AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Alain-Mascaro


"L'invention de Louvette" est une merveille!

Ne passez pas à côté de ce premier roman! Surtout pas! Ce serait dédaigner la beauté.

L'Amérique centrale, les tropiques, un foisonnement à la Gabriel Garcia Marquez, un personnage incroyablement attachant, la guerre civile, la merveilleuse présence du monde!

Je crois que c'est ce qui m'a frappé de prime abord dans ce roman: l'attention portée aux choses, à leur existence; et la capacité à les restituer avec des mots simples. N'est-ce pas cela, le style?

Écoutez un peu:
"D'abord il y a les choses et leur mirobolant mystère. Les choses sont là, dans leur magie et leur insignifiance. Plus tard, les choses se drapent de mots. Table! et la table est. Fantôme! et il ne viendrait à l'idée de personne de douter du fantôme. Rose! et la rose caresse, pique et parfume. Une joie diffuse envahit Louvette lorsqu'elle comprend que les choses existent, s'étendent, caracolent et s'éloignent en dehors d'elle. Un point virevolte dans la pièce. Il s'approche. Fringant, il porte une armure cuivrée: scarabée! et le scarabée s'en va. le monde des choses est ainsi fait, de fulgurances et de rendez-vous manqués. On nomme les choses parties sans espoir de retour: c'est grâce à la nuit que Louvette apprend à nommer le jour."

"On nomme les choses parties sans espoir de retour"
Et pourtant... Gabriela Trujillo fait montre d'une incroyable capacité à retrouver l'enfance, à lui redonner vie, sans doute parce que l'enfance est encore là, jamais partie. Sans nostalgie aussi, puisque rien n'a jamais vraiment disparu, ni bien ni mal, même s'il a fallu lentement les exhumer...

Louvette est née d'une convulsion de la terre. 7,3 sur l'échelle de Richter. Pas vraiment désirée, on ne sait trop quoi faire de cette sauvageonne. On la délaisse. Elle se construit au contact des choses, des animaux, de sa nourrice et du pêcheur Santiago. A l'école, elle apprend le français...

J'ai toujours été fasciné par ces écrivains qui ont bâti leur oeuvre dans une langue qui n'était pas la leur: Conrad, Nabokov, Gary... Ils ont su "faire des enfants dans le dos" à leur langue d'adoption, trouver de nouvelles images, ouvrir de nouvelles voies. Et c'est bien ce que fait Gabriela Trujillo. Elle redonne à la langue française une pureté et une transparence rarement atteintes. C'est simplement beau. A rire et à pleurer. D'une densité aérienne. Ses mots touchent la vérité même des êtres et des choses, atteignent ce fonds commun aux hommes qui fait que, parfois, nous nous reconnaissons dans une enfance pourtant aux antipodes de la nôtre...

Il paraît que ni le soleil ni la mort ne se peuvent regarder en face. Louvette a fait les deux. Gabriela Trujillo aussi.
Lisez "L'invention de Louvette", vous comprendrez!


Lien : http://alainmascaro.eu
Commenter  J’apprécie          21



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}