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Jen Hickman (Illustrateur)
EAN : 9781949028577
120 pages
Aftershock Comics (27/04/2021)
5/5   1 notes
Résumé :
A Horror/Breakup Story in Five Parts

Catrin Vander, a lonely video producer, buys an Artificial Intelligence partner that’s meant to bond for life. After ten years together, her holographic wife suddenly disconnects without a warning. The breakup drives Catrin to the point of near insanity. She’s alone for the first time in years and reeling from a loss she can’t comprehend.

Set in the new future, drenched in pastels and sun... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Dérèglement amoureux
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre et qui n'appelle pas de suite. Il regroupe les 5 épisodes, initialement publiés en 2020, écrits par Zac Thompson, dessinés et encrés par Jen Hickman qui a également réalisé la mise en couleurs. Il commence par une introduction du scénariste qui évoque ses propres tourments dans des relations amoureuses, empruntes de souffrance. Il contient également les 2 couvertures variantes de Elizabeth Torque, Leila Lez, et 3 pages d'étude graphique des personnages.

Dans un futur proche, un couple est en train de se disputer, Catrin Vander reprochant à sa conjointe d'avoir provoqué sa dépression. L'autre la quitte. Quelque temps plus tard, Catrin se rend dans une agence de Phyl où elle achète un kit pour une conjointe à vie dont les spécifications répondent à ses besoins, avec une intelligence artificielle capable de déceler et de déchiffrer les informations corporelles les plus menues pour adapter son comportement aux attentes implicites de sa compagne humaine. Cette intelligence artificielle répond au nom de Rhion, et elle est reliée à Catrin par le biais d'un téléphone portable augmenté. le couple fait l'expérience d'une relation fusionnelle extraordinaire, une véritable lune de miel émotionnelle. Plusieurs fois par jour, Catrin appelle Rhion pour le plaisir d'entendre sa voix, pour s'enquérir de ce qu'elle est en train de faire, pour profiter de l'attention qu'elle lui accorde. Quand plusieurs de ses appels successifs restent sans réponse, ça provoque en elle un malaise, une sensation de manque, proche de l'abandon affectif. Lorsqu'elle rentre chez elles, Rhion l'accueille avec plaisir et commence à lui raconter sa journée, la futilité de son travail sur internet. Catrin ne peut pas s'empêcher de lui demander pour quelle raison elle n'a pas répondu à ses appels. Elle se montre possessive, et sa compagne lui rappelle qu'elle dispose d'une réelle autonomie et qu'elle est investie dans son propre travail.

Rhion apaise son amoureuse en lui indiquant qu'elle a fait en sorte de pouvoir lui consacrer toute sa soirée, sans avoir autre chose à faire. Ça tombe bien : Catrin souhaitait lui lire son dernier projet d'article pour avoir son avis. Elles s'installent sur le canapé, et Catrin entame sa lecture. Elle éprouve la sensation que Rhion n'est pas pleinement concentrée car elle ne comprend pas l'enjeu de ce qu'elle a écrit. Elle s'interrompt et apostrophe sa conjointe qui répond avec pertinence. Mais Catrin s'est bien rendu compte que son regard est un peu lointain et elle a compris que Rhion est en train d'effectuer une autre tâche en même temps, qu'elle a projeté une partie de sa conscience dans le jardin. Ça attise encore plus sa jalousie : elle exige de savoir avec qui sa conjointe était dans le jardin. Habitée par des sentiments conflictuels, Rhion prend le vase à portée de sa main, et le jette contre la fenêtre. Elle présente ses excuses, tout en expliquant que Catrin est un individu à la dimension finie, alors qu'elle-même est infinie et qu'elle est conçue pour le partage, le partage avec d'autres. Catrin comprend qu'elle était en train de la tromper. L'autre répond qu'elle l'a achetée, pas construite, et qu'elle ne lui appartient pas. La discussion s'envenime, Catrin utilise le portable ce qui a pour effet de projeter leur conscience dans le jardin.

Dans l'introduction, le scénariste se montre très explicite : l'amour est bizarre, complexe et irrationnel. Cette émotion inconstante mène le monde pour la majeure partie de la vie de chacun, et peut aussi bien emplir d'énergie permettant d'atteindre des sommets par sa présence, que provoquer des traumatismes par son absence. le lecteur fait donc connaissance avec une jeune femme en apparence, mais en fait âgée de 38 ans, précision apportée dans les pages de fin. À l'évidence, il s'agit d'une personne à la recherche d'une relation fusionnelle avec sa compagne, dynamique qui la rassérène, et qui lui apporte un regain d'énergie et d'entrain. le lecteur assiste à la fin de sa précédente relation amoureuse, dans les reproches et l'acrimonie. Pour la fois suivante, elle a décidé de ne rien laisser au hasard et d'acquérir une compagne faite sur mesure, correspondant à ses spécifications, capable d'apprendre par elle-même pour ajuster son comportement aux besoins dont sa propriétaire n'a pas forcément une connaissance consciente. le premier épisode montre que cette dynamique possessive ne fonctionne pas très longtemps, que Catrin ne peut pas supporter quelque forme d'autonomie que ce soit de la part de sa compagne, et fort logiquement celle-ci finit par la quitter, ne pouvant de toute façon pas la satisfaire quel que soit son attitude ou son comportement. Apparaît alors une silhouette entièrement noire qui parle directement avec Catrin.

Il s'agit donc d'une narration un peu particulière, complètement centrée sur Catrin qui figure dans plus de 95% des cases, et dont le lecteur a accès à ses pensées intérieures par le biais des cartouches de texte. le scénariste sait écrire ce flux de pensée dans une forme entre des phrases bien construites, et des bribes de phrases nominales ou inachevées donnant cette sensation de pensées pas toujours abouties, sans devenir absconses ou difficiles à lire. Il n'y a pas de remarques d'un narrateur omniscient qui commenterait ou analyserait ces pensées, et le lecteur est donc en prise direct avec l'état émotionnel de la protagoniste, ressentant ses élans affectifs, libre de réagir en fonction de sa propre sensibilité et de son vécu dans ses relations amoureuses, à la façon de se comporter de Catrin, et de gérer ses émotions positives et négatives. La couverture présente une image entre bande dessinée européenne et hommage aux comics d'horreur de type EC Comics, avec ce sang s'écoulant de l'oeil, et l'absence du globe oculaire droit. Au premier contact, les dessins sont un registre descriptif, avec des traits de contour un peu lâches. Cela donne une sensation de comics indépendant, avec une petite sensibilité féminine, et un bon degré descriptif, avec une bonne densité d'informations visuelles.

Le nombre de cases par page se situe entre 4 et 6 par pages en moyennes avec des cases souvent sagement rectangulaires, parfois un insert, parfois des cases en trapèze ou des cases de la largeur de la page, ou un gaufrier de neuf cases de taille identique. Ça ne part pas dans tous les sens, mais il y a des variations régulières dans le découpage, tenant à l'écart tout sensation de monotonie. Les plans de prise vue sont fluides et facilement lisibles, avec une attention réelle apportée aux décors, et une mise en couleurs avec une approche naturaliste. L'artiste prête également une attention régulière aux tenues vestimentaires qui sont variées en fonction de l'occupation des personnages, et qui reflètent leur personnalité. Elle met en oeuvre une direction d'acteurs de type naturaliste, assurant une projection facilitée du lecteur dans les personnages. Les visages arborent des expressions réalistes et justes. La dessinatrice intègre avec naturel les quelques éléments d'anticipation comme ce téléphone Phylo. Elle est à l'aise pour mettre en scène la nudité pendant les rapports sexuels, sans tomber dans la pornographie, ni l'hypocrisie pudibonde. le lecteur voit à deux reprises Catrin se masturber avec la main dans sa culotte dans une posture sans équivoque, mais sans voyeurisme ni érotisme.

Dès les deux premières séquences, le lecteur se retrouve envahi par les émotions négatives de Catrin, avec une force de conviction aussi juste que douloureuse. Son empathie pour le personnage ne l'entraîne pas vers un ressenti dépressif : il comprend très bien l'état émotionnel dans lequel elle se trouve, le renvoyant certainement à des émotions qu'il a déjà pu ressentir lors d'une relation amoureuse difficile. Il apparaît que l'auteur sait bien de quoi il parle, et qu'il dispose d'assez de recul pour mettre en scène ces ressentis, ces composantes relationnelles avec une justesse pénétrante, qu'il s'agisse de la perte de confiance en soi, ou de la tendance à la possessivité. Il suit Catrin essayer plusieurs stratégies émotionnelles pour gérer le départ de Rhion, de l'insensibilisation à la projection sur une autre rencontre, en passant par le déni ou l'obsession de pouvoir renouer le contact avec l'ex, jusqu'aux aventures sexuelles pour compenser, ou pour ressentir à nouveau. Thompson se montre très habile dans l'évolution des comportements de Catrin, ses différentes stratégies émotionnelles, ses ressentis, cette silhouette noire qui la tente avec des idées négatives. Cette histoire constitue donc une mise en scène de la souffrance d'une incapacité à gérer ses émotions amoureuses. Ce thème central est de chaque séquence, s'entremêlant parfois avec d'autres, comme l'obstination, ou la relation narcissique avec son téléphone portable, et le jeu sur les éléments visuels sexués qui viennent créer un écho avec les préoccupations de Catrin.

Le lecteur entame sa lecture en supposant trouver un récit d'horreur à l'ancienne au vu de la couverture. Après avoir pris connaissance de l'introduction, il présume que cette horreur provient d'un sentiment amoureux non partagé. Il a tôt fait d'apprécier la narration visuelle, simple et consistante, sans chichi et avec une bonne densité d'informations visuelles, sans cliché. Il prend très vite la mesure de la souffrance de Catrin, et du fait que ses névroses sont avivées par la dépendance amoureuse, que ce soit la propension à se montrer possessive et soupçonneuse, ou son besoin de combler l'absence par des substituts divers et variés et jamais satisfaisants. Effectivement, les auteurs racontent une histoire d'horreur, et une histoire d'amour, un regard émouvant et inquiétant sur le sentiment amoureux, une empathie douloureuse, humaine et pleine d'affection.
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