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Citations sur Poèmes humains (26)

Pierre noire sur pierre blanche

Je mourrai à Paris avec un orage,
un jour dont je me souviens déjà,
Je mourrai à Paris - et je ne recule pas -
peut-être un jeudi, comme aujourd'hui, en automne.

Ce sera jeudi, car aujourd'hui, jeudi, comme je prose
ces lignes, j'ai mis mon humérus de mauvaise humeur,
et, aujourd'hui comme jamais auparavant, j'ai fait demi-tour,
avec tout mon chemin, pour me voir seul.

César Vallejo est décédé ; ils n'arrêtaient pas de le frapper,
tout le monde, même s'il ne leur fait rien,
ils le lui ont donné dur avec un gourdin et dur

aussi avec une corde; les témoins sont
les jours du jeudi et les os de l'humérus,
la solitude, la pluie, les routes. . .
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QUE M'IMPORTE…


Que m'importe, si je me fouette avec la ligne
et croit que le point me poursuit en courant ?

Que m'importe, si j'ai posé sur mes épaules
un œuf en place de manteau ?

Quelle importance, si je vis ?
Quelle importance, si je meurs ?

Que m'importe, si j'ai des yeux ?
Que m'importe, si j'ai une âme ?

Que m'importe, si s'achève en moi mon prochain
et s'ouvre sur ma joue le registre du vent ?

Quelle importance, si je compte mes deux larmes,
si je sanglote de la terre et suspends l'horizon ?

Quelle importance, si je pleure de ne pouvoir pleurer
et ris du peu dont j'ai ri ?

Que m'importe, si je vis ni ne meurs ?

                           30 octobre 1937
p.223
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AUJOURD’HUI LA VIE ME PLAIT BEAUCOUP MOINS…


La vie me plaît énormément,
mais, bien sûr,
en chérissant aussi ma mort et mon café
en contemplant les marronniers de Paris et leur épais feuillage,
et en disant :
Là, je vois un œil ; et là, c'en est un autre ; ici, un front, ici un autre…
Et en répétant :
Tant de vie et jamais ne me manque l'air de la chanson !
Tant d’années et toujours, toujours, toujours !

J’ai dit gilet, j’ai dit
tout, partie, angoisse, j’ai dit presque, pour ne pas pleurer.
Car c'est vrai, j’ai souffert dans cet hôpital, tout près d'ici,
et c’est bien et c’est mal d’avoir examiné
de bas en haut mon organisme.

J’aimerai toujours vivre, même à plat ventre,
parce que, comme je le disais et le répète,
tant de vie et jamais ! Et tant d’années,
et toujours, énormément, toujours, toujours toujours !

                                        1931-1932

p.97
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Sous les peupliers
pour José Eulogio Garrido


Comme des poètes sacerdotaux emprisonnés,
les peupliers de sang se sont endormis.
Sur les collines, les troupeaux de Bethléem
mâcher des arias d'herbe au coucher du soleil.

L'ancien berger, qui frissonne
aux derniers martyres de la lumière,
dans ses yeux de Pâques a attrapé
un troupeau d'étoiles de race pure.

Formé à l'orphelinat, il descend
avec des rumeurs d'enterrement au champ de prière,
et les cloches des moutons sont assaisonnées d'ombre.

Il survit, le bleu déformé
en fer, et dessus, des pupilles enveloppées,
un chien grave son hurlement pastoral.
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ÉPÎTRE AUX PASSANTS


Je renoue avec ma journée de lapin,
ma nuit d'éléphant au repos.

Et je me dis en moi-même :
là est mon immensité brute, torrentielle,
là est mon poids si léger qu'il me cherche au sol pour me faire oiseau ;
là est mon bras
qui, lui, refuse d'être une aile,
là sont mes saintes écritures,
là mes testicules en émoi.

D'une île lugubre je naîtrai à la lumière continentale,
tandis que le capitole s'élèvera sur ma défaite intime
et que l'assemblée en armes fermera mon défilé.

Mais quand je mourrai
de vie et non de temps,
quand seront enfin deux mes deux valises,
là sera mon ventre, où tenait ma lampe en morceaux,
là sera cette tête qui expiait les tourments de mes pas circulaires,
là sera chaque ver que mon cœur comptait un par un,
là sera mon corps solidaire
veillé par l'âme individuelle ; là sera
mon nombril où je tuais mes poux de toujours,
là sera ma chose, chose, ma chose épouvantable.

Entre tant, convulsif, âpre,
mon mors renaît,
souffrant comme je souffre du langage direct du lion,
et puisque j'ai vécu écrasé entre deux briques,
je renais moi aussi, et mes lèvres sourient.
                                  1932

p.107
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PRINTEMPS TUBÉREUX


C'est le temps où, trainant, vigoureux, ses misères
en sens contraire de ma splendeur d'antan,
le printemps exact au bec de vautour
ajuste son cothurne à ma claudication sans talon.


p.109
/Traduction de François Maspero
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