Citations sur L'incertitude de l'aube (14)
"Les oiseaux alors s'envolent,
Comme mille flammes folles,
Puis, formant un anneau de feu,
Ils s'éloignent dans les cieux.
L'oiseau...."..
J'ouvre les yeux, rien n'a changé. Puanteur et chaleur. Sont dans un bateau. Personne ne tombe à l'eau. A l'au-delà. A l'eau de la fontaine. Croquemitaine.
Si j'avais encore des larmes, j'en ferais un ruisseau, comme Alice. Une mer, un océan, tous les océans de la planète réunie. Et je me noierais dedans en faisant exprès, en battant des mains pour m'enfoncer, m'enfoncer dans l'eau et y rester. Toujours. De mes larmes je vous ai abreuvés, Sans dormir la nuit, Sans dormir le jour.
Anushka, ta richesse, c’est ce que tu as dans la tête, tu comprends. Ce que tu as dans la tête, personne ne pourra te le voler. Tous tes souvenirs, ils sont à toi, pour toujours. Tu peux les visiter à chaque instant, où que tu sois, les saisir à pleine main. Ils font partie de toi, c’est la seule chose qui ne pourra jamais t’être enlevée.
Je comprends, Grand-Père, je comprends, maintenant.
J'ouvre les yeux. Par les fenêtres, je m'aperçois que la nuit blanchit doucement. De minute en minute, le jour arrive et remplace l'obscurité. Je mets ma tête entre mes genoux en comptant jusqu'à mille et, lorsque je la relève, le ciel est encore un tout petit peu plus clair. C'est la première fois que je vois le matin arriver. Je ne pensais pas que cela se faisait si lentement, si précautionneusement. A un moment donné, d'un seul coup, des oiseaux commencent à chanter dans les arbres de la cour. Une nouvelle journée arrive. Elle sera différente. Il le faut.
Il faut que je dorme. Il faut que je suive l’un des points lumineux du noir qui n’est pas noir derrière les paupières, que je coure après. Comme dans la Voie Lactée. Encore. Ce n’est pas pratique cette position, pour chasser les mauvaises pensées. Si je pouvais me redresser, je les laisserais au sol. Mais elles font une flaque qui est juste là, sous ma tête.
Miléna fait sortir d'entre nous deux, complètement écrasées, nos fleurs maintenant fanées. "On dit que c'est des chips ?" Je lui souris, on prend un pétale chacune. On est d'accord : il faut qu'on le fasse en même temps. Tout doucement, on approche le pétale de nos lèvres. C'est doux. Petit à petit on ouvre les lèvres, on glisse le pétale sur la langue et, ensemble, d'un coup sec, on referme la bouche. Et on mâche. Ca n'a aucun goût, c'est fade. Mais on mâche. Et ça fait un tout petit quelque chose qui arrive dans l'estomac. Comme les fraises des bois. Comme le Petit Jésus en culotte de velours. Qui aurait mis sa culotte à l'envers, dans le sens où ça râpe.
J'ouvre les yeux, rien n'a changé. Puanteur et chaleur. Sont dans un bateau. Personne ne tombe à l'eau. A l'au-delà. A l'eau de la fontaine. Croquemitaine.
J'ouvre les yeux, rien n'a changé. Puanteur et chaleur. Sont dans un bateau. Personne ne tombe à l'eau. A l'au-delà. A l'eau de la fontaine. Croquemitaine.
Et je vois. Je vois une larme qui se forme au rebord de son oeil. L'eau monte, monte. Et soudain, quand elle est trop haute, la larme passe par-dessus bord. S'accroche aux cils un bref instant. Et coule, lentement, sur la pommette. Je regarde Miléna, je ne peux détacher mes yeux de cette larme qui continue sa course sur sa joue. Si j'attends, elle va parvenir à la mâchoire et tomber dans le vide. Je pose ma main sur sa nuque. Pour la consoler. Pour prendre appui. J'approche mon visage vite, avant que la larme tombe. Et je plaque ma bouche sur sa joue. La joue rouge, chaude et salée de mon amie. J'entrouvre à peine les lèvres. Et j'aspire. Cette minuscule goutte de rien du tout. Il en faudrait d'autres. Je lui fais un baiser. Pour que Miléna ne se fâche pas de ce que je viens de faire. Ca la calme. Elle essuie ses yeux avec le dos de sa main. C'est foutu, les larmes sont écrasées. Elle m'a fait un petit sourire. De rien du tout.
Détonations. Longues et profondes. Deux. Puissantes.
Me déchirent les oreilles. Poussières et matières tombent dru. Sur moi. Inerte.
D'autres s'en mêlent. Courtes et claquantes.
Tirs et explosions. Tonnerres et éclairs.
La vase est secouée, ébranlée. Elle m'engloutit dans ses hoquets. Resserre son emprise. Me pétrifie.
Eclats de lumières.
Jaune, rouge, bleue.
Gerbes incandescentes. Déluges de feu. À la fin, il y a le feu.