paysage de montagne digne d'un calendrier d'éboueurs.
Malgré cette allergie aux jeux de patience, je n'ai pas perdu mon temps dans la structure alambiquée de ce roman, casse-tête qui aurait pu casser d'autres parties moins pensantes de mon anatomie si son auteure n'avait pas été Emily St.John Mandel, cette romancière canadienne dont « Station Eleven », chef d'oeuvre apocalyptique, a rejoint mon panthéon: l'étagère la plus haute et la moins stable de ma bibliothèque.
Assembler toutes les pièces de ce puzzle, c'est découvrir un ciel gris derrière une baie vitrée. Sur la paroi transparente, une inscription sous forme de graffiti : « Et si vous avaliez du verre brisé ? ». Une sensation de mal à la gorge est autorisée.
Cette vision glaçante est celle de l'hôtel Caiette, palais isolé sur une île au nord de Vancouver. Gîte pour millionnaires fatigués à trop compter leurs pépettes, l'établissement appartient à Jonathan Alkaitis, avatar de Bernard Madoff, le défrayeur des chroniques de 2008, le genre à organiser des diners mondains en pleine pandémie pour continuer à réseauter le VIP.
Le roman va raconter les circonstances de sa chute, de la ruine de tous ceux qui lui ont fait confiance, autant par naïveté que par avidité. Employés, compagnes et victimes vont interroger leur mauvaise conscience et Emily St.John Mandel les décrit ici comme des spectres amorphes que l'économie a extradé du monde réel, apatrides argentés qui trainent la malédiction de la culpabilité comme un boulet de vieux fantôme écossais. Les zombies de Wall Street.
Mais rassurez-vous, l'histoire ne fréquente pas uniquement les pages saumonées du Figaro pour pêcheurs de bons placements. Inutile d'être un crac du Cac 40, un nostalgique de la bourse de Paris avec René Tendron ou de suivre le cours du Dow Jones pendant son jogging à Central Park pour se passionner pour ce récit. Derrière chaque trader, oui, un être humain fragile sommeille et les personnages en orbite de ce scandale financier portent des traumatismes d'enfance, la perte d'être chers et la nostalgie des rêves brisés. Des gens anormaux comme tout le monde.
La structure narrative brillantissime utilisée par Emily St.John Mandel fait écho au montage financier utilisé par Madoff pendant des dizaines d'années : la fameuse pyramide de Ponzi. Pas le gars qui a la classe avec une banane sur la tête et un vieux cuir, sacré Fonzi. Il s'agit ici de Ponzi, un homme d'affaire qui en 1919 inventa cette magouille pour cols blancs pressés de finir millionnaires. Happy days. Si cette fraude consiste à rémunérer les investissements des clients non par des placements miraculeux mais par les apports de nouveaux gogos, l'auteure a très habilement construit de la même façon son récit, l'intrigue s'enrichissant au fur et à mesure de personnages secondaires qui prennent de plus en plus d'importance et portent l'histoire jusqu'à l'effondrement. Un échafaudage de gratte-ciel.
Sauts dans le temps, puis dans le vide, je me suis laissé séduire par cette histoire aride portée par une écriture à la fois distancée et poétique. Cette romancière excelle dans les personnages hors sol et dans les ambiances froides et mélancoliques qui rappellent certains films de Sofia Coppola.
Un peu lent au démarrage mais ensuite les pages se tournent toutes seules, emportées par le souffle glacial d'une bise canadienne. Pas l'haleine de caribou.
Je veux bien miser mon livret A sur la consécration littéraire d'Emily St.John Mandel. Rien que son nom fleure bon la postérité.
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Avec ce roman à la fois étrange et troublant, Emily St John Mandel plante son étendard là où l'ordinaire et l'étonnant se rencontrent, là où des personnes d'apparence banale s'arrêtent pour se demander comment ils en sont arrivés exactement là. le roman s'ouvre et se clôt avec la disparition nocturne d'une femme prénommée Vincent, elle dégringole du pont d'un porte-conteneurs près des côtes mauritaniennes.

Vincent, caméléon à l'agilité sociale parfaite, entrée presque par hasard dans le royaume de l'argent, n'est qu'un des personnages qui peuplent le roman. Elle est accompagnée de Léon, cadre dans une compagnie maritime qui bascule dans la marge ; d'Olivia, peintre octogénaire qui a eu son heure de gloire ; de Paul son frère toxicomane et musicien et de bien d'autres. Tous ont gravité autour de Jonathan Alkaitis, financier new-yorkais, double romanesque de l'escroc Bernard Madoff. Tous ont été profondément impactés par les agissements de ce seul homme lorsque la pyramide de Ponzi s'est écroulée et que l'escroquerie a été révélée.

A partir d'un mystérieux oracle inscrit à l'acide sur la paroi de verre de l'hôtel, adressé à Alkaitis ( «  et si vous avaliez du verre brisés ? »Emily St John Mandel a un talent fou pour tisser un récit complexe et imbriqué, tressant magistralement les interconnexions entre ses personnages disparates. Elle alterne des couches temporelles oscillant entre judicieuses analepses et ellipses audacieuses, qui pourraient perdre le lecteur, mais au lieu de cela l'hypnotise, aspiré par ce kaléidoscope de destins ( le parcours de Léon est juste superbe, quel magnifique personnage ! ). Je me suis seulement extraite de l'envoutement durant une cinquantaine de pages, lorsque le récit narre la découverte de l'escroquerie financière autour du choeur des employés serviles qui ont fermé les yeux.

Entre satire, ironie et tragédie, se dessine in fine une réflexion profonde sur la mutabilité de la vie, sur les frontières poreuses entre la culpabilité et la responsabilité, entre le passé et le présent. Tout est flou dans le ressenti des personnages qui doivent se confronter à la réalité de leur vie. Dans ce roman hanté de fantômes, les passages les plus beaux sont sans doute ceux où Alkaitis en prison, assaillis par les fantômes de ceux dont il a détruit la vie, s'inventent une contre-vie afin de s'évader. Les sections oniriques de cette réalité alternative apaisante donnent lieu à des moments de lecture très intenses. Il y a tellement de façon de hanter une personne dans ce roman adulte et profond.


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Un roman d'époque, celle de la première décennie du nouveau millénaire, entrelaçant de manière fragmentée et acérée, les excès scandaleux de la finance aux questionnements sur nos choix de vie : ceux que nous aurions pu faire lorsqu'il était encore temps, questionnements particulièrement douloureux, les vies parallèles possibles qui s'en suivent, ainsi que tous les fantômes qui nous habitent du fait de nos choix.
L'hôtel de verre est un édifice qui, lorsque nous le regardons bien, réserve plein de lectures possibles, plein de pièces cachées. Un casse-tête, un puzzle en trois dimensions inséré dans un récit non linéaire, dans lequel l'auteure saute d'une époque, d'un personnage, d'un continent à l'autre, d'un point de vue à l'autre, sans effort, avec une étonnante souplesse, permettant à la forme d'épouser le fond.

Oui, un roman d'époque, Emily St.John Mandel braquant son projecteur sur le monde d'avant, pendant et immédiatement après la crise de 2008. Lumière est faite sur les excès de Wall Street, sur les montages éhontés du monde de la finance, sur la façon dont des personnes pourtant intelligentes les ont soutenus, jusqu'à son éclatement. La métaphore du verre prend alors tous son sens. L'auteure s'appuie pour cela sur le scandale Bernard Madoff, à l'origine d'une vaste arnaque, arrêté en décembre 2008 ainsi que quelques-uns de ses employés, tous complices d'avoir perpétré un crime massif. Il a créé en effet une vaste pyramide de Ponzi, arnaque consistant à récupérer des capitaux auprès d'investisseurs, parfois des personnes qui mettent là toutes leurs économies, celles pour leur future retraite, et de les rémunérer avec un rendement inouïe, attirant par là même d'autres investisseurs, le miel attirant les abeilles, rémunération fictive en réalité fruit du vol des personnes qui viennent d'arriver. Une arnaque en chaîne…Forcément la pyramide s'écroule un jour, notamment lorsque de nombreux investisseurs veulent retirer leur argent tous en même temps.
Intéressant de traiter de la pyramide de Ponzi, édifice particulièrement opaque et malsain, pour soutenir cet hôtel de verre, ce monde épuré où l'argent et l'aisance, l'insouciance qu'il permet, offre une vie calme, dénouée de turbulences, semble-t-il. L'hôtel de verre transparent posé sur le sommet de la sombre et machiavélique pyramide de Ponzi, vous percevez l'image surréaliste que cela dessine dans votre imaginaire ? C'est cela ce livre…et lorsque l'édifice de verre explose, pour les protagonistes, c'est comme avaler du verre brisé tant l'impact est bouleversant…prison fédérales, terrains de camping, clubs marginaux et interlopes, l'auteure braque le projecteur sur ces lieux vers lesquels les coulisses bien propres de Wall Street peuvent mener.

« Léon n'avais pas compris et il avait néanmoins confié à Alkaitis son épargne-retraite. Il n'avait pas réclamé des explications détailles. L'un des défauts caractéristiques de notre espèce : tout plutôt qu'avoir l'air stupide. La stratégie d'Alkaitis lui avait semblé obéir à une certaine logique, même si la mécanique précise –options d'achat, ventes à découvert, buy and hold, conversions – échappait à son entendement ».

L'hôtel de verre est la métaphore du monde de la finance, bel édifice épuré en apparence. Une métaphore également, nous l'aurons compris, du monde des puissants, des riches. L'hôtel de verre est aussi ce que nous abritons en nous en termes de facettes, de pièces, nos choix, nos regrets, nos obsessions. Qui peuvent nous faire exploser, fragilité humaine intrinsèque qu'un rien peut faire éclater. Si j'ai trouvé le traitement de la pyramide de Ponzi intéressant, j'ai trouvé cette facette du livre totalement passionnante, me retrouvant avec émotion dans les questions soulevées. Les différents protagonistes tentent d'imaginer leurs vies si certaines décisions avaient été prises dans le passé, vies parallèles possibles dans lesquelles ils se perdent parfois, des « contrevies ». Une vie suppose nécessaire une « contrevie » que nous n'avons pas vécu. Sur cet aspect, le livre m'a fait penser au monumental 4,3, 2, 1 de Paul Auster. Ce roman qui s'écoule telle une rivière qui se séparerait en bras. Au lieu de prendre un chemin et de nous raconter une histoire, l'auteur américain se veut omniscient et décide de prendre tous les bras de la rivière, en parallèle, pour voir ce que cela donne. Une expérience de littérature. Quatre histoires, quatre destinées pour un même personnage. Nous sommes bien entendu loin de ce monument, mais ici Emily St.John Mandel touche du doigt cet aspect, avec délicatesse et poésie, si c'est beaucoup moins impressionnant, ça n'en reste pas moins troublant et renvoie à nos propres choix. Surtout, j'y ai retrouvé la même mélancolie, ces destinés fruit du hasard et de choix qu'un rien aurait pu changer…

« Ce qui la retenait dans le royaume, c'était le fait – précédemment inconcevable – de ne pas avoir à penser à l'argent, car c'est bien cela que l'argent vous procure : la liberté de cesser d'y penser. Si vous n'en avez jamais été privé, vous ne pouvez pas comprendre la profondeur de cette donnée, à quel point cela change radicalement votre vie ».

Le livre est également rempli de fantômes, de « vrais » fantômes, non là pour donner un accent gothique ou fantastique au livre, l'auteure y voit plutôt des projections de nos culpabilités, des spectres qui nous hantent. Nous avons tous en nous quelques spectres, non ? Il nous arrive tous d'imaginer notre vie si nous n'avions pas pris telle ou telle décision…Nous reconnaissons tous des décisions prises parfois sous le coup de la facilité. C'est pourquoi ce livre vibre, il tinte comme lorsque nous effleurons du doigt un verre de cristal, il « chante » avec mélancolie. Fantômes de la culpabilité donc mais aussi fantômes des deuils qui hantent la vie des protagonistes, notamment la jeune Vincent qui ne parvient pas vraiment à s'en libérer.

Et puis l'hôtel de verre, au-delà d'être une métaphore au sens multiple, est réellement un hôtel, l'hôtel Caiette, établissement dressé au milieu d'une nature sauvage, sur une petite île de Vancouver. Une nuit un étrange message est gravé à l'acide sur un des murs de verre du hall : « et si vous avaliez du verre brisé ? ». Vincent, prénom rarement employé pour une femme, est serveuse dans cet hôtel et ce message la perturbe grandement. Elle sait que c'est son demi-frère, le taciturne Paul, qui travaille comme agent d'entretien, qui l'a écrit. Au même moment, elle fait la rencontre de Jonathan Alkaitis, milliardaire, propriétaire de l'hôtel, qui lui offre de jouer le rôle de sa femme en échange d'une vie luxueuse, à l'abri des soucis financiers. Or l'immense richesse de cet homme repose précisément sur une immense pyramide de Ponzi.

« Nos clients, à Caiette, ont envie de voir la nature sauvage, mais il ne veulent pas être dedans. Ils veulent juste la regarder, idéalement par la fenêtre d'un hôtel de luxe. Ils veulent être à proximité de la nature sauvage ».


En résumé, ce livre est un livre non linéaire composé d'une multitude de points de vue permettant d'offrir plusieurs perspectives à différents moments du temps, comme le ferait un édifice en verre, mettant en exergue des histoires intimes de fantômes et de choix de vie, maillées à un thriller financier basé sur le mécanisme de la pyramide de Ponzi. Une façon d'illuminer l'humanité trop souvent oubliée dans les dédales de la crise financière, de parler aussi, à côté des pertes financières, de la culpabilité, de l'hypocrisie, de la honte, du courage…Un livre sur la perte de confiance dans le genre humain aussi. J'ai lu ce livre en apnée. Plongeant, comme l'héroïne, dans l'eau glacée des méandres de nos interrogations existentielles actuelles. Il me tarde de retrouver les personnages principaux de ce livre dans le tout dernier livre de l'auteure canadienne de cette rentrée 2023, raison pour laquelle, tout comme l'a conseillé Stéphane (@Lenocherdeslivres) à qui je dois cette lecture (merci à toi), j'ai décidé de lire l'hôtel de verre avant La mer de la tranquillité…titre énigmatique en fan de Fernando Pessoa que je suis…

« Donnez-moi du calme, donnez-moi des forêts, l'océan et pas de routes. Donnez-moi les promenades à pied à travers bois jusqu'au village en été, donnez-moi la brume se levant sur l'eau, donnez-moi la vue sur les branches feuillues, le matin, de ma baignoire. Donnez-moi un endroit où il n'y ait personne, parce que jamais plus je ne ferai totalement confiance à quelqu'un ».


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Assemblée avec la précision d'une montre suisse, cette intrigue promène son lecteur durant 35 ans (1994/2029) sur les océans du globe et les ruisseaux financiers en compagnie de plus de 35 personnages qui découvrent au fil des pages que les arbres ne montent pas jusqu'au ciel, que les rendements financiers extraordinairement réguliers et profitables ne peuvent pas être honnêtes et qu'un destin peut, à tout instant, être brisé.

Roman noir qui évoque l'escroquerie de Bernard Madoff et le principe de la pyramide de Ponzi, révèle les coulisses sulfureuses de la musique techno et les ravages provoqués par les stupéfiants, dévoile les mécanismes industriels et logistiques de la mondialisation avec son cortège de cargos immatriculés dans des états fantômes et ses montagnes de containers bourrés de textiles ou de produits électroniques, et nous plonge dans le monde des hyper riches évoluant entre le Canada, New York et les Emirats, encombrés d'escort girls aussi futiles que dépensières.

Roman social qui analyse les conséquences de la chute dans le vide quand l'épargne d'une vie disparait dans une escroquerie, quand les études financées à crédit débouchent sur un job mal payé et rendent illusoire le remboursement des emprunts, quand la précarité et la pauvreté obscurcissent le décor quotidien.

Roman moral lorsque, arrivés à la case prison, les escrocs sont hantés par les fantômes de ceux qu'ils ont exploité, ruiné ou tué, et que ces apparitions génèrent le remords et alimentent une interrogation sur les fins dernières … dans les pas d'un Dostoïevski, d'un Volkoff ou d'un Morris West.

Coupantes comme le verre, ces 400 pages demandent une attention soutenue, cachent quelques pièges (comment imaginer Vincent être un prénom féminin ?), dissèquent les ambitions, les illusions et les passions et laissent le lecteur abasourdi et émerveillé au terme de ce qui me semble l'un des meilleurs romans de l'année confirmant Emily St. John Mandel révélée par Station Eleven.

La quatrième de couverture claironne « L'hotel de verre figure sur la liste des 17 livres préférés de Barak Obama en 2020 », je précise qu'il fait partie de la liste de mes 17 livres préférés en 2021 ;-)))
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Une femme, Vincent, tombe de nuit d'un porte-conteneurs malmené par la tempête. Treize ans plus tôt, elle travaillait avec son frère Paul à l'hôtel Caiette, un luxueux établissement isolé sur l'île de Vancouver. Son destin basculait le soir où, juste quand le milliardaire new yorkais Jonathan Alkaitis pénétrait dans l'hôtel, un mystérieux et inquiétant tag apparaissait sur la façade vitrée : « Et si vous avaliez du verre brisé »…


Le récit commence là où il finira, dans un plongeon à pic et un tumulte d'images ultimes. Happé par la frénésie de l'incipit, le lecteur apprendra bientôt ce qui s'est enclenché un quart de siècle plus tôt, préparant Vincent à se laisser emporter par une illusion qui la perdra, en même temps que presque tous les personnages. Ce mirage a un nom et un visage : Jonathan Alkaitis, alter ego romanesque de Bernard Madoff, organisateur d'une gigantesque escroquerie construite sur le principe de la pyramide de Ponzi.


Comment une arnaque aussi massive, que d'aucuns avaient pourtant publiquement percée à jour, a-t-elle pu prendre autant d'ampleur et durer si longtemps ? Emily St John Mandel met en évidence les mécanismes humains qui ont conduit les protagonistes à se laisser enfermer, plus ou moins consciemment, dans une vulnérable mais séduisante bulle d'irréalité, à l'image de cet hôtel de verre, cocon douillet et exclusif à l'écart du monde, dont on en vient à oublier qu'il pourrait voler en éclats comme du cristal. Choisissant de ne voir que ce qu'il veut bien, selon l'opportuniste principe qu"'il est possible de savoir quelque chose et en même temps de ne pas le savoir", chacun s'aveugle en jouant du flou entre réel et virtuel, entre mensonge et apparences, pour apprendre à s'arranger avec ses craintes et ses scrupules, dans un complexe jeu de dupes où l'illusion finit par prendre corps.


Cette exploration psychologique construit peu à peu une galerie de portraits nuancés, souvent ambivalents, d'une grande humanité. Il s'en dégage une mélancolie de plus en plus prégnante, au fur et à mesure que s'estompe l'effet hypnotique du mirage qui maintenaient les personnages dans leurs illusions et leurs faux-semblants. Bientôt ne subsistent plus que la réalité crue du malheur et de la déchéance pour les uns, l'insupportable hantise de la culpabilité pour les autres, dans une évocation où affleurent émotion et poésie.


Savamment enchevêtrés, les éléments narratifs de cette histoire s'assemblent en un tableau désenchanté d'une société tellement obsédée par l'argent, qu'elle en arrive collectivement à se convaincre de la réalité de fantasmes insensés. Une lecture troublante sur la plasticité de nos représentations mentales, lorsque l'intérêt parvient à ce point à distordre notre perception du réel.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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critiques presse (4)
Actualitte
26 mai 2021
Avec L’hôtel de verre, elle nous offre un roman complètement différent et c’est l’une des grandes forces de cette auteure d’être capable de changer ainsi aussi radicalement d’univers.
Lire la critique sur le site : Actualitte
LActualite
08 avril 2021
Après avoir connu un succès planétaire en 2017 avec Station Eleven, l'auteure native de la Colombie-Britannique est de retour avec L'hôtel de verre, dans lequel on retrouve avec bonheur sa plume efficace et ensorcelante.
Lire la critique sur le site : LActualite
LaLibreBelgique
02 avril 2021
Après le succès de "Station Eleven", Emily St. John Mandel confirme son statut d’auteur à suivre.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LaPresse
15 mars 2021
Elle nous revient avec "L'hôtel de verre", où elle fait montre une fois de plus de sa maîtrise éblouissante des enchevêtrements narratifs.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Citations et extraits (52) Voir plus Ajouter une citation
Vous savez ce que j'ai appris au sujet de l'argent ? Quand j'ai essavé de comprendre pourquoi ma vie à Singapour me semblait plus ou moins identique à celle que j'avais à Londres, c'est là que j'ai réalisé que l'argent est un pays en soi.
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J'étais dans un de ces moments où tu regardes ta vie et tu te dis : C'est vraiment tout ? Je pensais qu'il y aurait davantage.
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Il avait nourri l'espoir, à tout le moins, de parvenir à s' intégrer dans un cadre social décent ; mais le problème, quand on se retire du monde, c'est que le monde continue de tourner sans vous.
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Mais ils étaient citoyens d'un pays de l'ombre que, dans sa vie précédente, il n'avait perçu que confusément, un pays situé tout au bord d'un abîme. De tout temps, bien sûr, il avait eu conscience de l’existence de ce territoire. Il en avait vu les avant-postes les plus évidents : abris confectionnés avec des cartons, sous des ponts autoroutiers ; tentes entrevues dans les buissons, en bordure des voies express ; maisons aux portes condamnées mais avec une lumière qui brille à une fenêtre de l'étage. Il avait toujours eu vaguement conscience de ces gens qui avaient glissé sous la surface de la société, citoyens d'un territoire sans confort ni aucune place pour l’erreur ; ils faisaient du stop sur les routes avec leurs maigres possessions dans un sac à dos, ils récupéraient des boîtes de conserve dans les rues des villes, ils arpentaient le Strip, à Las Vegas, vêtus de T-shirts qui proclamaient FILLES DANS VOTRE CHAMBRE DANS 20 MINUTES, ils étaient ces filles-là dans la chambre. Il avait vu le pays de l'ombre, ses faubourgs et ses panneaux, seulement il n'avait jamais imaginé qu'il en ferait un jour partie.
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Il y a l'idée de la nature sauvage et puis il y a les contraintes peu glorieuses qui s'y rattachent : la sempiternelle corvée d'aller chercher du bois ; parcourir des distances insensées pour rapporter des provisions ; s'occuper du potager et entretenir les clôtures afin d'empêcher les daims de venir dévorer les légumes ; réparer le groupe électrogène ; penser à aller chercher de l'essence pour le générateur ; composter les déchets, se trouver à court d'eau en été ; toujours manquer d'argent parce que les offres d'emploi dans la cambrousse sont limitées ; gérer la furieuse rancœur de votre fille unique qui ne comprend pas votre amour de la nature sauvage et vous demande toutes les semaines pourquoi vous ne pouvez pas simplement vivre dans un endroit normal.
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Videos de Emily St. John Mandel (9) Voir plusAjouter une vidéo
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Emily St John Mandel présente son dernier roman "La Mer de la tranquillité".
Emily St. John Mandel renouvelle le thème classique du voyage dans le temps à sa manière unique, dans une histoire envoûtante qui entremêle époques et personnages jusqu'au vertige.
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