" Malheureusement, la vie va s'occuper de toi, ma petite fille. Personne n' y coupe..."
"- Trop vieille ? A quinze ans ? Tu as été vieille très jeune alors ! "
"Ma mère est une experte en soupirs. C'est un truc qu'elles se repassent de mère en fille. Ma mère fait partie de ces gens qui vont faire un tour plutôt que de dire ce qu'ils ont sur le coeur. Si elle pleure, c'est en cachette. Elle encaisse, ma mère. Elle se résigne. Elle capitule. Elle plie. Elle s'ajuste. S'adapte. Prend la place qu'on lui laisse ou qu'on lui désigne."
"A nous trois, on est les pionnières de rien du tout."
Là, je m'étends, et j'ouvre le vieux bouquin ramassé en partant. Je l'ai pris sur l'étagère où Jamie a stocké les "livres de la plage". Ce sont les bouquins qu'on peut abîmer, perdre, mouiller, salir. Celui que j'ai pris est énorme, il s'appelle La mère. ça doit être chiant, mais j'aime bien la couverture : c'est un mignon bébé chinois sur le dos de sa mère.
La nuit, on ne voit que la lumière des choses.
Les rapports entre mamère et ma grand-mère sont une sorte de cauchemar : on dirait qu'elles se courent après dans un labyrinthe pourri dont toutes les sorties sont bouchées.
Sa vérité vaut mieux que tout. Parce que c'est ça que j'attends, en fait. Un truc vrai. Un truc dur sur lequel tu te casses peut-être les dents, mais sur lequel tu peux aussi t'appuyer pour te relever et poser les pieds pour avancer.
On est conne les américains, on a un Viet Nam, nous aussi. Une guerre qui bouffe les soldats, qui grignote leurs femmes, une guerre qui veut prendre aussi leurs bébés, et qui dévore encore et encore tout le monde pendant des générations. Elle dure jusqu'à quand, la guerre ? Jusqu'à aujourd'hui ?