Citations sur Nevermoor, tome 2 : Le Wundereur (12)
Morrigane Crow sauta du Pébroc Express en claquant des dents, les doigts gelés autour de la poignée de son parapluie. Faisant de son mieux pour lisser sa longue chevelure emmêlée par le vent, elle se dépêcha de rattraper son mécène qui, ayant déjà plusieurs mètres d’avance sur elle, fendait la foule tapageuse sur la grande artère du district de Bohème.
- Attends-moi ! lui hurla-t-elle.
Elle se faufila entre des femmes en robe de satin et cape de velours.
- Jupiter ! Ralentis !
Jupiter se retourna sans pour autant s’arrêter.
- Je peux pas, Mog. Ralentir n’est pas inscrit à mon répertoire. Rattrape-moi.
- Ah les décapitations et les étrangleurs, ça ne vous fait pas peur, alors ? Dit Franck, le regard pétillant. Bien, voulez-vous entendre une chanson sur le... Wundereur ?
-"Revenir avant l'aube, sain et sauf et en un seul morceau."
Enfin, mademoiselle Crow ! s'esclaffa-t-il, le visage s'éclairant devant toutes les perspectives qui s'offraient à lui. Nous appartenons à la Société Wundrous. Nous pouvons devenir tout ce que nous voulons !
Morrigane secoua la tête, tentant sans succès de retenir le sourire qui naissait au coin de ses lèvres. Elle sentit la chaleur monter dans sa poitrine, comme une douce lueur, comme si un chat s'y était lové et s'était mis à ronronner de bonheur. C'était sa première fête d'anniversaire.
- Nous voici à la station des Initiés, la plus ancienne station de Wunderground de Nevermoor, annonça Mlle Ravy. La plupart des gens ignore qu'elle se trouve ici même, sur le campus du Sowun, au coeur de la Forêt Pleureuse.
Mais elle se dit qu'elle pourrait peut-être adhérer aux Introvertis totalement anonymes, qui promettaient "aucune réunion ou aucun rassemblement d'aucune sorte."
- Neheran dunas flor ! cria Hawthorne à une élève qui passait en la saluant de la main.
- Super, dit Mahir avec un sourire satisfait. Ta prononciation était parfaite.
- Ça veut dire quoi ?
- T'as une tête de cul.
Hawthorne en recracha son lait, et le liquide dégoulina de son menton alors que les autres éclataient de rire.
- Tu rigoles ?
- C'est mon langage d'amour favori.
Vous pouvez m'appeler Maîtresse Biennée, ou Maîtresse Initiatrice. Ne m'appelez ni madame Biennée, ni mademoiselle Biennée, ni professeur Biennée, ou Mère, ou Maman, ou Mama, ou tout autre dérivatif de ce genre. Je ne suis pas votre mère. Je ne suis pas votre nourrice. Je n'ai pas de temps à consacrer à vos problèmes puérils. Si vous avez un souci, vous pouvez en parler à la Conductrice de votre unité, ou l'enfouir aux tréfonds de vous-même où il ne vous tracassera plus. Me suis-je bien fait comprendre ?
- C'est quoi, les bonbons ? demanda Jupiter.
- Oh, comme d'habitude, dit Frank. Des squelettes en gélatine. Des asticots en gomme à mâcher. Des yeux en chocolat.
- Et les sorts ?
- Je pensais les plaquer au sol et leur raser les sourcils.
Jupiter poussa un soupir.
- Non, Frank.
- Du goudron et des plumes alors ?
- Absolument pas.
- Des tatouages sur le front ?
Jupiter gonfla les joues et souffla bruyamment.
- Ne pourrait-on pas imaginer quelque chose qui n'entaînerait pas de poursuites judiciaires ?
Le visage de Frank s'assombrit un peu et il haussa les épaules.