La pensée le traversa que ceux qui redoutaient de se mouiller n'avaient qu'à ne pas marcher sous la pluie.
Il ne trouvait pas de consolation à se dire que l'on ne pouvait prendre aucune direction sans tourner le dos à quelque chose. Il s'était laissé prendre au piège du passé et cela le tenaillait comme une souffrance.
De sa vie de prudence, il avait retiré une femme qu'il aimait et respectait, des enfants qu'il adorait, un métier qu'il parvenait à exercer avec intérêt et presque avec satisfaction. Mais il était là à se rappeler ce moment où Holly avait cessé de jouer à faire semblant, et son incapacité à la prendre alors qu'elle s'offrait était un des plus tristes échecs de sa vie.
La dernière fois qu’il l’avait vue, elle prenait le train à destination de Seattle, en route pour Shanghai et un emploi que tous enviaient publiquement, mais qu’ils n’auraient probablement pas eu eux-mêmes le cœur d’accepter. Sa vie, quoi qu’il lui fût arrivé, n’avait pas dû être morne. Et cependant, elle avait peut-être été plus gaspillée qu’il n’estimait en ces instants que la sienne l’avait été.
(p. 46-47, “Jeune fille en sa tour”).
Il engagea la décapotable sur le chemin, et Margaret se laissa aller contre son dossier pour regarder le ciel se déverser sur elle en une enveloppante cascade de bleu, parcourue de branches d'arbres et de petits nuages en choux à la crème. [...] C'était si exquis que cette journée fut telle qu'elle l'était, qu'elle en frissonna avec une sensation presque insupportable de vie et de bien être.