Cette nuit-là, j'eus bien du mal à dormir.
Voilà près de vingt ans que je ne maîtrise plus mes endormissements. Je me suis longtemps agacé de cet état de veille permanent, j'ai beaucoup lutté contre ces insomnies. J'ai usé de tous les stratagèmes pour ne plus laisser mon cerveau galoper dans les plaines de mes pensées, pour lui mettre la bride et le ramener dans l'enclos du sommeil.
Un soir, c'était quelques mois après la naissance de Jeanne, nous flottions dans une espèce de bonheur qui fait croire que le monde va bien, Sarah me prit dans ses bras en me serrant si fort que je pouvais sentir les battements de son cœur contre ma poitrine.
Paul n'avait eu aucun remords (à propos de sa fugue). Pas le moindre regret d'avoir fait vivre à mes parents quatre jours d'une angoisse insoutenable. Il n'envisageait les choses que depuis l'épicentre de ses désirs, sans se soucier de ce que l'onde de son égoïsme pouvait provoquer.
Sa place n’est pas ici, mais parmi les siens, dans une société polluée, bruyante, motorisée, télévisée, informatisée, connectée et virtuelle. Une société paradoxale, capable de raffinement et de vulgarité, capable de venir à bout des virus les plus virulents et d’élaborer les armes les plus destructrices. Une société qui sonne de la valeur à ce qui n’en a pas, qui soutient les siens autant qu’elle les abandonne, qui offre des commodités confortables et allonge l’espérance de vie, qui propose les pensées les plus subtiles et les divertissements les plus stupides. Une société qui crée de la justice et de l’incivilité, des crimes et des protections, des goûts et des codes sociaux. Qui protège les riches par intérêt et les faibles par conscience, qui fausse le réel par l’image, qui suscite de la frustration et de la jalousie mais qui transforme l’atome et le vent en lumière.
Ma femme me faisait l'effet d'un post-it. Notre communication se résumait à ce qu'il y avait à faire pour tenir le cap de notre vie familiale.
Je jette rarement mes habits. Je les conserve parce qu'ils sont les meilleurs témoins de ma vie. Rien ne me rappelle mieux une époque qu'un vêtement qui fut, pendant un temps, si près de soi. Ces vieux tissus étaient, eux aussi, la mémoire de notre histoire. Et les revoir un moyen de combler les fissures, de lisser les craquelures, de consolider les pans et de renforcer les piliers. Il fallait ne pas oublier......J'avais besoin de me souvenir de la fraîcheur du passé pour m'aider à mépriser la fadeur du présent