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sur 218 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Sur ce plateau perdu des Cévennes, ils sont une poignée, en ce tout début de 20e siècle, à s'échiner jour après jour, jusqu'à l'usure, contre la terre et le climat, pour une maigre et bien incertaine subsistance. Cela fait dix-sept ans que le bagne pour enfants qui domine le bourg a fermé, après une enquête sanitaire. Autant de revenus perdus, car bon nombre des paysans, hommes ou femmes, y prêtaient main forte, comme lingère, cantinière ou gardiens. L'austère bâtiment abandonné n'en finit plus de projeter l'ombre du passé sur le village : lorsque le malheur commence à frapper et que se mettent à s'enchaîner les catastrophes, la peur ne tarde pas à échauffer les esprits et à faire resurgir les mauvaises consciences et les souvenirs.


Chaque chapitre s'ouvre sur un extrait des registres d'écrou de la maison d'éducation surveillée de Vailhauquès, dans l'Hérault : sinistre égrenage des entrées et des sorties, ces dernières toutes en direction du cimetière qui hante tant les villageois. C'est quasiment le seul mais lancinant élément descriptif de cette prison : le reste nous parvient au travers de la mémoire des hommes qui y travaillèrent et se firent complices des atrocités commises.


A vrai dire, ce n'est pas tant le remords qui semble torturer cette communauté où chacun a contribué à sa manière au sort des petits détenus : y compris l'instituteur qui fit office de pourvoyeur ; le curé, convaincu de l'irrécupérable perversion de ces enfants, pour la plupart illégitimes ou abandonnés ; et même le médecin de passage, diligenté pour enquête sur dénonciation, et qui n'a rien signalé dans son rapport. Ce sont plutôt les superstitions et la crainte du châtiment divin, plus précisément l'effroi de devoir rendre compte au Diable, qui, pour sûr, a maintenant jeté son dévolu sur ce bout de terre, preuves en sont les mauvaises récoltes, la maladie des bêtes et les accidents mortels. le spectre de la sorcellerie n'est guère loin. Et les hantises de ce genre ne font qu'engendrer de nouvelles violences.


Finalement, les conditions du bagne, aussi choquantes soient-elles, n'étaient, en quelque sorte, que le reflet de celles de l'extérieur : était-elle vraiment plus enviable la vie de ces petits commis de ferme, exploités et battus, à peine nourris, moins bien traités que les animaux dont ils s'occupaient ? C'est tout un ordre social qui a engendré le bagne, comme le résument les propos et les attitudes du curé de ce récit.


La force de ce roman noir et éprouvant est de faire toucher du doigt les conditions sociales et les mécanismes humains qui permirent l'existence des bagnes : tout en sortant de l'oubli le sort dramatique de tous ces enfants rejetés au ban de la société, il plonge le lecteur au fond du désespoir et de la misère, dans les méandres de l'âme humaine dont il explore avec justesse les dilemmes et les lâchetés.


Petit billet sur l'histoire des bagnes pour enfants en France sur mon blog, dans la rubrique le coin des curieux, en bas de ma chronique sur Les Mal-aimés :
https://leslecturesdecannetille.blogspot.com/2019/05/tixier-jean-christophe-les-mal-aimes.html
Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Garder leur inavouable secret et continuer leur petite vie. C'est ce que pensent faire les habitants de ce petit village au fin fond des Cevennes quand en fait, ils ne font que creuser leurs tombes. Plus ils enfouissent et protègent leur secret, plus ils enterrent profondément leurs âmes jusqu'à atteindre l'enfer sur terre. Ils ne sont plus que des ombres qui ont poussé sur un terreau d'amertume et de culpabilité, laissant éclore la peur et la haine. Une terre qui a modelé des hommes taiseux au coeur sec et des femmes infertiles. Peu à peu l'humanité s'efface, dissoute dans une noirceur absolue au profit d'automatismes qui maintiennent une impression de normalité. Des mécanismes de survie dont les engrenages broient tout sur leur passage.

JC TIXIER fait prendre tout son sens au terme « maudit » et dénonce dans cette fiction basée sur des faits historiques les conditions de vie des enfants dans les maisons d'éducation surveillées. Un joli nom pour ce qui n'était en fait que des lieux de souffrance où étaient perpétrés des tortures physiques et psychologiques.

Il en ressort un roman à l'ambiance incroyablement sombre et malsaine. Tout est moite, dense, puant. La part sombre des personnages a depuis longtemps envahit tout leur être. Aucune honte, aucun remord, tout juste des regrets que les choses ne se soient pas passées comme prévues. Les traitements inhumains leur importent moins que le fait de devoir assumer les conséquences de leurs actes. Ils craignent une vengeance divine ou une quelconque malédiction là où ils devraient être hantés par leurs consciences. Il n'y a rien à sauver chez ces hommes et ces femmes.

Un récit glaçant qui amène le lecteur au bord de la nausée. Une noirceur impitoyable qui ne laisse jamais filtrer le moindre espoir . Étonnant quand on sait que l'auteur écrit principalement des albums jeunesse. Ce livre est un vrai tour de force dont le principal atout est sans doute cette plume poétique d'un douceur et d'une violence incroyables. Une lecture dont chaque court chapitre débute par un extrait des registres d'écrou de la maison d'éducation surveillée de Vailhauquès dans l'Hérault. de quoi immerger le lecteur dans une atmosphère de désespoir sur fond d'injustice. Seul bémol, j'ai regretté le manque de rythme. S'il renforce l'atmosphère pesante, il peut aussi lasser et amener le lecteur à décrocher.

Un livre qui secoue. A déconseiller aux petits coeurs trop sensibles.
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Voici un rural noir dans lequel je n'ai pas su m'identifier puisqu'en 1901, je n'étais pas née ! Mon grand-père non plus et il n'a pas dû me raconter cette vie-là.

De plus, en ce temps-là, c'était la Troisième République chez vous, celle qui allait instaurer la séparation de l'Église et de l'État, ce qui fait vachement enrager le curé du cru.

Il a beau ne pas se dérouler à mon époque, ce rural noir m'a pris à la gorge et aux tripes tant l'atmosphère était à la fois envoutante et horriblement oppressante.

Dans ce patelin reculé des Cévennes, on croit autant à Dieu qu'au Diable et on a tendance à invoquer plus vite le Malin que le Divin : "Le Diable, le Malin et le Démon", c'est leur sainte trinité, à ces pauvres hères non instruits et qui doivent subir les affres du climat, qu'il soit trop froid, trop chaud, trop sec ou trop humide.

La terre est rude et travailler au bagne, cette maison dite « d'éducation », et bien, ça met du beurre dans les épinards pour les habitants de ce patelin, ou du lard sur le morceau de pain sec. Lorsque ce dernier a fermé en 1886, beaucoup ont perdu un statut et des revenus.

Le bagne, parlons-en… L'auteur aurait pu se répandre dans tous les supplices qui furent imposés à ces pauvres gosses, placés là suite à un vol, un braconnage, du vagabondage, des attentats à la pudeur…

L'intelligence a été de ne pas s'appesantir dessus et de nous expliquer en peu de mot, à travers les pensées d'un pensionnaire quittant ce lieu maudit, ce que furent ces années d'horreurs, de brimades, de privations et d'abus en tout genre.

De toute façon, à chaque début de chapitre, l'auteur nous présente un billet d'écrou des pensionnaires, avec leurs noms, leurs condamnation et leur cause de sortie : tous mort dans la première ou deuxième année de leur incarcération. Plus besoin de nous faire de dessins et d'en rajouter, tout est dit.

Je me demande si ce n'est pas encore pire de laisser le lecteur imaginer ce que ces gamins ont subi plutôt que de nous le décrire. En tout cas, ça donne des sueurs froides dans le dos, surtout en calculant leur âge lors de leur jugement, les années auxquelles on les condamnait pour si peu et l'âge de leur décès. La salive est parfois dure à avaler.

Dans ce rural noir que j'ai eu du mal à lâcher, l'auteur nous offre une analyse juste et des portraits réalistes de ces gens habitant la campagne profonde, ceux qui pensent directement à des malédictions au moindre pépin et sont toujours prompt à accuser les autres, surtout si cela peut détourner l'attention de leurs propres fautes à eux.

On pénètre dans du glauque, dans des esprits étroits, dans la petitesse des actes humains, dans leurs envies, leurs jalousies, leurs bassesses pour gagner quelques sous… Sans oublier que les femmes, en ces temps-là, sont soumises à leurs maris, à leurs pères et que dans ces contrées reculées, ils ne sont pas prêts à passer le commandement.

Horrifié, on assiste à tout ce qu'ils (ou elles) sont capable de faire à leur prochain, comme si, tout compte fait, ils ne craignaient pas tant que ça ce Dieu qui doit les juger à l'heure de leur mort.

Comme on dit en wallon : Mougneû d'bon Dieu èt dès tchiyeu d'jiale (des mangeurs de bon Dieu et des chieurs de diable = mon orthographe wallonne a toujours été nulle).

Le récit fait la part belle à une multitude de personnages, qui reviendront au fil des pages, tous avec leurs part d'ombre et leurs non-dits, ces secrets qu'ils ont enterrés après la fermeture du bagne, et même avant.

Qu'est-il arrivé au P'tiot, un gamin évadé du bagne ? Pourquoi personne ne veut en parler même 17 ans après la fermeture du bagne ? Pourquoi une telle chape de plomb ?

Seuls Blanche et Étienne, deux jeunes, semblent ne pas porter la trace du péché des autres et pour eux, j'ai ressenti une forte empathie car ils sont bien les seuls à être innocents, comme le simple d'esprit, Géraud. Par contre, ce qu'ils subissent…

Un roman noir rural dont la plume de l'auteur vous happe dès les premières lignes, vous subjugue et dont on a dû mal à reposer le livre, tant le récit nous tient en haleine alors que le rythme est assez lent et les mystères levés dans le dernier tiers du roman.

La justesse des portraits brossés, tout en finesse, même s'ils sont rugueux comme une pierre ponce, le réalisme dans leurs actions et leurs pensées, ce côté religieux poussé chez ces gens où l'instituteur et le curé tiennent la place la plus haute dans le village et cette aura de mystère qui entoure ce bagne vide depuis 17 ans et qui, malgré son abandon, continue à faire de l'ombre à tous ces biens pensants.

Même les tombes du cimetière attenant au bagne sont maudites, évitées comme la peste, tant ce lieu fait peur et est porteur de toute une flopée de malédictions qui pourraient vous tomber dessus, comme si la porte menant aux Enfers se trouvait sous les tombes de ces gamins morts sous les coups, les privations, le travail harassant ou autre.

En tout cas, je suis heureuse d'avoir reçu ce roman en avant-première grâce à l'opération Masse Critique de Babelio et je les remercie pour cet envoi, ainsi que l'auteur pour les mots qu'il a inscrits sur ces pages.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Malédiction dans cette petite communauté rurale en ce début de XXe siècle. Des meules de foin s'enflamment, des bêtes meurent de fièvres, l'ombre fantomatique du bagne, fermé depuis des années, s'étend sur tout le village. Cette sinistre bâtisse, où tant d'enfants ont souffert sans que personne ne s'en émeuve, était un réservoir de main d'oeuvre à très bon marché. Des pauvres gamins maltraités par des matons et des patrons inhumains.

Si le bagne a fermé et les petits prisonniers sont partis, le souvenir délétère des enfants martyrs n'est-il pas en train d'empoisonner le village et ses habitants ? Saint Léonard priez pour nous.

Roman historique tragique qui parle de l'effroyable condition des enfants condamnés à la correction jusqu'à leur majorité. En ouvrant chaque chapitre sur un extrait du registre d'écrou de la maison d'éducation surveillée de Vailhauquès dans l'Hérault, Jean-Christophe Tixier fait revivre ces petites victimes.

C'est avec adresse et talent que le romancier s'éloigne ensuite du pamphlet judicaire pour plonger le lecteur dans un conte gothique hallucinant.

Touché au coeur le lecteur ne peut que saluer ce beau travail.
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17 ans après la fermeture du « bagne des enfants », un village des Cévennes commence à transpirer la peur. Oh ! ils ont bien raison d'avoir peur, les villageois. En vrai, elle ne les a jamais quitté vraiment la peur !

17 ans après, les relents de la mémoire des paysans remontent à la surface. Car ils ont bien des choses à se faire pardonner. Ils en ont bien profité, tous autant qu'ils sont. La Cruere tout autant que les autres, elle qui exerce le métier de garde-d'enfants, orphelins que l'Etat lui confie.

17 ans après, malgré la chape de plomb qui recouvre les actes dépravés et odieux, chacun d'entre-eux est hanté par les souvenirs.

17 ans après, tout part en vrille. Tous ont quelque chose à se reprocher, de l'instituteur en passant par le curé et le médecin. Personne n'est innocent.

Où est l'espoir dans ce désespoir ? Pas une once de lueur dans ce village où la vie est pire que pire, où la misère règne, où les paysans triment toute leur vie pour obtenir le peu de quoi se nourrir.

Mais cela explique-t-il ce qui s'est passé ? Comme toujours, certains arriveront encore à tirer leur épine du pied.

Quel avenir pour Etienne, employé par Jeanne et Léon. Et pour Blanche qui vit avec son oncle Ernest ?

Un livre dur, sombre, comme la terre qui se nourrit du travail des hommes. A chaque début de chapitre, un article résume le parcours de ces jeunes qui ont été enfermés dans le bagne. Leur nom, leur âge, leurs méfaits, leurs années de détention et leur année de décès… Car la particularité de ce bagne, c'est que les enfants ne vivaient pas très longtemps là-bas. C'est le moins que l'on puisse dire.

Un livre dense qui livre ses secrets au fil des pages, petit à petit, comme si de tout dire d'un coup serait trop… inabordable ? trop, comment dire ? Trop indigeste. Jean-Christophe TEXIER amène chacun des protagonistes à livrer leur secret. Mais ce sont des paysans, des taiseux et qui plus est, superstitieux.… Il faut du temps pour les apprivoiser et que petit à petit tout sorte. Il faut savoir les écouter et les observer. Cela prend du temps.

Il faut également un coupable, et pourquoi pas Géraud, l'homme qui vit dans les bois et qui nargue les paysans ? Parce que lui il sait.

Un grand merci à Jérôme « fannyvincent »pour ce livre qu'il a eu la gentillesse de me prêter.
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J'ai été sélectionné lors d'un masse critique privilégiée sur Babelio. Me voici donc, certes très en retard à lire ce roman et cet auteur dont je ne connais rien du tout. Les mal- aimés est un roman extrêmement noir, il touche à l'enfance à une période, fin du 19ème siècle et début du 20ème, et dans un lieu où la noirceur de la campagne semble tout dévorer. L'auteur nous dépeint des personnages durs, sales, peu instruits pour la plupart, ils commettent des actes révoltants, des négligences qui laissent un goût âpre dans la bouche. La peur de la justice divine et de la présence du diable, des âmes vengeresses, les inquiètent davantage que la justice des hommes.
Naître sur ces terres à ce moment vous englue, vous empêche de quitter les lieux. Résignés, alcooliques, violents, tous les tableaux les plus noirs nous sont dressés ici et laissent bien après la fin de cette lecture une étrange sensation. On ne sait pas trop à quoi on vient d'assister, pour ma part je sais juste que je respire l'air frais à nouveau, je me sens moi-même comme si je venais de quitter ce bagne dont il est question tout au long du livre, en toile de fond.
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1901. Dans ce coin perdu des Cévennes, le bagne pour enfants a fermé 17 ans plus tôt. Un terrible destin pour les pauvres gosses qui se sont retrouvés enfermés là. Certains ont pu quitter cet endroit maudit vivants, mais tous n'ont pas eu cette chance.
Les gens d'ici sont rudes et austères, à l'image de la terre sur laquelle ils triment. Des individus qui ont tiré profit de l'existence du bagne, puis se sont tus. Ont refoulés leurs terribles actes.
Mais des événements se produisent. Les âmes des petits bagnards morts sous les coups et les privations seraient-elles venues se venger ?

Ce récit très sombre, au titre tout à fait approprié, se caractérise par une atmosphère lourde, plombée. La peur des esprits des petits disparus vient hanter les vivants. La culpabilité est présente, un poids terrible pour ces petites gens crédules et pieux. Car tous ont des choses à se reprocher...

J'ai pourtant été happé par cette histoire, malgré sa noirceur, par cette petite communauté emplie de défiance et de haine. Je remercie Babelio et les éditions Albin Michel de m'avoir permis de découvrir ce roman dans le cadre d'une récente opération Masse critique.

Mon seul petit regret est, je dois l'avouer, d'avoir reçu des épreuves non corrigées, j'aurais vraiment aimé avoir le produit final pour mieux le partager, dommage...
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Auteur essentiellement de littérature de jeunesse, Jean-Christophe Tixier, après quelques nouvelles publiées aux éditions In8, livre avec Les Mal-aimés un roman très sombre sur un sujet – les bagnes pour enfants – qu'il avait par ailleurs déjà abordé dans un de ses écrits à destination des adolescents, Traqués sur la lande. Ce faisant, là où Traqués sur la lande s'intéressait à la fuite d'un groupe d'adolescents, il montre là à ce que le bagne laisse derrière lui.

C'est dans l'arrière-pays héraultais que prend place l'intrigue des Mal-aimés, dans les collines et la garrigue, une terre pauvre et une communauté qui a longtemps pu améliorer son ordinaire grâce à un bagne pour enfants qui offrait à la population du travail mais aussi la possibilité de se livrer à des commerces bien moins avouables. Au tout début du 20ème siècle, des années après la fermeture du bagne, des événements viennent troubler la vie de ce village qui dépérit. Des chèvres tombent malades, un homme se blesse mortellement en réparant sa charrue… Cela n'est au fond que la fatalité du quotidien. Mais pour certains, tout cela pourrait avoir un rapport avec ce qui s'est passé des années auparavant, et pour d'autres, ça pourrait être l'occasion de régler quelques vieux comptes. Au milieu du maelstrom qui se forme, Blanche et Étienne, deux adolescents qui, s'ils n'ont pas connu les affres du bagne vivent sous la coupe d'adultes violents, trouveront peut-être là l'occasion de s'émanciper d'une existence dans laquelle ils semblent destinés à courber l'échine et à endurer en silence.

Jean-Christophe Tixier alterne les points de vue, de Blanche à Étienne en passant par quelques figures remarquables du village, Angèle Cruere, éleveuse d'enfants placés par l'assistance sociale, le docteur Émile Morluc, venu s'installer ici comme en exil, désabusé autant par la veulerie des habitants que par sa propre lâcheté, Jeanne la grenouille de bénitier qui ne rachètera jamais les péchés qu'elle a pu laisser commettre, Géraud l'ermite qui fait jaillir la vérité par la crainte diffuse qu'il inspire… Tous ces regards sur les événements dans une communauté où tout le monde s'épie permettent aux pièces du puzzle de s'assembler progressivement en même temps que monte une tension, d'abord sourde, puis de plus en plus prégnante, dont on ne peut que sentir qu'elle mène à une explosion inéluctable. Car les mal-aimés, ici, ce sont autant les enfants et adolescents, ceux qui étaient enfermés dans le bagne dont la silhouette écrase le village, ceux aussi qui sont des années plus tard exploités d'une autre manière, que l'ensemble des habitants. Mal-aimés par eux-mêmes d'abord. Car derrière l'âpreté de leurs caractères et leurs vices souvent profonds, il y a aussi la culpabilité qui ronge certains, et la peur de la révélation de leurs actes passés et présents pour tous. À l'exception notable d'ailleurs d'un curé qui incarne à merveille la façon dont la foi vient parfois soutenir les actes les moins pardonnables.

Tout cela fait déjà des Mal-aimés un roman particulièrement noir et bien plus fins que ce que la violence de ce récit pourrait laisser penser. Mais Jean-Christophe Tixier apporte autre chose encore. Chaque chapitre s'ouvre par un extrait tiré des véritables registres d'écrou de la maison d'éducation surveillée de Vailhauquès, dans l'Hérault, se rapportant à la manière dont un des pensionnaires y est mort. Cette prose froide, sans affect, est certainement ce que l'on trouvera de plus violent dans ce livre et est l'élément essentiel, celui autour duquel tout tourne finalement, de cette histoire tragique. C'est une belle réussite.


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Aïe, aïe aïe. Que de noirceur dans ce roman malgre une écriture très poétique ,nous sommes plongés dans l 'horreur et l'innommable.
Fin du 19 ème ,début du 20ème siècle,les maisons d'éducation surveillée si joliment nommées n'étaient en fait que des bagnes pour enfants où les murs résonnent encore des cris des sévices et tortures faits aux gamins.
En 1884,aux confins des Cévennes, la grande bâtisse de pierres ferme ses portes.Sous le regard anxieux ,mais pas honteux des paysans,des adolescents squelettiques prennent la route ,pour être placés dans d'autres maisons de redressement.
Pourtant ces paysans, qui ,en fait,furent leur geôlier et s'en servirent comme esclave,devraient baisser la tête, aucun remord ne transparaît, mais une angoisse car la plupart d'entre eux travaillait dans cette bâtisse grise,et de plus avait la main d'oeuvre gratuite pour les durs travaux des champs.
17 ans s'écoulent et un matin,le " malin" se réveille
Les meules de foin prennent feu ,une partie du troupeau de chèvres est décimée par la maladie,la jument meurt d'un mal étrange, les gens deviennent fous.Une lourde suspicion s'installe entre voisins.On s'épie,on se toise ,et les mots fusent. de lourds secrets sont prêts d'exploser,des non-dits enfouis au plus profond de leur âme, resurgissent face aux événements incompréhensibles : le diable est bien là, sur la petite pièce de terre où s'érigent des petites croix.
Et si c'était l'âme des enfants qui revenait pour se venger par la main du diable?
Extrait page 179/180.
《Quand les feux de meules pouvaient être interprétés comme le geste de petits malins ou de tel ou tel ayant quelque compte à régler. Mais depuis,il y a eu ses chèvres.Son troupeau en partie décimé. La jument qu'il a fallu enterrer ,et puis la mort de Daniel.
À présent que le diable a l'air d'exister, alors pourquoi pas Dieu? Se dit Léon qui s'est à plusieurs reprises surpris à rechercher les mots des prières apprises dans son enfance.Des mots épars lui sont revenus qui,esperait-il,une fois agrégés formeraient une sorte de supplique sincère, où tout du moins suffisamment humble pour être entendue.》
Dans ce pays reculé,où la terre pauvre,nécessite un labeur pénible, on ne se regarde pas dans le miroir,on préfère accuser même si l'on sait qu'on n'est pas blanc comme neige.
Et les femmes ?Un vie de misère, de soumission à l'homme,de viols aussi.
Que de désespérance un roman d'une extrême noirceur ,à recommander, mais pour les âmes sensibles une vigilance s'impose.⭐⭐⭐⭐

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En février 1884, le bagne situé dans les hauteurs a enfin été vidé de ses occupants. Tristes et pauvres gamins qui ont subit pendant des années les violences répétées des gardiens. Seuls les rescapés de ces terribles années de détention on pu en sortir.
Des années plus tard, de dramatiques incidents se produisent chez les paysans qui furent un temps les geôliers de ces enfants. Incendie, troupeau décimé, accident, morts violente.
Et si les spectres des enfants étaient revenus pour les venger ? Et si le diable avait décidé de reprendre ce qui avait été donné ?

Chaque chapitre s'ouvre sur des extraits véridiques et tous aussi dramatiques les uns que les autres, de registres d'écrou d'enfants incarcérés dans la maison d'éducation surveillée de Vailhauqués, à cette même période.

Une grande tristesse et beaucoup de noirceur se dégagent de ce roman au fil des pages. C'est une lecture addictive qui nous incite à tenter de sonder les âmes de ces paysans silencieux, reclus dans leurs terres que l'on imagine bien, si loin du monde des vivants.

chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2021/03/23/les-mal-aimes-jean-christophe-tixier/
Lien : https://domiclire.wordpress...
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