Elle avait envie de hurler : survivre ne me suffit pas ! Parque qu'elle ne supportait plus ce corset de la peur. Elle se sentait limitée, obligée, détournée. Elle ne voulait plus avoir à penser à l'argent, et à sa retraite, et aux prédictions, et aux chiffres de vente. Elle ne supportait plus de devoir. Elle avait besoin de pouvoir. Et de créer.
Quelqu'un crie dans le rêve de Sarah.
Ensuite, elle est dans sa chambre.
Les aiguilles du réveil pointent "en bas, en bas", et Sarah sait que cela veut dire qu'elle doit rester encore un peu au lit. Cela signifie aussi que maman vient de se lever et d'allumer la bouilloire. L'eau est toujours chaude pile au moment où elle finit de se maquiller. Quand elle vient réveiller Sarah, elle sent bon le parfum et est déjà prête pour le travail, sauf qu'elle a encore ses chaussons-lapins roses, parce que les chaussures à talons, celles qui "font un peu mal au pied, ma chérie", attendent le dernier moment, sur le paillasson de l'entrée.
(Incipit)
ça ne va pas du tout lâche alors Sara.
La façon dont tout cela fonctionne n'a aucun sens ; on a la possibilité de tout créer, tout montrer ; et on hésite, on soupèse, on compte les spectateurs, et les ro-livres ; on me dit que mes idées vont choquer, qu'on va perdre du public, qu'il faut parler à tous, offrir du divertissement, ne pas être trop clivant, ne pas être trop politique, ne pas être trop effrayant, ne pas être trop abstrait, ne pas être... ne pas être... Eva, je n'aime pas ce que je fais !