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Critique de Renod


Renod
11 décembre 2017
Neuf mois de gestation, le suplice d'un accouchement... Un nourrisson qui survit aux maladies infantiles et aux diverses carences... Apprendre à lire, à écrire, connaitre la préfecture de la Sarthe, le Mont Gerbier de Jonc, une poésie de Ronsard, Jeanne d'Arc... Puis vient l'apprentissage à l'atelier ou à la ferme, la fatigue, les mains calleuses sales de cambouis ou de terre, l'attente du dimanche... Et, une fois arrivé au printemps de sa vie, à la fleur de l'âge, se faire faucher par une balle ennemie dans un champs de betterave. Tout ça pour ça. En quelques instants, n'être plus qu'un corps putrescent, un squelette englué dans la boue, une croix parmi mille autres, un nom sur un monument aux morts honoré chaque année par quelques conseillers municipaux et anciens combattants frigorifiés. Des millions de conscience écrasées par la roue de l'Histoire que plus personne ne semble contrôler. La peur, les poux, la boue, le froid, les torrents d'acier. Pourtant, dans les premiers jours, la guerre avait des airs de fêtes malgré la boule au ventre : fanfares claironnantes, uniformes bigarrés, on compte s'absenter quelques mois pour exsuder cette fièvre revancharde puis revenir pour les moissons ou les vendanges. Pour finir, un immense carnage, la mort industrielle, un Occident qui s'entredévore. Malgré les Arts, la Science, Le Progrès, c'est la bêtise qui détruit tout.

Eric Vuillard pointe ce qu'il y a de contingent, d'arbitraire et d'absurde dans notre Histoire. Si tout a été planifié et quantifié par de méticuleux stratèges, les événements ont suivi un cours retors qui a échappé au contrôle des décideurs. Il sort de l'ombre des faits divers qui ont eu des conséquences sur le cours de la guerre. Il s'empare de personnages historiques, qu'ils soient empereurs ou terroristes, et les anime comme de vieilles marionnettes pendant quelques chapitres pour tenter d'en extraire du sens.

Eric Vuillard se singularise dans ses récits par son art du "contre-pied" pour parler d'un sujet connu, ou que l'on croit connu. Cette guerre, tout compte fait, nous n'en gardons qu'une vague représentation dans nos esprits, un agrégat de vieilles leçons d'histoires, de quelques lectures ou de documentaires diffusés par une chaîne publique. Poilus, tranchées, obus, Verdun, 11 novembre, point final. Aussi ce regard espiègle et cet angle neuf sont-ils salutaires pour nos mémoires assoupies et paresseuses. J'aime son style travaillé et son érudition corrosive. Mais traiter d'un sujet si vaste en si peu de pages est compliqué quand on se plait à épousseter des détails, à extrapoler et à sortir du lot commun. Et c'est pourquoi j'ai eu l'impression d'une fin tronquée. D'ailleurs, l'auteur fait lui-même l'aveu de "bâcler" son récit. Soit au bout du compte, une lecture originale mais partielle de ces événements. Et surtout, si j'ai apprécié l'ensemble des thématiques traitées dans les différents chapitres, j'ai moins bien saisi le propos général ou les idées dominantes à retenir. Mais le danger avec un livre si bien écrit et siintéressant, est peut-être qu'il se lit trop vite...
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