AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Levant


J'avoue avoir flanché dans l'ascension de la Montagne magique. Cet Everest de la littérature devenu un classique a eu raison de ma capacité à entretenir mon attention. Son style élaboré qui ne craint ni les digressions ni les longues phrases aux multiples subordonnées est venu à bout de mon opiniâtreté.

Le Magicien est alors l'ouvrage qu'il me fallait pour aborder l'oeuvre sous un autre angle. Confus que j'aie été de ne pouvoir supporter l'exaltation rêveuse d'un Hans Castorp lequel, ainsi que l'écrit Thomas Mann lui-même, « pouvait rester des heures sans occupations ». Et donc sans en souffrir puisque de trois semaines son séjour en sanatorium s'étira sur sept années. Sept trop longues années pour le lecteur assoiffé de péripéties et d'émotion que je suis.

Il me fallait donc aborder l'oeuvre, et plus largement l'ensemble de l'oeuvre de l'auteur nobelisé, par un autre biais : faire connaissance avec ce dernier au travers de sa biographie. Et tenter de comprendre comment ce style est inhérent à la complexion de la personne. Colm Tóibín nous le fait appréhender avec le plus grand talent. Sa biographie est tout sauf une chronologie. Il n'y évoque d'ailleurs ni sa naissance ni sa mort. Son ouvrage a quelque peu compensé ma défaillance de ne pas avoir savouré l'oeuvre phare de Thomas Mann à la hauteur de sa renommée dans le monde littéraire.

L'ouvrage de Colm Tóibín s'attache à nous faire comprendre la personnalité de son sujet, le caractère de cet auteur pétri de sensibilité, non dénué d'humour, mais manquant peut-être de force pour s'imposer aux autres autrement que par ses écrits. Evoquant, ce n'est pas sans importance, sa condition de juif, certes non pratiquant, en une époque et un pays contaminés par la peste noire du nazisme.

Sa célébrité fut pour lui à la fois bénédiction et malédiction. Bénédiction bien sûr que la consécration suprême en son art. Malédiction d'être devenu un personnage important dans le monde intellectuel de la part de qui la société attendait des prises de position plus fermes et spontanées vis-à-vis du contexte politique, alors qu'il était réfugié aux Etats-Unis. Il aurait voulu être apolitique en une période et avec une condition que ne le lui autorisaient pas.

Le contexte familial l'a aussi quelque peu desservi et affecté. Certains de ses enfants s'engageaient plus que lui n'a pu le faire, quand d'autres partaient à la dérive. Reste qu'heureusement pour lui, son épouse est restée à son endroit un soutien indéfectible. Elle lui donna à son corps défendant l'occasion de faire connaissance avec le milieu médical du sanatorium, dont elle sortit guérie, milieu qui servit de cadre à La Montagne Magique.

S'ouvrant au personnage par le biais de cette biographie, on comprend à quel point ce style correspond au caractère d'un être dont le dynamisme de la pensée a quelque peu été contraint par les contingences funestes de son époque, ses codes moraux aussi qui ont, à n'en pas douter, tempéré ses pulsions, sa sensualité inavouée. On comprend avec cet ouvrage que son oeuvre fut pour lui une façon de prendre ses distances avec les grands thèmes d'une époque honnie. Faculté qui avec le recul de l'histoire prouvent la force d'abstraction du personnage.

L'ouvrage de Colm Tóibín est un superbe travail de documentation, fort bien écrit. Un ouvrage qui ne me donnera pas forcément le goût de repartir à l'assaut de la Montagne magique mais qui a compensé quelque peu ma frustration d'avoir renoncé en chemin.


Commenter  J’apprécie          260



Ont apprécié cette critique (25)voir plus




{* *}