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“Et voici mon visage tordu.
Visage qui n'a pas su qu'il pouvait être beau.”

Cet ouvrage est une brève anthologie de l'oeuvre poétique de la Prix Nobel de Littérature polonaise Wislawa Szymborska.
L'écrivaine au sourire joueur, la blague au coin de la lèvre, au regard toujours respectueux et curieux, la cigarette entre les doigts aux ongles parfaitement vernis, nous entraine dans un monde pas si éloigné du nôtre. le réel l'intéresse et sa poésie agit comme un révélateur chimique et coloré des mouvements de l'âme et du corps social.

Quelle belle invitation au voyage, pour reprendre le mot de Baudelaire (et aussi d'Arte !). Une invitation ouverte, informelle, accueillante sur les rives d'une poésie qui n'a pas peur de nommer les choses, incisive et amène.

“pardonne-moi, langue, d'emprunter des mots pathétiques - et de faire l'impossible pour qu'ils paraissent légers.”

Ses observations sont d'une grande lucidité, et elle n'a pas besoin d'appuyer grossièrement sur ses mots, ses tournures, très simplement agencés, pour que l'on comprenne : elle est engagée sans l'écrire. Engagée dans la réflexion philosophique certes, mais sous un angle pratique, avec des exemples empruntés humblement aux évènements ou quotidien de son temps, dans la société qui l'entoure et qui parle d'autant plus à ses lecteurs qu'elle est au milieu d'eux.

“Passe-moi ton abime
je t'y ferai un lit
et tu me seras reconnaissant (e)
pour ses quatre pattes de chat.”

Mais sa poésie ne se contente pas de nous renseigner, de nous ouvrir les yeux et le coeur avec une habile sagacité ; quelque part elle nous rassure aussi. Sa poésie est quelque chose sur laquelle on peut se reposer, avant de repartir dans le tumulte de nos existences intérieures comme extérieures, qui se révèle plus solide qu'au premier coup d'oeil.

Qu'en pensez-vous ?
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La poésie de Szymborska est un parfait oxymore, toute en gravité légère ou en grave légèreté. Philosophique, concise ou pléthorique, elle excelle dans l'art de faire changer notre angle de vue sur les choses. Elle cultive l'humour et l'autodérision. Je déplore juste que sa traduction française s'abîme parfois dans l'explication du texte au lieu de laisser la passerelle poétique telle que l'auteure l'avait imaginée, arriver (ou pas, tant pis) vers le lecteur.
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Éditrice, traductrice*, critique littéraire, Wislawa Szymborska était tout cela mais elle est surtout reconnue pour son oeuvre poétique couronnée par le Prix Nobel de Littérature en 1996. Disparue en février 2012, elle est aujourd'hui encore une figure très populaire dans son pays d'origine, la Pologne.

De la mort sans exagérer " est un recueil qui regroupe des poèmes composés entre 1957 et 1993. Les textes les plus anciens laissent peu entrevoir ce que deviendra plus tard le style de Wislawa Szymborska. Ils révèlent une recherche plus esthétique, plus introvertie. Au fil des pages (au fil des années), l'écriture va se faire plus libre. La poétesse use d'un langage plus simple, plus détaché, un langage presque parlé. Sans aucun lyrisme, sans la moindre exaltation, le style de Szymborska trouve sa voie, qui rend compte des choses simples, des moments particuliers de la vie, sans rien en expliquer, sans jamais rien en justifier.

Ce qui est très significatif dans l'écriture de Szymborska, ce que l'on retiendra de sa poésie, c'est sa faculté à s'émouvoir, à s'émerveiller, teintée d'un je ne sais quoi d'amer, de désenchanté. Wislawa Szymborska n'aime rien tant que prendre le monde à revers avec sa gravité et lui donner un sens nouveau plein de sagacité, de douce ironie. Chez elle, le trivial devient le prétexte à une réflexion profonde, qui va entre doute et certitude.

Ainsi ce long poème intitulé " Un chat dans un appartement vide ". Un sujet naïf pour dire tout en nuance la fragilité de l'existence. le lecteur accompagne du regard un chat qui, insouciant, ignorant tout de la situation dans laquelle il se trouve , évolue seul dans un appartement vide :

" Mourir. Il ne faut pas faire cela à un chat.
Que peut-il faire dans un appartement vide ?
Grimper aux murs ?
Se frotter contre les meubles ?
Apparemment rien n'a changé
et pourtant rien n'est pareil.
Rien n'a été déplacé
et pourtant rien n'est en place.
Et le soir, pas de lampe allumée.
Un bruit de pas dans l'escalier
mais ce n'est pas le bon.
Une main met le poisson dans l'assiette
mais ce n'est pas la bonne.
Quelque chose ne commence pas
à l'heure habituelle,
quelque chose ne se passe pas
comme cela devrait.
Quelqu'un était là depuis toujours
et soudain n'est plus
s'obstinant à rester disparu.

On a fureté dans les armoires
fouillé les étagères
on s'est faufilé sous le tapis pour vérifier.
On a même bravé l'interdit en allant au bureau
et en mettant les papiers en désordre
Que faire maintenant ?
Dormir et attendre.
Attendre qu'il revienne
s'il ose.
Et lui faire savoir qu'on ne fait pas ça à un chat.
On avancera vers lui
l'air détaché, un peu hautain
en faisant semblant de ne pas le voir.
On marchera très lentement
la patte boudeuse
et surtout, pas un bond, pas un ronron,
du moins au début. "


Une écriture marquée par une réflexion philosophique et morale, teintée aussi d'humour, de lucidité et de douceur, elle se révèle des plus attachantes. « De la mort sans exagérer » est un des meilleurs moyens de (re)découvrir une oeuvre singulière qui n'a pas fini de susciter ma curiosité.


(*) Wislawa Szymborska a traduit des oeuvres de poésie classique française et notamment celles d'Agrippa d'Aubigné et de Théophile de Viau.
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De la mort sans exagérer, titre du livre et d'un poème, réunit des textes de plusieurs recueils parus entre 1957 et 1993 et aborde le thème de l'Existence. La poète polonaise, prix Nobel 1996, questionne le monde en passant par une sorte d'absurde, d'humour et de réalisme assez indéfinissable.
On se demande ce qu'il y a à l'intérieur de la pierre tout autant que ce qu'est la haine, la mort, la poésie, le ciel... et c'est très vivant. Certains textes sont plus limpides que d'autres et l'on sent que le polonais ne doit pas être facile à traduire mais cette philosophie poétique est "aimablement ouverte au lecteur" (comme dit dans l'avant-propos). La distance amusée couplée au sentiment profond, dans une écriture agréable et inventive : j'ai fait une belle découverte avec cette lecture.
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D'abord un mot sur la traduction de Piotr Kaminski : est-elle fidèle, je ne sais pas, mais elle est très, très belle. C'est celle d'un poète.
Il y a dans ce recueil des poèmes que l'on ne comprend pas. On relit, on s'interroge... on tourne la page... Il y a aussi les poèmes que l'on croit comprendre tout de suite (le sort des femmes; la pitié pour les animaux; l'horreur des guerres et du terrorisme) parce que l'écriture de Wislawa Szymborska est d'une grande limpidité.
(Tu parles.)
Exemple :
"Je dégage mon bras de sa tête endormie
bras mort, martyrisé par un essaim d'épingles."
Oh, c'est joli ça (se dit-on), quelle image parlante, ah ah, "essaim d'épingles" comme c'est joliment trouvé. (D'une grande limpidité vous dis-je.)
Et les deux vers suivants :
"Et sur chacune des têtes, prêts au recensement
les anges déchus s'étaient posés."
...
Euh... des têtes ? Des têtes d'épingles ? Pourquoi "les anges déchus"? Et ce recensement, que vient-il faire là ?
Selon vos propres souvenirs de bras ankylosé, ces quatre vers peuvent vous parler de mille façons, laquelle est la bonne ? (Le poème s'intitule "Je suis trop près...")
Il apparait souvent que Wislawa Szymborska s'interroge elle-même, et qu'elle nous questionne avec malice : premier degré ? Deuxième degré ? Davantage ?
Mais le monde qui se déploie sous sa plume, elle nous le donne avec une immense générosité :
"Ô, combien perméables sont les frontières humaines !
Voyez tous ces nuages qui passent, impunément (...)
Ne serait-il qu'un moineau, et voilà que déjà
sa queue est limitrophe, et son bec indigène!"
(Extrait de "Psaume" : mon préféré de tous les poèmes du monde je crois bien.)
J'ai adoré la poésie de Wislawa Szymborska.
On dirait une élève de Prévert (mon bien-aimé Prévert) qui aurait dépassé, mais alors là de loin, le maître. Il y la beauté, il y a le questionnement, il y a l'humour.

Et cet art de la chute !
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Tout d'abord je voudrais chaleureusement remercier Isacom puisque c'est grâce à sa recommandation sur le challenge Nobel que j'ai fait cette lecture et cette très belle découverte.

Il s'agit d'un recueil de poésies d'une grande qualité. Les thèmes abordés dans chacun des poèmes sont variés et bien souvent évocateurs du quotidien. Ils ont ainsi trouvé une grande résonance en moi comme par exemple le poème “gare” qui évoque les retrouvailles manquées dans ce lieu commun ou encore celui “vêtements” qui énumère tous ceux que nous portons et les actions qui y sont associées. Une pointe d'humour est ainsi présente dans plusieurs textes. D'autres poèmes abordent des thèmes plus graves, la mort, la torture, la guerre, le terrorisme. Mais tous sont écrits dans une langue qui sait rester simple tout en étant riche d'évocations.
Je félicite également la traduction qui a su garder la beauté de ces textes (enfin c'est l'impression que j'ai car je n'ai pas la chance de pouvoir lire la version originale).

Décidément, après ma découverte de Louise Glück, je trouve que les poétesses Nobel ont vraiment un talent incroyable.
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Un coup de foudre dés la première lecture,
comme les battements du coeur d'un adolescent,
et chaque fois que je veux lire à nouveau ses vers, cette même inquiétude, ne vais-je pas la décevoir cette femme que j'aime?
serai-je un lecteur capable de lire, de comprendre sa simplicité qui me ramène à moi ?
Je ne sais jamais,
je suis le lecteur inhabité
qui répond à une question par une question,
je suis le mille et unième, celui qui n‘existe pas,
parce que les statistiques de l'histoire parleront de mille,
le unième sera la fumée dans un nuage humain qui passe au dessus…
Et toujours comme elle je relis l'Ecclésiaste,
je regrette de ne pouvoir être tous les hommes et toutes les femmes,
j'essaie de ne pas créer moi-même les raisons de mes haines et de ma sottise.
J'ai du mal à le faire;
et je lis à nouveau Szymborska;
elle me regarde,
et l'espace d'un temps, ce regard me rend beau.
Elle me réinvente.
Il y a tant de vers à aimer,
poète sans certitude autre que son ignorance.
J'ai une chance
je la connais et je l'aime - je l'ai déjà dit, tant mieux….
Et je sais qu'elle m'aime
Chacun de ses vers est écrit pour moi….
Et pour vous
si vous ne l'avez encore jamais lue
vous serez aussi
condamnés à la Szymborgaisation à perpétuité.

Un peu d'un vin du centre de l'Europe, un Tokaj me désinhibe et me permet de revenir à chaque rendez vous malgré cette angoisse de la décevoir. Ses vers me reviennent devant l'enfer de Bosch, en écoutant les suites pour violoncelle de Jean Sébastien
Beaux mariages….

Je n'ai trouvé ses oeuvres complètes qu'en anglais (il n'existe pas à ma connaissance d'édition des oeuvres complètes en français)

effleurements livresques, épanchements maltés http://holophernes.over-blog.com © Mermed
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Je frappe à la porte de la pierre
- C'est moi, laisse-moi entrer.
- Je n'ai pas de porte, dit la pierre.
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