- Ca va, j'ai compris, mais moi, je n'ai pas envie de faire des choses utiles ! J'ai envie de faire de grandes choses. Comme découvrir des terres, et tout.
- Ah, ça, bof... Mes copains m'ont raconté, ils ont pas découvert grand-chose en accompagnant leurs pères, à part comment faire des courses de boucliers...
- En attendant, tu te reposes toute la journée, et moi, je m'épuise à des trucs dégoûtants...
Cela dit, c'est pas moi non plus qui risque de découvrir grand chose. Parce que, pendant qu'Odalrik saccage le poulailler ou patauge dans la vase, moi, je travaille.
Je fais des tresses aux autres filles vikings, je couds à la lumière de la lampe à huile qui pue la morue, je tonds la laine des moutons qui pousse aussi vite que les tresses des filles ou je tricote, ce qui est un peu comme faire des tresses, mais avec de la laine de mouton.
Enfin, ça, c'est pour la liste des loisirs créatifs. Parce que maman insiste aussi pour que je l'aide à faire sécher le poisson (je dois me mettre une pince linge sur le nez), à balayer le sol de la maison, à préparer encore du poisson pour le dîner puis à étendre le linge (et là, je suis obligée d'enlever la pince de mon nez).
Les autres filles ont l'air de trouver ça normal. Bon, elles n'ont pas toutes un frère. Mais celles qui en ont disent que, franchement, si c'est pour saccager des villages et mettre du bazar en plus, elles ne voient pas trop l'intérêt de râler. Elles préfèrent passer le balai.
Quand je leur demande si elles n'ont pas envie de découvrir l'Amérique ou des trucs, elles disent qu'elles ont déjà plein de choses à faire à la maison, alors, si c'est pour aller balayer en Amérique en plus, non merci.
Quand je regarde par la fenêtre et que je vois Odalrik allongé sur son bateau, ça me met tellement en colère que j'ai envie de tout casser, mais je me contente de jeter des pinces à linge (parce que, après, c'est moi qui balaie). (p.10 à 13)
Je m'appelle Dagfrid, ce qui est atroce, on est bien d'accord.
Je suis une fille viking, ce qui sonne dejà un peu mieux.
Mais ce qui sonne encore mieux, c'est Odalrik.
Odalrik, c'est mon frère. Un garçon viking, donc.
C'est son prénom qui sonne bien, hein. Parce que Odalrik, lui, il ne sonne rien.
« Par Thor, si un jour on a des enfants, ils feront ce qu’ils voudront! »
Là, j'ai eu un peu pitié d'Odalrik, parce que c'est sûr que, entre les angoisses de maman et le voeu de papa, il ne lui reste pas grand-chose à faire de ses journées. Courir, c'est pas une activité, même derrière des poules.
« Il est temps que tu te prépares à ta vie de femme viking. – Femme viking? Tu parles… Esclave viking, oui! »