George Glenn, berger irlandais et non-conformiste, est retrouvé mort dans la pâture de ses moutons, une bêche plantée dans le ventre. Ses moutons sont désolés, car George était un bon berger qui savait s'occuper d'eux et leur faisait la lecture.
Dès lors, ce sont eux qui vont s'occuper de l'enquête. Tout le troupeau selon ses moyens, y va de ses compétences. Il y a Miss Maple (à une lettre près c'était l'autre) qu'on dit « la brebis la plus intelligente du troupeau, voire du village, et peut-être même du monde… », qui représente l'esprit de déduction et de sagesse, le chef ténébreux, le noir Othello, le doyen Richfield et Zora, celle qui se poste toujours au bord de l'abîme pour mieux méditer. Quiconque a visité l'Irlande retrouvera cette ambiance particulière, cet air méditatif que l'on voit aux moutons du bord de mer qui ruminent philosophiquement, le regard perdu dans le vague et les vagues.
Il y a aussi d'autres moutons au nom shakespearien, Cordelia et les références sont nombreuses à la littérature anglo-saxonne (Maisie et
Henry James, « ce que sait Maisie », titre d'un chapitre) et allemande (Heidi ; Willow…) nationalité de l'auteure malgré son pseudonyme proustien. Et puis aussi Melmoth, jumeau de Sir Richfield, qui abandonne le troupeau, revient avec l'expérience du vaste monde et le gros bélier gris Mopple–la-baleine qui mange tout ce qu'il trouve et fait l'expérience d'une herbe pas faite pour lui. Ils ont très attachants ces moutons pleins d'esprit.
Je ne pouvais pas passer à côté de livre ! D'autant que l'auteure, non contente de présenter un « dramatis oves » au début de son roman, se fend d'une postface où elle explique la genèse de son roman qui a commencé justement en Irlande où elle a rencontré moult moutons sur les routes, baissant la vitre de sa voiture pour bêler et obtenir parfois une réponse. Dans ce roman, elle parle aussi de moutons-nuages, les moutons qui «sont passés de l'autre côté »… Bon sang mais j'avais eu cette idée en 2001 ! et son roman est de 2005. Les grands esprits moutonniens! (inventons ce mot!) Disons que je m'y suis bien retrouvé !
Si je devais émettre une réserve, c'est sur la fin, à mon sens un peu décevante et des passages qui m'ont paru un peu obscurs ou difficiles à imaginer : la pièce que jouent les moutons comme dans Hamlet où il s'agit de confondre les coupables, malgré l'aspect éminemment comique de la scène. Et bien sûr le dénouement un peu facile où l‘on sent un ralentissement de la force narrative.
Plus comiques et plus réussies sont les scènes au village où les moutons espionnent les habitants qu'ils soupçonnent, de la vieille fille acariâtre et prêcheuse (un peu cliché mais bon…) au boucher qui « sent le sang et a un esprit de loup » en passant par celui qu'ils appellent « Dieu », le curé, qui s'effraie un jour de voir le bélier noir dans son confessionnal, y voyant un signe de l'enfer et de la culpabilité.
Reste un roman très divertissant et original dont je suis un peu jaloux j'avoue mais qui m'a fait passer de merveilleux moments et m'évader de ce monde de brutes.
Je ne pouvais pas passer à côté de ce livre! (cf. mon pseudo.)