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Critique de elisabeth99


Paul THEROUX
La Chine à la petite vapeur.
Ed. Les Cahiers rouges de Grasset
550 pages

L'auteur américain, ce que son nom n'indique pas, Paul Theroux est un spécialiste ès voyages en train.
Il a déjà visité de cette façon l'Amérique du Sud, l'Inde, tout le bassin méditerranéen.
Il arrive à Pékin au printemps 1988.
Depuis son dernier séjour en Chine il y a 8 ans, il note tout de suite de nombreux changements. Des slogans de propagande à la gloire de Mao et de la Révolution culturelle ont été couverts par des panneaux de publicité commerciale vantant des Toyota et des montres.
Pékin, en pleine transformation, est devenue un gigantesque terrain de construction d' immeubles d'habitations, d' hôtels, de bureaux, de ponts, de tunnels.
Des écoles de langues et de tourisme ont été ouvertes.
Les gens, correctement habillés, portent des vêtements de couleur.

« ,,,au cours de l'hiver 1980, c'était un pays morne, exsangue, un océan de costumes bleus sans forme et de slogans sans queue ni tête imprimés sur des bannières rouges. Si vous suggériez : ces pauvres gens devraient porter autre chose que des pantoufles de feutre dans la neige et la glace, on vous rétorquait qu'ils avaient beaucoup de chance de ne plus marcher pieds nus. »

Les touristes viennent voir la Grande Muraille, la Cité interdite et le Palais d'été. Paul Theroux, lui, est venu pour voir l'envers du décor. Les voyages en train lui semblent en être un bon moyen : on rencontre plein de gens, on a le temps pour parler de tout, sans contraintes. Paul Théroux parle un peu le mandarin, les Chinois très souvent parlent un peu d'anglais, surtout les jeunes, qui aiment d'ailleurs se nommer à l'anglaise John ou Sam.

Le livre est ainsi en grande partie tissé de conversations et de rencontres. Son auteur a pris 40 trains, sillonnant la Chine d'un bout à l'autre pendant plus d'un an. Certains voyages de 36 heures de train, non chauffé en hiver, avec des toilettes rudimentaires, sans eau chaude, souvent sans eau du tout, même pas pour se préparer un thé, certainement pas pour se laver, et avec une nourriture à laquelle il consacre de nombreux et amers chapitres.

« ...l'état de délabrement du train fut qu'il n'y avait plus d'eau une heure après le départ.(...) Sans eau chaude, ce long voyage – trente heures – promettait d'être insupportable.(...) Il n'y avait rien à manger. (…) Les passagers s'étaient amassés dans le wagon-restaurant, mais on n'y servait rien. (…) La lumière était inexistante. »

C'est vrai que ça peut donner des cauchemars, d'ailleurs il ne s'en cache pas : la nuit il fait systématiquement des cauchemars terrifiants, qu'ils nous décrit avec force détails.

On dit de livres de voyage, qu'en les lisant, on apprend plus sur la personnalité de l'auteur que sur le pays qu'il décrit. Ceci est certainement vrai pour le livre de Paul Théroux.

Je compare avec « Les Chemins de poussière rouge » de Ma Jian, récemment lu et commenté. Ma Jian avait un énorme avantage : il était chez lui en Chine, et voyageant surtout à pied, il était partout aux premières loges. Pas de barrière de langue, pas de méfiance des gens devant un étranger, un Américain. Il voit la même crasse, la vermine, le manque de confort le plus rudimentaire. Mais en même temps, il montre que ce n'est pas cela qui compte en Chine, ce n'est pas cela qu'il faut voir et retenir, en fait, ce ne sont que des détails. L'important est ailleurs.

En 1985 le gouvernement a mis en place un programme de « Civilisation spirituelle » comportant deux volets : « Les Cinq propos » et « Les Quatre beautés ». Tous les dogmes lancés par les gouvernements chinois vont toujours par groupes. « Les Cinq propos » c'est la politesse, le comportement social, la moralité, l'attention aux rapports sociaux et l'attention à l'hygiène.
Cela sonne bien mieux comme programme d'action que l'ancien « A bas les Quatre Vieux » (brûler les églises et les monastères) ou les huit « Anti » révolutionnaires (brûler les livres, persécuter les intellectuels, ridiculiser les professeurs).

Monsieur Theroux a écrit un livre qui veut nous montrer la Chine. Mais il n'y arrive pas. Forcément, car cela n'est pas possible, quand pour décrire un pays, on s'appuie sur les conversations (sans bien maîtriser la langue) avec des gens rencontrés au fil des hasards dans des villes ou dans des trains.

Rien d'étonnant, que l'auteur, qui m'est d'ailleurs très sympathique, décrit dans son volume de 550 pages, avant tout ses souffrances et de très mauvaises conditions de voyage qu'il doit endurer.

« Les trains chinois peuvent être épouvantables. En douze mois de voyage – presque quarante trains – je n'en ai jamais vu un seul avec des toilettes qui ne soient pas repoussantes. Les haut-parleurs vous cassent les oreilles dix-huit heures par jour ... »

Il consacre beaucoup de place à des descriptions horrifiées des toilettes (dans les trains, dans des hôtels) et de la crasse omniprésente (les gens, la nourriture, les trains, les hôtels). Les gens sont déplaisants, ils sont sales, ils crachent partout (les descriptions explicites suivent).
Évidemment, on compatit, mais ….est-ce que cela vaut la peine d'y consacrer tant de place. On a tellement l'impression que ce voyage est pour lui une forme de torture (chinoise...), que l'on a envie de lui dire : »arrête, rentre chez toi, ce que tu écris ne vaut certainement pas tant de souffrances ».

On a pu s'attendre au moins à de belles descriptions des paysages vus par les fenêtres de trains, faute de mieux, pour équilibrer le texte. Mais elles sont quasiment absentes dans le livre.
En arrivant au Tibet, il constate : 

»Plus tard dans la journée, le paysage devint pierreux. Plus noir et rocailleux – mais toujours aussi désertique – et la symétrie des tortillons rocheux lui donnait l'apparence d'une immensité de crottes de chien .»
ou une autre description d'un paysage tibétain :
« C'est une vue plus qu'émouvante, c'est un pur enchantement : la lumière, l'air, l'espace, les plaines et les pics. »

En ce qui concerne la description des paysages, le Tibet mérite mieux.

La Chine ce n'est pas un pays. La Chine c'est un univers. Et l'on voit que cet univers le dépasse, et comme un pianiste débutant qui arrivera à jouer une sonatine mais ne saura pas interpréter une sonate, on comprend qu'il s'est attelé à une tâche bien au-dessus de ses moyens.


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