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Citations sur Migrations (8)

Par ses ardeurs elle cherchait à lui rendre la séparation plus dure pour que chaque jour il désirât revenir.
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[...] ... Il n'y avait rien d'étonnant si, ce soir-là, [Pavle] Issakovitch rejoignit la maison de Kleinstädter tout hagard et tout affolé, sans que personne sût d'où il venait.

Pendant son retour du Schlossberg, une pluie fine tombait et les nuages étaient descendus si bas qu'il passa inaperçu.

Il ne pouvait s'endormir, même après s'être séché et couché. Tel un spectre, il se mit d'abord à arpenter sa chambre, marmonnant, se parlant tout seul, comme devenu fou, ensuite à engueuler [son cousin] Yourat bien qu'il n'y eût personne dans sa chambre et que Yourat fût loin. Yourat se moquait de lui et demandait : "Est-ce cela, ton chemin de Russie, échalas ?"

Et Issakovitch de crier fort : "Compte, gros, compte ! Combien des nôtres sont-ils en prison ? Compte, gros, compte : combien des nôtres sont-ils enterrés ? Peux-tu me dire le nombre de têtes d'enfants égorgés que personne dans ta Chrétienté n'a pleurés et dont tu pourrais construire une route de Vienne à Istanboul, éclatante de blancheur ? Tu pourrais paver jusqu'à Vienne la voie impériale avec nos os, pour qu'ils reflètent la blancheur à chaque tombée du crépuscule. Tu pourrais même la border de nos crânes, suivant les plans du comte Mercy !

"Que dis-tu, gros, de tous les outrages subis, de toutes nos mères et nos fillettes violées, de toutes nos accouchées frappées au ventre ? Souviens-toi de nos vieilles qui attendaient, les yeux éplorés, devant les prisons de Komoran, de Marbourg, de Salonique et de Smyrne. A-t-on eu pitié d'elles ? Leurs fils ne leurs sont jamais revenus. Compte-les, décompte-les, si tu peux ! Combien étaient-ils ? Combien de nos mères avaient-elles pleuré et gémi ? Avaient-elles été entendues ?

"Oui, gros, nous avons servi fidèlement qui l'Autriche, qui Venise, qui la Turquie. On a parlé de nous, nous avons eu le panache, n'est-ce pas ? Mais toute notre gloire serbe n'est qu'une gloire de mercenaire. Nous a-t-elle tourné la tête ? Eh, dis donc, il paraît que nous avons peuplé toutes les prisons de la terre, jusqu'à Haïfa et même en Egypte. Partout, nous, Serbes, on est des coupables ! ..." [...]

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[...] ... A cette époque, vers la moitié du XVIIIème siècle, l'Orient avait été repoussé loin de Vienne après les guerres turques, récemment terminées. La Sublime Porte n'avait plus qu'une fenêtre d'où elle pouvait lorgner vers les terres autrichiennes et l'Europe : Kalémégdan, la forteresse de Belgrade.

A dire vrai, les armées turques s'accrochaient encore, avec leurs dernières forces, aux rives de la Mer Noire, face à l'Empire des Tsars, mais les tambours des janissaires s'étaient tus là-bas aussi. Les drapeaux des pachas turcs flottaient encore, mais délavés par les pluies et les vents. Plus de sang nouveau pour les rafraîchir. L'Orient islamique n'avait plus d'armée capable de franchir le Danube.

Cependant, si l'Impératrice d'Autriche pouvait à présent dormir tranquille, avec le croissant absent du ciel de Vienne mais planant au-dessus du Bosphore et scintillant sur la surface calme de l'eau, elle ne pouvait pas, néanmoins, s'endormir en paix. Frédéric II, le roi de Prusse, que Marie-Thérèse considérait comme un monstre à visage humain, était devenu son ennemi mortel. Elle le voyait, même dans ses rêves, vêtu de son uniforme prussien noir, coiffé de son tricorne français, fixant sur elle ses grands yeux fous, effrayants, d'un bleu profond.

Après tant de guerres, l'Orient du Prophète n'était plus qu'un sultan d'opérette, mais à sa place dans les lignes de front contre les Habsbourg, marchait maintenant ce nouvel ennemi, bien pire, bien plus affreux et bien plus proche.

Un nouveau joueur avait pris place à la table de pharaon, entre les Impératrices russe et autrichienne et les rois de France et d'Angleterre. Dans ce jeu, on gagnait des pays entiers et on perdait des soldats par centaines de milliers, cadavres ensanglantés gisant sur des champs enneigés. On enterrait vivants les blessés russes pour qu'il y en eût moins dans la bataille suivante.

Ce roi de Prusse à cheval, botté de cuissardes, n'avait jamais réussi ni à tranquilliser, ni à charmer l'Impératrice d'Autriche. Il lui répugnait même comme homme. Comme les mâles d'un certain genre répugnent aux femmes qui sont de bonnes mères. Et Marie-Thérèse avait mis des enfants au monde - seize. Les guerres entre l'Empire autrichien et la Prusse étaient pires que les guerres turques.

Il ne s'agissait plus de guerres pour des contrées lointaines, balkaniques, ou pour le partage de la Hongrie. Les frontières de l'Empire étaient maintenant en question, voire l'Impératrice en personne.

Le salut de l'Autriche résidait dans la nouvelle armée russe que Pierre le Grand avait créée et léguée à sa fille. L'alliance avec la Tsarine était devenu l'axiome politique de la chancellerie aulique de Vienne.

Il fallait donc supporter, le plus longtemps possible, les insolences de l'ambassadeur de Russie à Vienne.

Quant à la nation serbe, rétive et schismatique, elle avait été la bienvenue avec son patriarche, ses moines, ses popes et sa cavalerie tant qu'avaient duré les guerres turques. Elle avait, tout comme le peuple croate, imbibé de son sang les contrées méridionales de l'Empire et disséminé ses ossements de par l'Europe. Douze ans plus tôt, à la fin des guerres turques, l'armée autrichienne comptait plus de quatre-vingt-mille hommes dont plus de la moitié étaient des Serbes.

Mais ces temps étaient révolus. ... [...]
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Dans cette nuit qu'est notre vie, seule la gaieté brille.
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Isakovic ne voulait pas regarder le bonheur des hommes. Il lui était devenu encore plus écœurant que leur malheur.
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Il était de ces gens qui, en rêvant, enjambent allègrement les precipices et échappent aux balles quand on tire sur eux.
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De nouveau, le fossé entre l'espérance des êtres et leur vie réelle rendait malade le très honorable Isakovic. De nouveau, il était perplexe devant une réalité qui se révélait toujours autre que ce que les hommes souhaitaient qu'elle fût. Une réalité dominée par l'imprévu mais qui, qu'on le veuille ou non, était le résultat de leurs souhaits contradictoires.
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Elles préféraient rester là où l'on donne des noms d'étoiles aux chevaux.
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