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Critique de Woland


ISBN : ?

Pour nombre de polardeux et polardeuses - qui lisent aussi des "policiers classiques" et sont souvent fanatiques des antiques collections comme "La Chouette" par exemple - "L'Ennemi Sans Visage" reste l'un des meilleurs titres de Steeman et j'avoue que, la première fois que je l'ai lu (oh ! cela fait bien des années ! ), il m'avait beaucoup plu. L'ayant repris cette semaine, je dois dire que je reste un peu perplexe sur mon enthousiasme de jadis - et pourtant, là, je ne me rappelais strictement pas le nom de l'assassin.

Steeman a toujours fait preuve d'une hardiesse certaine dans l'association des genres et "L'Ennemi Sans Visage" fait ainsi une timide incursion dans la S. F. du fait qu'y rôde un androïde en parfait état et d'une beauté exemplaire - un peu comme le Gabriel de "La Poupée Sanglante" de Gaston Leroux - baptisé "Adam" (sans grande imagination, il faut bien le dire ) par son créateur, le très antipathique mais tout aussi brillant Dr Arthus. Celui-ci destine sa créature à sa fille, Andrée, une belle éthérée qui n'est pas sans rappeler, mais en moins gai et en plus rêveur encore, l'Edmée du "Démon de Sainte-Croix", décision qui prouve déjà, s'il le fallait encore, que quelque chose ne tourne pas très rond chez le bon docteur . Remarquez, Andrée n'est pas vraiment opposée au principe et puis, avant de mettre Adam en relation avec sa "fiancée", le médecin compte bien lui donner un cerveau.

Ben oui, tout de même ! ;o)

Cerveau qu'il s'en va chercher chez un condamné à la chaise électrique, Clarence Jund, à qui l'administration pénitentiaire a donné le choix - si l'on ose dire : ou bien il suit le Dr Arthus, ou bien il se liquéfie sur ce mode de torture barbare qu'on ferait bien de remplacer par une guillotine, ce serait plus humain ! Jund, après un délai de réflexion gracieusement accordé, a choisi ...

Devinez ...

Et le revoici en Belgique, de l'autre côté de l'Atlantique, installé comme un Pape à la "Villa Hermosa", propriété et laboratoire du Dr Arthus. Il a, bien sûr, à ses côtés un "ange gardien", chargé de garantir sa participation sans faille à l'opération, le sympathique quoiqu'assez stéréotypé inspecteur Ramshaw. Bien que l'un ait été arrêté par l'autre, tous deux sont d'accord sur un point : le Dr Arthus est bizarre (pour ne pas dire pire) mais sa maison l'est tout autant. Ici aussi, ambiance pesante, voire très, très pesante, et nettement plus poussiéreuse que dans "Le Démon ..." ... Au milieu d'une montagne de souvenirs et de tissus qui s'effritent, parmi les armures grinçantes et sous la surveillance des deux jaquemarts qui, entourant l'horloge de la façade (ou quelque chose comme ça, en tous cas ) servent de système d'alarme au cas où un curieux tenterait de s'introduire dans la villa, les trois enfants du médecin vivent ou vivotent, comme chacun jugera. Il y a Maxime, intelligent et introverti, qui deviendra vite l'une des victimes de l'assassin ; Valère, qui se caractérise par un goût prononcé pour l'auto-apitoiement et une prothèse qu'il porte au bras gauche ; et enfin Andrée, qui ressemble énormément à sa mère disparue et passe ses journées à rêver et à essayer et réessayer les robes maternelles que, malgré la stricte interdiction de son père, elle a dérobées au grenier.

Outre Jund et Ramshaw, il faut ajouter, parmi les "extérieurs", le Dr Besson, assistant du Dr Arthus. Nous ne révèlerons pas grand chose de neuf sous le soleil en précisant que, pour assurer la partie "romance" (pour laquelle Steeman n'a jamais été doué, à moins qu'elle ne fût noire comme dans "La Maison des Veilles") de l'intrigue, l'auteur a rendu Besson plus ou moins amoureux d'Andrée.

Mais cet amour ne va pas jusqu'à accepter l'idée du cerveau enlevé à Jund pour remplir le crâne d'Adam. Eh ! oui ! Habile scientifique, le Dr Arthus avait plus ou moins "enfumé" le jeune Dr Besson en lui faisant croire qu'il ne ferait en fait aucun mal à Jund. Mais, lorsqu'il comprend enfin, au beau milieu de l'opération, Besson se révolte et le docteur, saisissant immédiatement qu'il n'en tirera plus rien, lui dit alors sèchement de sortir de son laboratoire, qu'il se débrouillera tout seul et que peu lui chaut de demeurer incompris des imbéciles.

Le problème, c'est que, quelques minutes plus tard, un bruit de bagarre se fait entendre dans le laboratoire où ne se trouvent plus que le Dr Arthus, Adam (sans cerveau) et Jund (qui a encore le sien mais est inconscient). Et bien entendu, une fois la porte enfoncée, on découvre sur les dalles le cadavre du ... gagné ! savant fou !

Seulement, qui l'a tué ? Adam a disparu, c'est vrai mais l'incision faite à Jund a été recousue et tout porte à croire qu'il est encore vivant et possède toutes ses facultés mentales.

Evidemment, l'histoire perdrait tout son charme si les crimes ne continuaient à défiler, cela même malgré la présence de M. Wens, appelé par les autorités pour résoudre l'épineux problème de toutes ces morts qui, de l'avis des habitants, seraient toutes le fait d'Adam. En effet, avant la découverte de chaque cadavre, l'on entend très régulièrement, aux mille échos de la vaste maison, les pas assurés et lourds de l'androïde se déplaçant avec la détermination de celui qui ne craint rien pour sa vie. Mieux : on finit par l'apercevoir mais l'on a beau tirer sur lui - et ce n'est pas n'importe qui qui le vise à la poitrine puisqu'il s'agit de M. Wens en personne lol! - il se contente de tourner le dos, de claquer la porte et adieu l'ami !

Alors ? ...

Au fur et à mesure que je dévidais l'essentiel de l'intrigue dans cette fiche, je me rendais compte de l'adresse déployée par l'auteur et de la grande cohérence avec laquelle il unit ici le policier à l'anticipation. Et j'ai enfin la réponse à la question que je me posais depuis hier : dans de telles conditions, la fin, qui ramène tout à l'humain, ne pouvait être que décevante. Enfin, cette fois-ci, oui, la révélation de l'identité de l'assassin m'a déçue. Comme quoi, on change parfois quand on avance en âge ...

La toute fin par contre est digne de l'humour pince-sans-rire de l'auteur belge et je vous laisse la découvrir en paix.

Bref, en gros : lisez "L'Ennemi Sans Visage" car, malgré tout, il le mérite. Et puis, pour votre première lecture, peut-être aurez-vous la même réaction que moi il y a ... des siècles. Sans exagération, Steeman fut un "grand" du genre policier mais comment voulez-vous lutter contre un Simenon à la fois pléthorique et génial ?

Peut-être en se contentant de rester soi-même. Ce qu'a fait Steeman, en toute simplicité - et non sans malice. ;o)
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