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Critique de michfred


Tandis que le prince de Salina se meurt,dans une chambre, à Palerme, on jette par la fenêtre de sa villa de Donnafugata ses chiens de chasse empaillés et mangés aux mites. Ils volent un court instant dans le ciel impitoyablement bleu de Sicile...Image saisissante et emblématique.

Le Guépard raconte la disparition d' un monde aristocratique, plein de songes d'honneur et de rêves de gloire, mais douloureusement impuissant, assigné à une oisiveté distinguée et mélancolique, face aux forces montantes de la bourgeoisie.

Place aux arrivistes! Place au beau Tancrède, le neveu de Salina - d'abord garibaldien, pour le panache, et surtout pour l'opportunité du pouvoir à cueillir au bout du fusil dans les heures troubles de la révolution, mais qui très vite tournera casaque et troquera sa chemise rouge pour un habit plus convenable..Il a très vite compris que pour durer et peser, il faut intriguer, courtiser, composer...et épouser!

Place aux nouveaux riches: au maire, un paysan madré, et à Angélica, sa ravissante fille, aussi pulpeuse qu'une orange sicilienne, mais inculte, sauvage, sans passé, toute pleine d'un grand appétit de vivre. Elle est riche, belle, jeune: Tancrède n'en demande pas plus. Elle fera le lien entre la vieille famille aristocratique déclinante dont il est le dernier rejeton et la souche populaire et vivace des paysans dont elle est issue.

Derrière eux, tout autour, frémit et brûle la Sicile, écrasée de chaleur, ceinte par le bleu intense de la mer qui l'isole du monde et la rattache aux légendes grecques.

La famille Salina, y a ses rituels- la chasse, les bals, les fêtes votives, les moissons- , ses palais, ses résidences d'été et d'hiver, et pour le Prince, l'humble maison de sa maîtresse palermitaine.

Depuis toujours. Mais pas pour toujours: l'Histoire brusquement fait irruption dans ce temps arrêté, fait basculer ce monde mythique et ritualisé dans un temps historique qui va tout balayer, bousculer, chambouler.

Ce qui rend ce livre majeur si fort, si puissant - je ne peux lire l'épisode des chiens empaillés sans avoir la gorge serrée, c'est une des pages les plus bouleversantes que je connaisse- c'est bien cet emballement de l'histoire face à la lenteur résignée du déclin et à l'approche inéluctable de la mort.

Écrit dans une langue magnifique- trop difficile, hélas, pour l'apprécier en V.O.-- Le Guépard est un livre qui se lit et se relit avec la même délectation, et auquel Visconti a su donner une impérissable adaptation, d'une parfaite fidélité : lente, superbe, hypnotique, comme les vibrations de l'air brûlant au-dessus des champs de blé siciliens..

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