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Critique de nadejda


Méditation sur la mort qui survient avant qu'on ait le temps de réaliser, qui met en marche l'horloge des souvenirs, se glisse doucement et impitoyablement dans les quatre textes de « Un vague sentiment de perte ».

La mort de sa grand-mère lui fait dire « je m'imaginais souvent la mort. Instinctivement, je voyais toujours la même image : une vieille femme au visage doux, un rien ironique – le visage de ma grand-mère. », une grand-mère qui « croyait aux esprits » mais elle en parlait comme du quotidien, les y mêlant, à ce quotidien, de manière naturelle « sans étonnement ni exclamation », au cours de longs récits truffés d'anecdotes, ancrés dans le village et ses alentours.

Augustin, un ami écrivain, victime d'un AVC, qu'il va voir à l'hôpital : « Notre visite avait duré vingt minutes à peine. En lui disant au revoir, nous le touchions avec beaucoup de précaution, délicatement, comme on touche un bébé. »
Augustin comme la grand-mère était à travers ses textes, un passeur vers son royaume, le village d'Izdebki, « Une Pologne rurale, profonde, l'ingrédient de base de la vie polonaise qui, dans ses récits, avait acquis la force d'un mythe. »
Et il y distillait aussi « De la tendresse, du grotesque, une lascivité joyeuse, une vivacité populaire, une biologie omniprésente – le merveilleux de la vie. Et le rire aussi, le rire comme dernière planche de salut face au néant qui avance pas à pas. »

Il a par contre du mal à supporter la longue agonie de sa chienne, « un bâtard de pure souche », qui l'irrite car il est « pour la première fois, amené à regarder aussi longtemps, de façon aussi systématique et détaillée, un être se transformer en un corps invalide, puis finalement en cadavre. Je regarde ma chienne et je pense à moi et aussi à toutes ces personnes qui, lentement, quittent l'enveloppe de leur corps, s'en échappent.»
Et il se met à songer : « Drôle de civilisation que la nôtre. Elle nous porte secours, nous protège, prolonge notre vie. Et, en même temps, elle nous rend complètement désarmés face à la mort. Nous ne savons plus comment l'affronter. »

Le dernier texte, le plus long est l'accompagnement d'Olek, un ami de trente ans, l'ami de son quartier, qui a demandé à être incinéré. « Quand ils t'ont acheminé vers le four, j'ai su que j'aurais envie de raconter tout cela. C'était plus fort que moi. le four, l'intérieur, le chariot, me rappelaient l'usine de nos pères. Puis la nôtre. »
Il se revoit trente ans auparavant décrit tout leur environnement, les terrains vagues, le centre ville de Varsovie au loin qui s'obscurcissait dans la lueur du soleil couchant et puis ce voyage à Piran en Slovénie qu'ils refont ensemble, ce voyage pour revoir l'Adriatique. Mais il est seul car son ami est déjà ailleurs.

au restaurant le Dauphin, dans la ville de Piran
« Je n'ai pas arrêté de parler, assis derrière cette table dans le coin droit de la salle. Comme si je voulais tout noyer sous mes paroles. Car je me rendais compte que tout avait changé. Nos chemins se séparaient, sans que ce soit ni sa faute ni la mienne. Pour la première fois, la vie se jouait de nous. Eh oui ! Lui pensait déjà à la mort, et moi, petit malin, je n'y pensais pas encore. »

Quatre morts, quatre absences qui réaniment les souvenirs, les regrets de n'avoir pas su ou pas voulu voir arriver l'inéluctable, la mémoire toujours vivante. D'un texte à l'autre Andrzej Stasiuk franchit des étapes dans sa réflexion.
Il passe par toutes les nuances du gris de la mélancolie et laisse pourtant une grande traînée lumineuse en nous offrant aussi par ces textes une grande bouffée de vie.
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