«En vérité, en vérité, je vous le dis...»
Dans ce roman sont juxtaposés deux univers très contrastés : le mal et la noirceur absolus dans un couple, où l'homme, manipulateur à l'extrême, tient sa compagne sous son emprise et, à l'opposé, une antichambre du paradis, le bureau où l'on examine les dossiers de candidature à la canonisation et dans lequel travaillent des personnes bienveillantes.
Alice, 29 ans, est tour à tour flattée ou dévalorisée et culpabilisée par son odieux compagnon, menteur et violent, avec lequel elle vit depuis cinq ans. Mais, en dépit des inquiétudes de sa famille, elle s'entête à croire qu'elle vit un amour unique et passionné et que, si cet homme a des crises en effet, elle saura l'en guérir par son immense amour.
Sommée par lui de trouver un emploi, elle en déniche un par hasard au bureau du promotorat des causes des saints, pour le classement des dossiers et le suivi des sessions. Cette découverte d'un autre monde, d'un type de comportement qui ne lui est pas familier, que ce soit la vie rayonnante des saints ou la générosité et les attentions de ses collègues, vont l'amener sur le chemin difficile du retour à la confiance en soi et à un certain esprit critique. Va-t-elle accéder à sa vérité ?
Le fil narratif du roman est interrompu par des monologues de notre héroïne, commençant tous par «Qu'est-ce qui m'a pris...», dans lesquels elle revient sur un incident dans son couple et s'accable de reproches, mais aussi par des extraits de psaumes et par l'irruption de la biographie de quelques saints. Ce qui provoque une mise en parallèle de la vie des saints, entièrement voués à Dieu, et de la relation conjugale d'Alice, cette dernière totalement dévolue et soumise à son compagnon toxique.
Un roman que sa documentation soignée rend très intéressant, sur la mécanique de l'emprise, mais surtout sur ce travail bien réel du promotorat des saints. Travail de Bénédictin, dont la procédure particulièrement complexe, établie dès le Moyen-Age, s'étend sur des décennies. On y apprend beaucoup de choses ; connaissez-vous par exemple la différence entre serviteur de Dieu, vénérable, bienheureux et saint ?
En dépit de nombreuses qualités, -ce portrait poignant d'une jeune femme fragile qui a accepté de s'aliéner et vit dans le déni, l'intérêt de découvrir un univers étonnant, l'originalité de cette obscurité traversée de rais de lumière-, j'émets quelques réserves : la fin, plutôt mystique et illuminée ; la part de magie et de fantastique ; le personnage d'Anne-So, un peu forcé peut-être (sept enfants, dont deux atteints de la maladie de Charcot, et toujours radieuse et bienveillante ?) ; enfin, cette épidémie des enfants endormis, qui finit par contaminer l'intégralité des enfants du monde, dont je comprends mal la place dans le roman.
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Alice vit sous l'emprise d'un mari menteur, manipulateur, jaloux, violent. Mais elle est convaincue qu'il agit par amour. Sommée de trouver un emploi ( il a perdu son travail ) elle est embauchée par un évêque pour gérer les dossiers de demande de canonisation. du monde extérieur, elle ne côtoie alors que des êtres lumineux : les saints qu'elle découvre, les bénévoles et les prêtres de l'association diocésaine pleins de gentillesse et de sourires à son égard.
Va-t-elle enfin ouvrir les yeux ?
L'autrice alterne les monologues d'Alice, écrits à la première personne, les récits de sa vie quotidienne, les biographies de saints et de saintes, des extraits de psaumes en italiques.
La fin prend un tour magique : Alice revit en rêve son enfance sauvage au Guatemala auprès d'une nourrice aux pouvoirs chamaniques - pouvoirs qu'elle lui aurait transmis - et par ailleurs partout dans le monde les enfants s'endorment.
Alice va-t-elle se transformer en sainte et réveiller miraculeusement tous ces enfants endormis ?
Une manière originale sans doute de traiter le phénomène de l'emprise !
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Alice vit sous l'emprise d'un pervers narcissique. Tour à tour violent ou triste, tendre ou cruel, il l'a enfermée dans un schéma où elle a perdu totalement confiance en elle et s'est coupée du monde. Alors qu'elle cherche un travail, elle intègre un bureau où elle doit archiver et classer les demandes de canonisation.
Wouah ! Je n'avais pas la moindre idée de ce que je m'apprêtais à lire et quelle belle surprise ! C'était passionnant !
L'autrice décrit avec une justesse incroyable le mécanisme de l'emprise. J'avais beau voir que le mec était un salaud complet, il arrivait à me faire douter avec ses discours adressés à Alice...
Toute la partie sur la religion et les démarches administratives pour devenir un saint était hyper bien amenée et Alice étant complètement athée, tout était expliqué de son point de vue à elle et donc très limpide malgré mon peu de connaissances en la matière.
Je mettrai un petit bémol sur toute la dimension mystique de certains passages qui ne m'a pas forcément plu, mais ça reste un excellent roman que je recommande chaudement.
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Elle est attachante, cette Alice, aussi attachante qu'exaspérante dans son aveuglement amoureux. il est vrai que cet aspect "sous emprise" très développé dans le roman met les nerfs du lecteur en pelote, même s'il faut confesser qu'il y a un certain plaisir malsain à voir le pervers à l'oeuvre.
Le chemin singulier qui sera celui d'Alice pour s'en libérer est ce qui m' a le plus intéressée par son originalité et son angle de réflexion. Comme d'autres lecteurs, je trouve que ce livre est un peu ambitieux à vouloir embarquer autant de sujets divers en les reliant entre eux de manière parfois un peu confuse. Et si le bain onirique et mystique dans lequel il nous plonge basculant vers la fin vers une possible apocalypse m'a laissé quelque peu interdite, j'ai pris dans l'ensemble du plaisir à cette lecture que je recommande.
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