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Critique de migdal


Michel Houellebecq en proclamant « Je me sens mieux depuis que j'ai découvert Marin de Viry », m'a incité à acquérir simultanément Anéantir et L'arche de mésalliance.

S'inspirant des « précieuses ridicules », c'est une satire de la langue de bois pratiquée par les cabinets conseils et de la foire d'empoigne de leurs dirigeants pour conquérir un pouvoir aussi futile que précaire.

Dans le quartier de la Défense, à l'ombre de sa grande arche, les Big Four déploient leurs efforts pour conquérir de nouveaux comptes clés puis les fidéliser en leur distillant des conseils rédigés dans une prose incongrue, politiquement correcte, prudemment précédée d'un « disclaimer » niant par avance toute responsabilité.

Pimentez le tout d'une dose de RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) ou mieux de RSO (Responsabilité Sociétale des Organisations), incitez l'entreprise à devenir « entreprise à mission », suggérez lui un peu de mécénat et le CEO, ou le COO et le CODIR, ravis d'être à la mode ne discuteront plus le montant des honoraires.

Marius et Priscilla ont ainsi mission de vendre un projet MBP à Sean, le big boss de StyX.

Le tout sous la houlette de Giacomo Moscovit, CEO de MBP, qui en bon Machiavel, divise pour régner et promet simultanément à Marius et Priscilla le poste de COO, signe prémonitoire d'un duel entre l'aristocrate français, et la féministe britannique.

Je ne vais pas dévoiler l'intrigue, qui est d'ailleurs aussi improbable (et donc réussie) que celle des « précieuses ridicules », mais nos modernes Mascarille, Jodelet et Magdelon offrent un rare plaisir de lecture et un regard cruel sur les incohérences des « best pratices » des organisations internationales.

Ayant souvent navigué entre les tours de la Défense depuis bientôt cinquante ans et ayant occasionnellement profité d'un bureau avec vue sur l'araignée de Calder et l'église Notre-Dame de Pentecôte, je me suis régalé en tournant ces pages qui restituent avec beaucoup de vérité les clients, les prestataires et les collaborateurs que j'observe lors de remises de rapports ou autres « Executive Summary ».

Que la lectrice ou le lecteur peu au fait des hiérarchies entre CEO et COO, directeur Exécutif et Non Exec, Associé et Senior Advisor ne s'inquiète pas ; il est inutile de connaitre la nuance entre un baron et un marquis pour apprécier Proust et « A la recherche du temps perdu ».

Un autre volet de l'ouvrage est le combat féministe mais notre romancier, plus optimiste qu'Abel Quentin dans « Le voyant d'Etampes », constate que certaines positions tranchées et psychorigides évoluent (naturellement) vers une position aussi conciliante qu'horizontale.

Marin de Viry conclut en emmenant ses personnages et ses lecteurs sur les traces de Moïse et d'Ulysse. Avant lui, Cicéron écrivait « Si hortum in bibliotheca habes, deerit nihil » … « Si tu possèdes une bibliothèque et un jardin, tu as tout ce qu'il te faut ».

C'est le bonheur que je souhaite aux lecteurs de ce roman caustique et savoureux.
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