Dans quelques jours Lara partirait au bout du monde. Un bout du monde à quatre heures
d’avion, corrigea Lara, mais une retraite coupée de tout où elle allait chaque année. Il n’y avait là-bas ni portable, ni internet, ni mail, ni télé, mais une boîte aux lettres et un téléphone à l’épicerie du village et ça me faisait peur.
Pour exister un vieux doit être fun et en forme comme la grand-mère de La Boum, comme un de ces seniors qu'on voit sourire à la une des magazines et à qui on s'intéresse parce qu'ils sont encore capables de consommer.
La peur nous convainc toujours de supporter encore ce qu'on ne supporte plus. Supporter encore un peu. Comme si ça pouvait changer par miracle.
L'heure sublime dont je rêvais lorsque j'étais enfant, l'heure où l'homme deviendrait naturellement bon parce qu'il serait moins ignorant et qu'on éclairerait sa nuit, ne sonnerait jamais : le savoir, la culture, l'intelligence même, n'ont rien à voir avec la morale ni avec le bien ou le mal, et ne rendent pas meilleurs les misérables.
Je me souviens comme nous étions beaux. Personne n’a été beau comme ça après nous. Ce soir-là, j’ai à nouveau ce sentiment en entrant avec elle dans le restaurant. La
chaleur est toujours là, intacte.
C’est en s’asseyant à la terrasse qu’elle dit :
— Tu as eu une aventure avec Alexandra ? Je veux dire, avant moi.
— Non... Pourquoi ?
— Je sais pas, comme ça.
— Je te jure que non.
C’est la vérité mais dans ces cas-là je ne parviens pas à contrôler ma voix. On dit que personne n’a l’air plus coupable qu’un innocent et je dois avoir cet air-là. Je jure encore et elle sourit et la sono diffuse ce tube idiot « Voilà l’été, voilà l’été... ». Elle commande un bitter
Campari, moi de l’eau pétillante, et puis on parle d’autre chose.
L’amour ne sauve pas. Il faut d’abord se respecter soi-même, ne plus se maltraiter, se morfondre et être obsédé par soi, et alors seulement on peut aimer, être disponible pour voir l’autre et aimer vraiment.
Au bout d un certain temps, il est toujours plus facile de ne pas faire l amour.
La solitude est là depuis l'enfance. De tous les êtres, les enfants sont les plus seuls. Seuls quand ils attendent leurs parents dans leur lit, seuls quand ils obéissent aux maîtres ou enlèvent leurs coudes de la table, seuls encore quand ils vont à cette leçon de piano en rêvant de courir dans les rues. Je n'ai jamais été aussi seul que lorsque j'étais enfant.
Oui, pourquoi tromper ceux qu'on aime? Je ne comprendrais jamais. L'amour et le désir sont deux provinces d'un même pays qui se rejoignent ou s'éloignent dans la lente pulsation de la vie. Aujourd'hui, mon coeur redevenait sauvage, il oubliait qui j'aimais et s'échappait malgré moi pour battre plus fort dans une région où je n'étais pas moi-même.
La folie, c'est refaire les mêmes erreurs en espérant des conséquences différentes.