Mais, en ce cas, l’art n’est pas autre chose que la mode, et il ne vaut pas la peine qu’on en parle sérieusement ! S’il n’y a pas dans l’art quelque chose d’invariable, d’éternel, alors que le diable l’emporte ! Dans la science, dans les mathématiques, par exemple, regardez-vous Euler, Laplace, Gauss, comme de vieux chevaux de réforme ? Non : vous reconnaissez leur autorité. Mais pour vous autres, Raphaël et Mozart sont des crétins, et votre orgueil se révolte contre leur autorité, à eux ! Les lois de l’art sont plus difficiles à découvrir que celles de la science, je ne dis pas non, mais elles existent, et celui qui nie leur existence est un aveugle, volontaire ou involontaire, peu importe ! »
Quel diable de révolutionnaire veux-tu faire ? Écris des versiculets, mets-toi dans un coin pour vivre avec tes petites pensées et tes petites impressions misérables, fouille dans toutes sortes de menues subtilités psychologiques, et surtout ne va pas t’imaginer que tes caprices, tes exaspérations maladives et nerveuses, aient rien de commun avec la mâle indignation, avec l’honnête colère d’un homme convaincu ! Ô Hamlet, prince de Danemark ! comment sortir de ton ombre ? Comment faire pour n’être pas ton imitateur en tout, même dans la honteuse jouissance que l’on éprouve à s’injurier soi-même ?
Dans notre rapprochement, le sentiment personnel a joué un rôle… secondaire, et nous sommes unis pour toujours… « au nom de l’œuvre » ? Oui, au nom de l’œuvre. »
Ainsi pensait Néjdanof, et lui-même ne soupçonnait pas combien il y avait de vrai — et de faux — dans ce qu’il pensait.
Les maisons où on parle trop de vertu sont comme des chambres de malades où on a brûlé des parfums : on peut être sûr qu'il vient de s'y passer quelque chose de pas propre ! Un si fort parfum de vertu c'est suspect !
Où est l'homme qui peut savoir d'avance avec certitude ce qui plaît à un coeur de jeune fille, ou deviner ce qu'elle désire?
Ses opinions ne lui avaient jamais causé d'ennuis, parce que toutes les autorités, disait-il, sont achetées à deniers comptants par moi, tous les joints sont calfeutrés, toutes les bouches sont fermées, toutes les oreilles sont bouchées.
Mais il y a de fort en nous que ce qui reste en nous mêmes et pour nous mêmes un secret à demi entrevu.