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Critique de mesrives


Arctique solaire de Sophie van der Linden, lumières polaires pour Anna Boberg, capturer les reflets changeants, éclats ou traînées de couleurs, délavés ou vifs, peindre les blancs diffractés de l'hiver arctique, et les poser sur la toile…

Printemps 1901, Arctique solaire, coup de coeur pour les îles Lofoten à leur arrivée pour Anna Boberg et son époux Ferdinand, architecte de renom à Stockholm. L'attraction est violente, saisissante, Anna Boberg est littéralement envoûtée par cet archipel, une osmose irrésistible va pour toujours la lier à ces lieux, ces montagnes, ces lumières. Les Lofoten, un monstre minéral posé sur l'eau qu'elle va apprivoiser, aimer en s'en imprégnant jusqu'au crépuscule de sa vie. Une trentaine d'années à essayer de saisir le bon angle, la bonne attaque, la ligne parfaite mais surtout à choisir les nuances de couleurs pour donner vie au massif du Store Molla et à ses glaciers. Des séjours hivernaux dans des conditions extrêmes en solitaire.

Hiver 1931, Anna Boberg installée dans un compartiment de train s'éloigne de la station de Stangen abandonnant son époux pour rejoindre les Lofoten: temps de la souvenance, appuyée à la fenêtre elle se rappelle, se souvient comment une jeune fille de famille aisée, éduquée, a réussi à s'envoler, s'affranchir des codes de la société, s'épanouir dans l'art, et devenir à présent sur les Lofoten la femme au pantalon, couverte d'un manteau en fourrure de phoques qui crapahute, déambule, vogue, accompagnée de son chevalet nomade. Mais nous voici bientôt à Trondheim où Anna va prendre le bateau postal pour cet ultime séjour hivernal aux Lofoten qui cette fois débute bien avant que la nuit polaire ne s'installe et que le jour ne renaisse, elle veut saisir les aurores boréales déchirant la nuit.

Saison de la pêche, du froid et des tempêtes, l'auteure restitue l'ambiance animée des ports dans lesquels Anna évolue au cours de ses pérégrinations hivernales sur les Lofoten au milieu des marins, des odeurs des têtes de poissons pourris brossant ainsi un tableau très réaliste de la vie îlienne au début du XX ème siècle. Elle nous fait partager aussi son isolement où dans les moments les plus froids sous l'emprise de la solitude et de la nostalgie l'artiste trouve refuge depuis sa cabane dans ses souvenirs méridionaux pour se réchauffer et réfléchir à son processus créatif pictural d'autodidacte, elle, la grande admiratrice de Claude Monet et l'amie intime de Sarah Bernardt. Des réminiscences qui toujours la ramènent à la lumière, à la manière de la capturer pour la rendre palpable sur la toile. Et pour le lecteur des parenthèses qui éclairent son parcours d'artiste et son chemin de vie.

La construction narrative nous permet de toucher à l'intimité de l'artiste par le biais de conversations imaginaires avec son époux. La relation quasi fusionnelle que dépeint Sophie van der Linden laisse transparaître la complicité du couple et la reconnaissance infinie qu'Anna Boberg lui voue. Leurs échanges incessants permirent ainsi à Ferdinand de penser et édifier la cabane de Fyrö, son futur atelier. Un soutien précieux qui ne la guérit pas du mépris des critiques d'art suédoise alors que son talent est reconnu à Paris, en Italie.

Une immersion subtile captant ses gestes créatifs qui nous convie à l'exploration et observation d'études, de vues, des instants de création, des accouchements, parfois impulsifs, esquissant une artiste en attente de fulgurances, telles les étincelles soulevées par la queue du renard dans le ciel nocturne, mais toujours une artiste acharnée, assaillie de doutes.

Arctique Solaire ou obsessions boréales, l'un ou le dernier séjour d'Anna Boberg aux Lofoten qui retrace l'histoire et le quotidien d'une femme artiste dans des conditions extrêmes comme Carsten Jensen dans le dernier voyage pour le peintre de marines danois Jens Erik Carl Ramussen (1841-1893) fasciné, lui, par le Groenland dont Anna semble méconnaître l'existence.

Avec Arctique Solaire, Sophie van der Linden éclaire le profil d'une artiste restée très longtemps dans l'ombre, celui d'Anna Boberg (1864-1935), peintre paysagiste, une artiste autodidacte, libre, passionnée, grande voyageuse, amoureuse des îles Lofoten, de leurs contours et de leurs paysages.

Aujourd'hui il est possible de voir deux de ses toiles au Musée d'Orsay à moins d'avoir la chance de visiter le Musée national de Stockholm où Sophie van der Linden a découvert Anna Boberg.

Une parenthèse solaire et poétique. Un voyage lumineux. Une lecture bonheur.
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