Citations sur Les chroniques d'Arslân, tome 1 (60)
- Dariûn, crois-tu aux prophéties ?
Interrogé tout à trac par son ami, Dariûn marqua une légère surprise :
- Euh, non point… Enfin, je fais tout mon possible pour ne pas en tenir compte. L’idée me répugne que tout ce que je fais ou pense a été prédit par je ne sais quel devin des temps passés. Il grimaçait légèrement. Je vis ma vie comme je l’entends. Et j’entends être responsable de mes succès comme de mes échecs.
Ghîb regardait avec méfiance ce Hodeyr volubile qui donnait l’impression de ne pouvoir maîtriser son émotion ; il se pencha à l’oreille de sa voisine la kâhîna :
- Dame Faranghîs… Que pensez-vous de cet homme ?
- Qu’il a la langue bien pendue. Je gage qu’il a pris la précaution de se l’oindre d’huile. Mais d’une huile qui ne me paraît point de première qualité.
- Dariûn, crois-tu aux prophéties ?
Interrogé tout à trac par son ami, Dariûn marqua une légère surprise :
- Euh, non point… Enfin, je fais tout mon possible pour ne pas en tenir compte. L’idée me répugne que tout ce que je fais ou pense a été prédit par je ne sais quel devin des temps passés. Il grimaçait légèrement. Je vis ma vie comme je l’entends. Et j’entends être responsable de mes succès comme de mes échecs.
Le père de Narsus, Teos, appartenait lui aussi à cette caste de seigneurs locaux ; il possédait d’ailleurs le Daylam. Narsus était donc issu d’une famille de haute lignée ; toutefois, sa mère n’avait jamais officiellement épousé Teos. Âzaht, donc d’extraction commune, elle n’était que la vingtième ou la trentième concubine que son père avait aimée.
Le garçon avait été élevé à la ville et était allé sur les mêmes bancs d’école que les enfants du peuple libre. Lorsqu’il eut atteint l’âge de dix ans, un émissaire arriva, envoyé par son père pour venir le chercher. Outre Narsus, Teos avait eu une dizaine d’enfants, mais, chose curieuse, uniquement des filles. Sa mégère d’épouse étant morte subitement d’une intoxication après avoir mangé un plat de mouton, Teos avait pris la décision de nommer son fils unique comme successeur…
Le nombre de shafurdahrân – nobles possédant domaine et milice – approchait la centaine sur le territoire parse. Les autres nobles recevaient un important traitement du shah auprès duquel ils exerçaient un office de haut fonctionnaire, civil ou militaire, à la cour. Beaucoup étaient rémunérés à ne rien faire, cela va sans dire.
Ils ont trois manières de se comporter vis-à-vis des infidèles. Ceux qui demandent d’eux-mêmes à se convertir obtiennent la garantie de conserver leurs biens et peuvent obtenir le statut de citoyens libres ; ceux qui se convertissent en pliant sous la violence voient leurs biens confisqués et deviennent esclaves. Quant à ceux qui s’obstinent à refuser…
Leur conquête menée à son terme, les Lusitaniens s’attacheront à anéantir notre culture. Ils interdiront l’usage du parse, transformeront nos patronymes en patronymes lusitaniens, détruiront les temples où sont honorées nos divinités traditionnelles, en couvriront le pays d’autres, à la gloire de Yahldabôth, ceux-là.
- Tu en es certain ?
- Les barbares sont ainsi. Ils ne comprennent pas que les autres puissent eux aussi s’attacher à certains symboles.
Il existe un certain nombre de métiers que les troubles de la guerre n’affectent pas : la prostitution en est un, comme le jeu d’argent et la revente des divers butins et dépouilles. Un autre est celui de tenancier de taverne, lieu de rendez-vous où tous ceux qui vivent aux dépens des premiers s’abouchent et négocient autour d’un pichet de vin.
- Il paraît que le mot Yahldabôth signifie « sainte ignorance » en haut lusitanien, expliqua avec indifférence Narsus, chemin faisant. Selon une de leurs légendes, les premiers hommes vivaient dans un éden à l’éternel printemps, goûtaient à un bonheur dont peines et doutes étaient absents. Cependant, on dit qu’ils n’en ont été chassés que pour avoir mordu au fruit de la sagesse, que Dieu leur avait interdit. Narsus détestait ce récit, dans lequel il voyait une tentative de ravaler l’homme au rang de porc. Qui n’éprouve de doute devant les contradictions, de colère devant les injustices, vaut même moins qu’un porc. Et comment expliquer que, malgré cela, toute religion – car celle de Yahldabôth n’en avait pas l’apanage – condamnait le doute et la colère ?
Le sais-tu, Dariûn ? La conquête du Maryam et l’invasion de notre pays trouvent quasiment leur justification dans leurs Écritures.
- Il y serait écrit que leur dieu leur offrirait le Parse ?
- « Parse » n’apparaît pas noir sur blanc. Seulement, d’après les textes, leur dieu aurait promis de donner à ses enfants la terre la plus belle et la plus riche du monde. Ça explique pourquoi ils considèrent qu’un pays comme le nôtre leur appartient tout naturellement, et que nous-mêmes sommes illégitimes à l’occuper.
- Ou comment prendre ses désirs pour des réalités !
Le bras de Bodin se leva : aussitôt, on versa de l’huile sur la montagne de livres, puis des torches y furent lancées. Les flammes s’élevèrent, firent aussitôt rage, dévorant les douze millions de volumes. Tout ce que l’intelligence et la sensibilité humaines avaient produit et accumulé depuis la fondation du royaume parse, durant un millénaire, était en train de disparaître.
Histoire, poésie, géographie, médecine, pharmacie, philosophie, agriculture, artisanat… le labeur et la passion que des gens innombrables avaient investis dans la réalisation de chacun de ces ouvrages finissaient carbonisés et partaient en fumée.