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Critique de Pasoa


Pasoa
10 décembre 2022
Éditrice, traductrice*, critique littéraire, Wislawa Szymborska était tout cela mais elle est surtout reconnue pour son oeuvre poétique couronnée par le Prix Nobel de Littérature en 1996. Disparue en février 2012, elle est aujourd'hui encore une figure très populaire dans son pays d'origine, la Pologne.

De la mort sans exagérer " est un recueil qui regroupe des poèmes composés entre 1957 et 1993. Les textes les plus anciens laissent peu entrevoir ce que deviendra plus tard le style de Wislawa Szymborska. Ils révèlent une recherche plus esthétique, plus introvertie. Au fil des pages (au fil des années), l'écriture va se faire plus libre. La poétesse use d'un langage plus simple, plus détaché, un langage presque parlé. Sans aucun lyrisme, sans la moindre exaltation, le style de Szymborska trouve sa voie, qui rend compte des choses simples, des moments particuliers de la vie, sans rien en expliquer, sans jamais rien en justifier.

Ce qui est très significatif dans l'écriture de Szymborska, ce que l'on retiendra de sa poésie, c'est sa faculté à s'émouvoir, à s'émerveiller, teintée d'un je ne sais quoi d'amer, de désenchanté. Wislawa Szymborska n'aime rien tant que prendre le monde à revers avec sa gravité et lui donner un sens nouveau plein de sagacité, de douce ironie. Chez elle, le trivial devient le prétexte à une réflexion profonde, qui va entre doute et certitude.

Ainsi ce long poème intitulé " Un chat dans un appartement vide ". Un sujet naïf pour dire tout en nuance la fragilité de l'existence. le lecteur accompagne du regard un chat qui, insouciant, ignorant tout de la situation dans laquelle il se trouve , évolue seul dans un appartement vide :

" Mourir. Il ne faut pas faire cela à un chat.
Que peut-il faire dans un appartement vide ?
Grimper aux murs ?
Se frotter contre les meubles ?
Apparemment rien n'a changé
et pourtant rien n'est pareil.
Rien n'a été déplacé
et pourtant rien n'est en place.
Et le soir, pas de lampe allumée.
Un bruit de pas dans l'escalier
mais ce n'est pas le bon.
Une main met le poisson dans l'assiette
mais ce n'est pas la bonne.
Quelque chose ne commence pas
à l'heure habituelle,
quelque chose ne se passe pas
comme cela devrait.
Quelqu'un était là depuis toujours
et soudain n'est plus
s'obstinant à rester disparu.

On a fureté dans les armoires
fouillé les étagères
on s'est faufilé sous le tapis pour vérifier.
On a même bravé l'interdit en allant au bureau
et en mettant les papiers en désordre
Que faire maintenant ?
Dormir et attendre.
Attendre qu'il revienne
s'il ose.
Et lui faire savoir qu'on ne fait pas ça à un chat.
On avancera vers lui
l'air détaché, un peu hautain
en faisant semblant de ne pas le voir.
On marchera très lentement
la patte boudeuse
et surtout, pas un bond, pas un ronron,
du moins au début. "


Une écriture marquée par une réflexion philosophique et morale, teintée aussi d'humour, de lucidité et de douceur, elle se révèle des plus attachantes. « De la mort sans exagérer » est un des meilleurs moyens de (re)découvrir une oeuvre singulière qui n'a pas fini de susciter ma curiosité.


(*) Wislawa Szymborska a traduit des oeuvres de poésie classique française et notamment celles d'Agrippa d'Aubigné et de Théophile de Viau.
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