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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Alors que le populisme monte en puissance en Europe et aux États Unis, et que les dictateurs sévissent un peu partout, Temelkuran partant de son propre pays , La Turquie ,analyse ce qui mène au pouvoir ces nouveaux leaders populistes sans idéologie , sans programmes économiques et sociaux définis, uniquement à la poursuite d'un pouvoir absolu, mobilisant des foules , souvent à leur détriment .

« Le respect revient souvent chez les gens qui ont voté pour Trump. L'idée est la suivante : « Trump est peut-être un abruti, il ne tiendra peut-être pas ses promesses, mais il agit comme si les gens comme moi étaient importants et que les gens qui ne me respectent pas ne l'étaient pas. » Cette citation à elle seule peut expliquer l'engouement d'un vaste troupeau d'abrutis pour un leader populiste, qui en faites lui-même vient d'une situation ou d'un passé qui nécessiterait un fort lifting moral et éducatif pour mériter ce dit respect . Or à leur opinion, le respect qui leur convient n'a pas besoin d'être mérité il suffit de l'exiger. Un respect à sens unique : on le reçoit sans le donner. Cette explication du mécanisme populiste par Temelkuran malheureusement est une vérité fondamentale et non une opinion personnelle . Ce respect exigé découle de la victimisation abreuvé de « ressentiments » dont la nature change constamment , selon ce qui est dicté aux masses par les spin doctors des leaders populistes. Les contradictions ne sont aucunement un problème, «  quand le chef est un maître de « l'hyperbole véridique « , le contenu même n'a plus guère d'importance. »

La question qui taraude est quand même «  comment les masses ont-elles pu commencer à agir contre leurs propres intérêts, et se tromper de cibles dans leur quête de grandeur, oubliant ainsi l'histoire mondiale ? ». Une question de base posée fréquemment et encore plus récemment, suite aux dernière élections turques, bien que ces dernières furent largement truquées. Ici «  l'infantilisation des masses via l'infantilisation du discours politique est cruciale ….de plus , une fois que vous avez infantilisé le discours politique commun, il devient plus facile de tromper les masses et , à partir de là , vous pouvez leur promettre n'importe quoi. »

Tout est permis pour les chefs populistes, vu que le troupeau est prêt à gober n'importe quoi. Ce qui semble presque une farce devient en faites périlleux vu que la raison devient impuissante face non seulement à la bêtise , la folie d'un seul homme, mais aussi face aux regards hypnotisés de millions de gens croyant aux bêtises de cet homme.
« Quoi qu'il en soit, quand la vulgarité et l'ignorance deviennent des valeurs tenues en estime, que fait-on ? Comment communiquer avec une personne qui accepte que l'inconsistance et l'hypocrisie de son chef soient des éléments d'une stratégie appliquée pour le bien de son peuple ? »
Temelkuran mentionne aussi dans son livre ces intellectuels de gauche qui ont soutenu Erdoğan dans ses débuts, acceptant des alliances peu orthodoxes comme Ahmet Altan ( qui joue les victimes aujourd'hui ) et qui ont fini par la suite en exil ou en prison, “Certains d'entre eux ont réussi à se réinventer comme membres déçus de l'opposition dans des pays occidentaux, créant de nouvelles alliances pour poursuivre leur carrière à l'étranger en tant que victimes exceptionnelles d'un dictateur exceptionnel.”

Dans ces circonstances préserver sa santé mentale devient extrêmement difficile pour ceux ou celles qui ont encore un minimum de sens de l'éthique, de l'honnêteté et une conscience. Tout ce qui paraît insensé, une honte pour nous , devenant très vite la norme, crée un désespoir existentiel infini, « La souffrance d'avoir à être soumis au mal éhonté est une chose, mais c'est autre chose d'avoir l'oppression comme équivalent de la « vraie démocratie », présentée comme telle en réponse à la soi-disant demande du vrai peuple – et supporter de voir le pouvoir politique faire une chose en prétendant faire exactement le contraire ».
Ce livre écrit en 2019 éclaire parfaitement le pourquoi des résultats des dernières élections turques, bien que généreusement abreuvées de fraudes, désormais une des règles du système établie. Tout ceci montrant à mon avis un Monde à la dérive .
Je remercie infiniment mon ami babeliote Apo qui m'a proposée cette lecture suite à une question que je lui avais posé, et la réponse s'y trouve effectivement. Un excellent livre et une rencontre précieuse avec une femme intelligente et courageuse.

« Deviens fou si tu en as les moyens. »
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Merci à Babelio et aux Editions Stock, pour cette masse critique "Non fiction".
S'il était besoin de nous en convaincre, Ece Temelkuran nous démontre avec force d'exemples, que nos démocraties sont sérieusement en danger et que la situation actuelle de nombreux pays confirme le diagnostic implacable de cette journaliste, elle-même en lutte dans son propre pays contre Erdogan et sa politique rétrograde.
Il est clair que la situation a de quoi alarmer, tant le fossé entre "le peuple" et nos technocrates se creuse inexorablement, l'arrogance (et les privilèges) de nos élus devenant insupportable pour un très grand nombre. Fort de ce constat, pas étonnant que le populisme creuse malheureusement un sillon inquiétant (la tentation du pourquoi pas eux après tout ?) face à une élite de plus en plus déconnecté des réalités.
On est forcément inquiet devant ce tableau pessimisme qui semble apparaitre de plus en plus inévitable.
Un texte qui forcément ne laisse pas indifférent. Espérons seulement qu'Ece Temelkuran se trompe. L'espoir fait vivre.
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Un grand merci à Babelio et aux Editions Stock, pour l'envoi de cet ouvrage.

Journaliste et auteure Turque, Ece Temelkuran, constate la fin de la démocratie en Turquie la nuit du 15 juillet 2016 et tente de nous mettre en garde contre la montée dans «nos»pays, du populisme.

L'auteure analyse la montée du populisme en Europe et aux Etats-Unis et nous explique comment on peut sortir de la démocratie sans s'en apercevoir...

L'auteure semble nous dire que le populisme semble être le contraire des villes c'est- à-dire du cosmopolitisme. le «vrai peuple» (l'identité, l'authenticité...) lui, vient de la province.

C'est un avis trancher que je ne partage pas tout-à-fait, même si l'exemple des «gilets jaunes» pourrait correspondre à ce constat, cependant leurs revendications bien que très diverses, pour nombre d'entre elles sont justifiées.(mon avis n'est pas très important et qui suis-je pour prétendre le contraire?)

Pendant trop longtemps une certaine catégorie de la population a eu le sentiment d'avoir été mépriser par une autre et d'être les oubliés du «progrès» or, au lieu de s'en prendre aux «vrai» causes: précarité, pauvreté, mondialisation sans contôle,chômage.. Ils s'en prennent aux «élites et aux immigrés» (qu'ils pensent être les responsables de leurs malheurs, et se jettent dans les bras du premier bonimenteur venu: Erdogan,Orban,Trump,Chaves,Salvini,Le Pen, j'en passe et des pires.

Après avoir refermé cet excellent essai, je me dis qu'on a du boulot si on veut réconcilier ces deux mondes. L'histoire balance entre progrès et réaction, j'ai peur que l'on soit rentré dans une sombre période.






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Le 28 mai dernier, Erdoğan et son parti ont remporté les élections présidentielles et législatives en Turquie. de nombreux observateurs et simples citoyens, dans ce pays et en Europe, ont été surpris de ce résultat, voire scandalisés. Ainsi donc, une crise financière de proportions historiquement inégalées, pas plus que la catastrophe du séisme dans le Sud-Est, géré de manière criminelle et ayant révélé des malversations systématiques dans le secteur du bâtiment, dans la concession des permis de construire en dépit de la législation anti-sismique, ni même l'état physique-sanitaire très diminué d'Erdoğan n'ont eu raison de son régime, devenu progressivement dictatorial au cours des vingt dernières années. Si des fraudes électorales se sont produites, elles n'ont pas non plus été déterminantes cette fois-ci. On dirait que, dans certaines circonstances qui ne sont pas sans rapport avec la notion même de « régime », quels que soient le contexte économique et les politiques mises en place par le gouvernement, un certain blocage de la macro-structure composée par une petite majorité de l'électorat et par le pouvoir dans son ensemble (pouvoir étatique civil et militaire, économique, corps intermédiaires ou ce qui en tient lieu – en Turquie, à mon avis, les sectes religieuses d'abord et surtout) rend inefficaces et caduques les mécanismes de la démocratie représentative.
Essayant d'y voir plus clair avec l'amie de Babelio Bookycooky, nous nous sommes accordés (sur) la lecture commune de cet essai de la journaliste dissidente Ece Temelkuran, publié en anglais en 2019 et aussitôt traduit en français. Rédigé à l'époque où Donald Trump était encore président des États-Unis, où l'actualité britannique était dominée par le Brexit, et où une partie considérable du monde était gouvernée par des leaders populistes de droite, cet essai pose la thèse que la situation politique de la Turquie ne constitue pas une exception, qu'au contraire elle représente et exemplifie un paradigme d'instauration d'une dictature qui, dans un parcours en sept étapes, est redoutablement reproductible par-delà les spécificités des pays en question, y compris leur histoire démocratique et l'apparente solidité de leurs institutions. Ces étapes, qui nomment les chap. du livre, sont : I. « Créer un mouvement », II. « Détraquer la raison et affoler le langage », III. « Dissiper la honte : dans le monde post-vérité, l'immoralité est "hot" », IV. « Démanteler les dispositifs judiciaires et politiques », V. « Façonner ses propres citoyens », VI. « Les laisser rire devant l'horreur », VII. « Construire son propre pays ». Chaque étape est illustrée à la fois par des événements qui se sont produits dans la Turquie d'Erdoğan que dans différents pays gouvernés par des populistes, avec une attention particulière pour Donald Trump ; des anecdotes vécues par Temelkuran, surtout dans l'exercice de sa profession de journaliste politique sont également reportées, qui caractérisent assez précisément sa personnalité, son parcours et son origine socio-familiale. Même si les événements contés ne suivent pas nécessairement une succession chronologique, la progressivité des étapes influe sur le ton de l'autrice : la première moitié du livre est très factuelle et la démonstration est très précise, ensuite le désespoir gagne la narratrice (et le lecteur) à mesure que s'installe le sentiment que la métamorphose du régime et enfin de la société devient irréversible. On comprend très bien ce sentiment, on se laisse persuader notamment par la longue et subtile analyse de la transformation du rire des opposants politiques : pour la Turquie, l'humour grinçant des manifestant du parc Gezi (en 2013) n'est déjà plus le même que l'humour noir des élections de 2015, et ce rire se transforme en un rictus abominable à mesure des persécutions deviennent plus horribles et que l'espoir n'a plus sa place (cf. cit 8). Toutefois, si l'on se laisse entraîner et l'on compatit avec ce crescendo émotionnel, la démonstration de la thèse en est proportionnellement affaiblie, notamment par le fait que nous savons aujourd'hui que le processus n'est pas irréversible, partout et en toute circonstance : Trump a été battu en 2021. Toutefois, en lisant attentivement l'intitulé des étapes, il apparaît assez clairement qu'alors que les trois premières, tout en s'inscrivant dans la longue durée autant que les successives, peuvent se développer avant que les populistes n'accèdent au pouvoir, les quatre dernières requièrent une période d'exercice du pouvoir longue, voire très longue pour la toute dernière, durant laquelle des « anticorps » peuvent heureusement se produire malgré tout, selon les contextes. Les dernières décennies devraient nous avoir appris à nous méfier de tout déterminisme historique dans les théories politiques... Cette éventualité n'est d'ailleurs pas totalement exclue par l'autrice, puisque sa démarche est présentée à plusieurs reprises comme sa propre contribution à enrayer le processus, par la conscientisation et un ultime appel à la création d'un agora mondial, au-delà de la Turquie...
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Particulièrement d'actualité, cet essai assez pointu illustre point par point, chapitre après chapitre, le mécanisme d'apparition du populisme dans le monde.
L'autrice et journaliste turque, opposante au régime d'Erdogan, utilise l'exemple de son pays natal pour mettre en lumière les dérives d'une société devenue insensible, égocentrique et divisée.

Le livre est bien construit et la plume presque romanesque par moment, les réflexions de l'auteure font suite à des citations de personnages publics et de proches l'ayant particulièrement interpellée.
Ce procédé permet ainsi à l'auteure de compiler toutes les manifestations plus ou moins subtiles du populisme dans le langage et les actes d'individus divers, dans le but d'y sensibiliser le lecteur.
Trump, Poutine et autres autocrates sont sur le devant de la scène, leurs actions et discours décortiqués faisant ressortir une multitude de ressemblances frappantes.

La géopolitique et la sociologie m'intéressant bien davantage que la politique politicienne, j'ai trouvé cet ouvrage très enrichissant notamment en ce qui concerne les questions de société.
Les réflexions d'Ece Temelkuran sur le pouvoir du rire dans la résistance populaire, sur la disparition de l'empathie ou la transformation du langage sont aussi angoissantes que stimulantes.

Après avoir dressé un constat des plus pessimiste, la journaliste enjoint le lecteur à rentrer en résistance, à ne plus subir son destin mais bien à agir en s'informant d'abord puis en cultivant l'esprit de solidarité, l'empathie.
Le message final que je retiendrai est celui-ci : la justice sociale et la réduction des inégalités sont le fondement d'une démocratie sereine, les divisions affaiblissent quand l'union fait la force.

Un livre engagé et engageant, dont la lecture est plus que nécessaire aujourd'hui.
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Dans cet ouvrage à la plume engagée, Ece Temelkuran s'évertue à décrire le processus par lequel la Turquie est passée d'un État laïque à un État gouverné par un parti populiste conservateur se réclamant du "vrai peuple" turc. Elle souligne la difficulté à interrompre le cours de tels mouvements, et à tenter d'argumenter face à leurs propos illogiques, paradoxaux, et pourtant totalement assumés.

Dépassant les frontières de la Turquie, l'auteur met en garde les pays occidentaux que se croiraient à l'abri du populisme de droite, et reprend les exemples de l'élection de Trump et du vote du Brexit pour étayer sa "méthodologie" pour faire passer un régime de populiste à dictatorial. La recette : créer un mouvement, qui se distingue d'un parti, forcé de concilier avec la politique existante, manipuler et vider de son sens le langage, jouer sur la honte, démanteler les institutions politiques et judiciaires, ne pas lésiner sur la propagande et sur la figure du "bon citoyen", qui est d'ailleurs très souvent une "bonne citoyenne", les femmes étant des cibles plus faciles au premier abord, puis rire de l'horreur, et enfin modeler son propre pays.

On y apprend donc comment l'AKP a apporté son aide aux défavorisés en échange d'un vote assuré, la mainmise du parti sur l'économie et la fuite des hommes d'affaires refusant la complaisance à l'égard du régime vers Londres et donc la création d'une nouvelle diaspora, la persécution des journalistes et des intellectuels au cours entre autres de simulacres de procès, ou encore un très intéressant questionnement sur l'expression "mon pays", et la manière qu'ont les habitants, ou les exilés, de définir cette patrie dans laquelle ils ne parviennent plus à se reconnaître.

Cet ouvrage fourmille donc d'exemples intéressants, même si j'ai trouvé le style de l'auteur plutôt désagréable, parsemé d'anecdotes ou de citations parfois bancales pour introduire un sujet qui lui tenait à coeur. On demeure glacé le livre refermé, et très triste vis-à-vis de ce que pouvait représenter la Turquie en termes de laïcité à une époque qui semble désormais bien lointaine.
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