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Critique de lousalinger


Vaurien condense deux ouvrages autobiographiques rédigés en 1953 et 1954, sous les titres Bad Boy et Roughneck. La traduction littérale, Mauvais garçon et Voyou obéissent effectivement à une sorte de gradation chronologique. Reliés au sein d'un même corpus, ils tracent l'itinéraire d'un irréductible galérien. Pas par vocation même si on en vient à se le demander. "Quoique je fasse, j'allais mal tourner", prévient-il dès les premières pages. Devions-nous le croire, car dans notre espace temps, Jim Thompson est un manitou, une des balises indéboulonnables du roman noir ? C'est oublié que ces mémoires s'achèvent début 42. Pile au moment où sa carrière d'écrivain prenait son envol. Mais ça, ni lui ni personne ne pouvaient le dire.

Écrit à la manière de ses plus belles fictions, Vaurien conforte cette idée qu'elles racontaient toutes un peu James Myers Thompson. Dans certains cas, il le dit lui-même sans ambages. Un échange avec un shérif-adjoint va lui coller une telle pétoche qu'il en fera une figure récurrente dans sa mythologie Thompsonienne, L'assassin qui est en moi en tête. On retrouve pas mal d'éléments fourrés dans Un nid de crotales : le sud profond (Big Sands = Big Spring, au Texas ), les magouilles pétrolifères, le père malchanceux, la fatalité,...Ce dernier point, on pourrait évidemment l'attribuer à toutes les créations du romancier. Avec le nihilisme. Et l'humour. Oui, vous imaginez bien qu'une telle vie n'a pas été sans une poignée de rencontres pittoresques.

Les éclats de rires sont épars mais parmi les plus grands du cycle Thompson. Si vous avez lu Pottsville 1280 habitants, ça devrait vous donner une petite idée. Même s'il s'agit de situations très différentes et moins noires :
- Quelques effronteries typiques de l'enfance, moults expériences impliquant bobos et doigté.
- Un séjour en maison de cure ponctués d'anecdotes improbables, idéal pour travailler ses abdos.
- L'introduction d'un comptable au sérieux problème d'élocution, et imaginez qu'il cumule avec la bibine...
Je ne parle pas de son grand-père ou de l'incorrigible Allie Ivers, dont la créativité dans le vice et la manipulation hante la bibliographie du célèbre romancier (peuplés d'anti-héros cyniques). de joyeux drilles. C'est au moins ça, car si la vie d'un écrivain est rarement synonyme de quiétude, celle de Jim Thompson a été particulièrement mouvementée.

On exagèrera pas en résumant son histoire à une lutte sans fin. Revers, pauvreté, maladie, épuisement, douleur, Thompson en a vu de toutes les couleurs. Boulots alimentaires néfastes, flirtant avec l'exploitation ou carrément délictueux (trafic d'alcool avec un gang lié à une figure très connue des années 20/30). Ajoutons les problèmes d'argent, les faux départs, les vraies déceptions, la pathologie chronique, l'alcoolisme...L'auteur n'a pas besoin d'en rajouter, on a une petite idée de son labeur et de ses multiples peines. On aurait tant aimé que tout cela s'achève dans l'allégresse, mais le destin avait d'autres plans pour Jim Thompson.

Fauché à 70 ans, il n'aura jamais l'occasion d'ajouter un troisième volume à son histoire. Dernier coup de Trafalgar. Entre les jobs pour Hollywood, la collaboration avec Stanley Kubrick, l'écriture de certains de ses meilleurs opus (Pottsville ou Rage noire), il aurait sûrement eu plein de choses à ajouter. S'il avait pu vivre jusqu'aux années 90, il aurait même pu y ajouter un épilogue sur sa gloire tardive. Pourquoi pas le titrer Vieille canaille ou un truc comme ça. Mais que voulez-vous, la malédiction des grandes plumes c'est qu'elles sont rarement reconnues de leur vivant. L'ironie lui collant à la peau, une fin aussi douce aurait probablement fait tâche dans le parcours de Jim Thompson.
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