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Critique de RogerRaynal


Un roman classique, par un auteur qui ne l'est pas moins, et qui raconte une histoire qui ne l'est pas du tout !

Nous sommes en 1918. Jôji, un jeune ingénieur de vingt-huit ans, tombe éperdument amoureux de Naomi, serveuse dans un bar. Jusque là, rien que de très banal. Sauf que Naomi a à peine quinze ans. Inutile de faire les gros yeux en pensant à Lolita : rien que de très normal dans le Japon de l'époque, car ce brave Jôji va épouser le plus civilement du monde la très (trop) jeune Naomi, pensant sincèrement qu'entre ses mains, il gérera l'éveil de ses sens et fera d'elle une épouse aussi accomplie et traditionnelle que soumise à sa volonté…

Évidemment, les choses ne vont pas vraiment se passer ainsi. Naomi va vite révéler, outre un tempérament de feu, un gout certain pour les jolies choses et une volonté encore plus certaine de liberté, et ce dans tous les domaines. Elle va constituer ainsi l'archétype de ce que l'on a appelé au Japon, à l'époque, les « moga », les « filles modernes », et va faire tourner en bourrique son infortuné, mais toujours irrémédiablement passionné, époux.
L'histoire de ce couple haut en couleur s'étale ainsi entre 1918 et 1926, dans un Japon en pleine révolution culturelle occidentale. C'est un roman plaisant, parfois comique, tant l'aveuglement du pauvre Jôji et la vanité de ses désirs sautent aux yeux. C'est aussi, en filigrane, une formidable histoire pleine de vitalité, de liberté, qui rend hommage à sa façon aux femmes japonaises de l'époque.

À la suite d'une erreur, j'ai lu ce roman dans la traduction anglaise de Chambers puis dans sa version française, chez Folio. Ce dernier éditeur (je sais, je me rends compte que je plains souvent de Folio…) a cru indispensable de faire précéder le roman d'une préface d'A. Moravia qui vient, bien dans l'air du temps, comme un cheveu sur la soupe, nous expliquer à quel point l'occident en général et l'Amérique en particulier sont coupables de tous les maux, surtout au Japon où, bien entendu, « sétémieuavan ». Pour qui connait un peu, et même beaucoup, le pays et son histoire, on est prié de ne pas rire. Naomi apporte un démenti total à cette sociologie de la repentance en montrant, bien au contraire, comment une jeune femme, à l'orée du vingtième siècle, affirme contre une tradition de la soumission la réalité et la force de ses désirs, de ses goûts et son amour immodéré de la liberté de vivre.
Là où Folio voit un personnage « cynique, vulgaire, inconstant », je vois une femme qui ose la liberté dans une époque et un milieu bien peu propice. Voilà du moins ce que j'ai retiré de ma lecture. Et vous, qu'en penserez-vous ? Tanizaki vous tend les bras.
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