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Critique de SZRAMOWO


Je n'avais jamais lu de romans de Danielle Thiéry avant que Masse Critique de Babelio et les éditions Flammarion ne décident de mettre un terme définitif à cette anomalie et je les en remercie du fonds du coeur.

Un polar comme je les aime. Ancré dans le réel. Précis. Fiévreux. Entraînant. Sans esbroufe. Enfin, un roman policier digne de ce nom.

En regardant sur les pages de garde du livre j'ai constaté, non sans plaisir, qu'il me restait plus d'une vingtaine de romans de Danielle Thiéry à lire, ce à quoi je vais m'employer avec ardeur dans les semaines et les mois qui viennent.

Avec Tabous, le lecteur découvre l'univers méconnu et sombre des violences familiales.

Le roman se déroule du 22 au 26 décembre. La chronologie des faits est présentée en 57 chapitres très courts qui maintiennent le lecteur en haleine.
Deux affaires a priori différentes se déroulent simultanément. le lecteur est baladé sans ménagements de l'une à l'autre, rapidement persuadé qu'elles vont se télescoper, mais à aucun moment il n'imagine ni comment ni pourquoi.
Un point à mettre à l'actif de l'écriture et de la narration.

Truc, l'enfant de la DDASS devenu adulte est en cavale. Il est transparent au point que c'est comme cela qu'on l'appelle depuis qu'il traine de famille d'accueil en famille d'accueil. Sur un scooter rouge qu'il a volé sur le parking du Pôle Santé de la Teste-de-Buch en Gironde. Il se dirige vers le village de Silos dans les Landes où il pense trouver refuge chez Brandon Bossart un ancien compagnon de cellule. Mais rien ne se passe comme prévu.
«  Putain !
Des ombres s'agitèrent sur le bas-côté, une masse dont il aurait pu capter les grognements si cette saleté de moteur avait fait moins de bruit. Une harde de sangliers, au moins sept ou huit…. »

Parallèlement, au centre de santé de la Teste-de-Buch, une femme, Celia Meddi-Laporte, a disparue avec son bébé de quatre mois, Roxane.

L'Office Central pour la Répression des Violences faites aux Personnes (OCRPV) de Nanterre reçoit l'information suivante :
« Objet : double disparition inquiétante et suspicion d'homicides volontaire ou de tentatives. »

L'OCRPV de Nanterre, c'est avant tout sa directrice Edwige Marion, et son équipe, le commissaire Louis Zénard, la capitaine Valentine Cara, les lieutenants Jean-Charles Annoux et Gregory Fix, et la jeune psycho-criminologue, Alix de Clavery.

Presqu'une famille réunie autour de sa chef. Attentive au moindre haussement de sourcils de Edwige Marion. Des jalousies, des interrogations, des frustrations, des peurs, des interrogations, des doutes.

Ils partent pour Arcachon répartis dans deux voitures. La première transporte Marion, Zénard et de Clavery, la deuxième Cara, Annoux et Fix.
Cela préfigure l'ambiance dans lequel va se dérouler l'enquête sur le terrain. Alix est mal accepté par ses collègues-flics. C'est peu de le dire comme çà ! Ils trouvent que Marion lui passe tout. Ils considèrent que ces méthodes sont du pipeau. Ils trouvent qu'elle en fait trop. Alix se défend auprès de Cara notamment :
«  - Tu es flic, tu travailles sur les faits, moi je regarde ailleurs, autrement. Et les mères violeuses ou assimilées, c'est l'angle mort des statistiques des violences faites aux enfants. C'est ce que les spécialistes qui ne se voilent pas la face nomment « l'ultime tabou »…
Le récit s'appuie sur le rôle de la pyscho-criminologue. Elle est la seule à disposer d'une capacité d'écoute qui la conduit à ne pas se satisfaire des apparences. Mais elle agace Cara :
« - Je t'ai déjà dit, Alix, l'OPJ c'est moi. On interroge hors présence de l'avocat, ça n'a aucune valeur en procédure. Je ne veux pas de déclaration ou d'aveux qui seraient frappés de nullité parce que, si tu la pousses à bout c'est ce qui va se passer »
Elle inquiète les avocats :
« Son regard mobile, intense, l'avait instantanément perturbé. Ou bien c'était sa qualité. »
« Une psycho-criminologue, en plus. Pour qui se prenaient-ils ? »
Elle déclenche la colère des prévenus :
« Pardon, s'empressa la psy, je me suis mal exprimée, j'ai juste remarqué que vous n'avez pas prononcé une seule fois le nom de Celia depuis que vous êtes arrivés. (…) de pire en pire. Annette Laporte blêmit, Guy devint rouge brique. (…) En voilà assez ! fit Guy Laporte sèchement, nous n'allons pas nous laisser insulter davantage. Vous devriez apprendre les bonnes manières à votre personnel, madame la directrice !»

Pourtant, même si ses collègues ne l'admettent que du bout des lèvres, c'est Alix qui va donner les impulsions décisives à l'enquête.
Obstinée, elle va reprendre toutes les données du dossier et établir des liens que personne n'avaient mis en évidence entre des faits et des personnes. Elle ne se satisfait pas des logiques trop simplistes qui conduisent à « construire » le coupable « idéal ».

Son seul défaut, est qu'elle agit seule. Au détriment du danger. N'hésitant pas à mettre en péril l'instruction, comme le lui reproche Cara.

L'interêt du roman réside dans cette tension entre les enquêteurs, restituée de façon réaliste et crédible par Danièle Thiéry. Chacun d'entre eux a ses propres problèmes et ses convictions qui interfèrent dans les relations avec ses collègues.

Irène Cara vit avec la légiste Rose Duverne. Alix de Clavery subit la tyrannie de sa mère Hortense. Edwin Marion transfère sur son compagnon Olivier Martin la gestion de la crise d'appendicite de leur fille Nina. Jean-Charles Annoux vit lui avec Luc Abadie.

Côtés prévenus. Truc se débat avec la violence qu'il a subit tout au long de son enfance et de son adolescence et qu'il fait subir à sa compagne Carole Zinou. Les Laporte ne supportent pas que leur fille Celia se soit mariée à un Iranien Cyrus Meddi, aussi riche soit-il. Leur éducation austère et disciplinaire conduit à établir des relations ambiguës entre Celia et son frère Armel qui seront au coeur d'une intrigue que seule Alix parviendra à comprendre et à dénouer.

Cet imbroglio humain est à l'image de la tempête qui sévit dans les Landes tout au long de l'enquête et impose sa loi. Loi des hommes contre loi de la nature. C'est l'autre force du récit, de nous plonger à la fois dans la tempête sous les crânes et dans la tempête tout court qui freine l'enquête et donne du temps aux prévenus.

« Il trouvait même plutôt bonne l'idée de revenir à Silos avant que les masses noires au zénith ne leur choient sur la tête, à lui et à sa vieille mère. le ciel brassait des nuages énormes et le vent forcissait de minute en minute. Dans moins d'une heure, il serait dangereux de circuler sur les routes de forêt où les chutes de branches et de pins allaient se multiplier. »

« Au pont de Martinet, la tempête avait déjà jonchée branches la piste et les bas-côtés. Des bouts de bois volaient dans les airs, des toupets arrachés aux pins fusaient autour des flics et du maçon. (…) Courbés en deux, tous peinaient à se maintenir debout. »

« Truc n'en menait pas large. le vent faisait claquer les volets roulants comme des oriflammes. Des débris divers percutaient les murs et il avait entendu des vitres se briser. »

Grace au travail conjoint des enquêteurs et de Alix, la vérité sera rétablie, mais le mal ne sera pas réduit. Pas d'angélisme dans le récit de Danièle Thiéry. Les survivants seront peut-être amenés à oublier, à pouvoir revivre en fonçant ce qu'ils ont vécus. Pas facile !

La fin connait un rebondissement qui remplit d'aise le lecteur. A vous de le découvrir.

Roman à lire. Pour le sujet traité. Pour la façon dont il est traité. Pour les personnages et leurs personnalités attachantes.
Danielle Thiéry, une auteure à découvrir. Par chance il me reste à lire les vingt livres précédant Tabous.









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