Mais quelle est cette créature ?
Une entité à la conscience qui frôle un état borderline ne s'abreuvant que de son mari. Entre eternels débats et combats avec elle-même, elle lessive son couple au détergent , repasse et ressasse en boucle chaque parole, chaque geste de son mari.
Elle est amoureuse, vit l'amour qui rend triste par peur de le perdre.
D'une passion qui ne faiblit pas, elle note, apostille, enregistre, liste et souligne chaque détail qui rythmera sa journée, chaque heure, chaque minute.
De fulgurance en fulgurance elle torpille son mariage, neutralise son instinct, enterre son authenticité pour devenir la femme parfaite.
" je suis amoureuse de
mon mari. Mais je devrais plutôt dire: je suis toujours amoureuse de
mon mari.
J'aime
mon mari comme au premier jour, d'un amour adolescent et anachronique.
Je l'aime comme si j'avais quinze ans, comme si nous venions de nous rencontrer, comme si nous n'avions aucune attache, ni maison ni enfants.
Je l'aime comme si je n'avais jamais été quittée, comme si je n'avais rien appris, comme s'il avait été le premier, comme si j'allais mourir dimanche.
Je vis dans la peur de le perdre. Je crains à chaque instant que les circonstances tournent mal. Je me protège de menaces qui n'existent pas.
Mon amour pour lui n'a pas suivi le cours naturel des choses: la passion des débuts ne s'est jamais transformée en un doux attachement. Je pense à
mon mari tout le temps, je voudrais lui envoyer un message à chaque étape de même journée, je m'imagine lui dire que je l'aime tous les matins, je rêve que nous fassions l'amour tous les soirs. Je me retiens de le faire, puisque je dois être une épouse et une mère. Jouer à l'amoureuse n'est pas de mon âge. La passion est inappropriée avec deux enfants à la maison, hors de propos après tant d'années de vie commune. Je sais que je dois me contrôler pour aimer. "
Maud Ventura écrit un premier roman sur un thème récurrent, l'amour et la passion enrobés d'une couverture vintage aux tons pastels ; tout etait réuni pour me faire croire à un énième livre feelgood à l'eau de rose.
Et pourtant à l'inverse des pochettes surprises, l'emballage n'a rien de représentatif.
"
Mon mari" est un feu d'artifice libérant chaque couleur de la semaine associée à l'humeur du jour, de la poudre combinant doigté et dissimulation, une déflagration d'humour et de truculences.
Phèdre à trouvé sa contemporaine, celle du millenaire est devenue une femme aimée qui pourtant rêve de vivre son amour à sens unique afin de ne pas souffrir.
Une femme qui ne recule devant rien pour entretenir son couple, pied de nez incroyable dans une société dans laquelle le patriarcat devient une cible de choix, la ménagère une insulte suprême.
Désormais, ce livre bouillonnant et explosif met en lumière une psychologie aux antipodes de la pensée féministe actuelle caracolant à tout vent.
De ce fait, "
Mon mari" est cet esprit grinçant et dissonant et
Maud Ventura ne donne pas dans la sobriété, au contraire, elle assiége toute pensée, décrypte la passion, se rapproche au plus près de la souffrance et de l'aliénation du coeur, le tout servi par une écriture désopilante et déroutante.
Machiavélique et malin jusqu'à un final renversant , ce roman est jouissif tant par sa maîtrise que sa singularité.
Un pur régal, un thriller psychologique incroyablement mené qui devient un véritable coup de coeur.