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EAN : 9782330002442
180 pages
Actes Sud (14/03/2012)
3.78/5   150 notes
Résumé :
De l'ambition d'un stratège allemand à l'assassinat d'un archiduc, du Chemin des Dames à la bataille de la Somme, du gaz moutarde aux camps de prisonniers, La Bataille d'Occident alterne portraits intimes et scènes épiques ou émouvantes pour offrir un récit très personnel de la Grande Guerre irrigué d'une érudition et d'une ironie constantes.

Revisitant de manière polémique le premier conflit mondial, cet « Art de la guerre » met en parallèle les stra... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (31) Voir plus Ajouter une critique
3,78

sur 150 notes
Neuf mois de gestation, le suplice d'un accouchement... Un nourrisson qui survit aux maladies infantiles et aux diverses carences... Apprendre à lire, à écrire, connaitre la préfecture de la Sarthe, le Mont Gerbier de Jonc, une poésie de Ronsard, Jeanne d'Arc... Puis vient l'apprentissage à l'atelier ou à la ferme, la fatigue, les mains calleuses sales de cambouis ou de terre, l'attente du dimanche... Et, une fois arrivé au printemps de sa vie, à la fleur de l'âge, se faire faucher par une balle ennemie dans un champs de betterave. Tout ça pour ça. En quelques instants, n'être plus qu'un corps putrescent, un squelette englué dans la boue, une croix parmi mille autres, un nom sur un monument aux morts honoré chaque année par quelques conseillers municipaux et anciens combattants frigorifiés. Des millions de conscience écrasées par la roue de l'Histoire que plus personne ne semble contrôler. La peur, les poux, la boue, le froid, les torrents d'acier. Pourtant, dans les premiers jours, la guerre avait des airs de fêtes malgré la boule au ventre : fanfares claironnantes, uniformes bigarrés, on compte s'absenter quelques mois pour exsuder cette fièvre revancharde puis revenir pour les moissons ou les vendanges. Pour finir, un immense carnage, la mort industrielle, un Occident qui s'entredévore. Malgré les Arts, la Science, Le Progrès, c'est la bêtise qui détruit tout.

Eric Vuillard pointe ce qu'il y a de contingent, d'arbitraire et d'absurde dans notre Histoire. Si tout a été planifié et quantifié par de méticuleux stratèges, les événements ont suivi un cours retors qui a échappé au contrôle des décideurs. Il sort de l'ombre des faits divers qui ont eu des conséquences sur le cours de la guerre. Il s'empare de personnages historiques, qu'ils soient empereurs ou terroristes, et les anime comme de vieilles marionnettes pendant quelques chapitres pour tenter d'en extraire du sens.

Eric Vuillard se singularise dans ses récits par son art du "contre-pied" pour parler d'un sujet connu, ou que l'on croit connu. Cette guerre, tout compte fait, nous n'en gardons qu'une vague représentation dans nos esprits, un agrégat de vieilles leçons d'histoires, de quelques lectures ou de documentaires diffusés par une chaîne publique. Poilus, tranchées, obus, Verdun, 11 novembre, point final. Aussi ce regard espiègle et cet angle neuf sont-ils salutaires pour nos mémoires assoupies et paresseuses. J'aime son style travaillé et son érudition corrosive. Mais traiter d'un sujet si vaste en si peu de pages est compliqué quand on se plait à épousseter des détails, à extrapoler et à sortir du lot commun. Et c'est pourquoi j'ai eu l'impression d'une fin tronquée. D'ailleurs, l'auteur fait lui-même l'aveu de "bâcler" son récit. Soit au bout du compte, une lecture originale mais partielle de ces événements. Et surtout, si j'ai apprécié l'ensemble des thématiques traitées dans les différents chapitres, j'ai moins bien saisi le propos général ou les idées dominantes à retenir. Mais le danger avec un livre si bien écrit et siintéressant, est peut-être qu'il se lit trop vite...
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« Mais même
cet enfer
aura l'air d'un grelot
au gré de ce qui s'approche
la guerre qu'on apprête. »
Maïakovski.


Éric Vuillard ici creuse, dissèque et caractérise précisément le dispositif central du pouvoir à l'oeuvre lors du premier conflit mondial. Il enfonce dans ses pages le douloureux clou de l'Histoire de la domination. Aussi, il analyse et dit avec une énorme érudition ce qui de toute éternité est et sera tu. Il montre la vie réelle des classes supérieures, la médiocrité et l'hypocrisie insigne de leurs pratiques. Il explore pour cela tour à tour les deux versants contrastés de la réalité de la Grande Guerre, narrant les dirigeants extatiques et les enjoints atterrés, détaillant les stratégies militaires fantasmées et les pratiques du champ de bataille concrètes et désastreuses.


La gestation de cette grande guerre tout d'abord dans le récit d'Éric Vuillard semble n'être l'affaire que d'une très vieille et très incapable caste de petits-fils de la reine Victoria. Elle est cela. Chamarrée et à cheval, indifféremment en Allemagne ou en Angleterre, elle commande et rivalise surtout en couleurs, en bons mots et en modes dragonnes. Mais, si longtemps on s'est choisi comme cadre de l'armée dans les très bonnes familles, on modifie un peu les antiques habitudes et on fabrique désormais, comme on produit du canon, de l'officier neuf qui théorise et raisonne. L'enfer qui s'approche est en effet un mélange qui se révélera d'une terrifiante efficacité dans la destruction et le meurtre de masse, un mariage d'héritiers et d'authentiques professionnels, un embrouillamini d'antiques et d'inédits attirails, de costumes anciens et de machines redoutables, d'hommes à faire mourir à grande échelle tout à fait neufs. La gestation de la grande guerre, c'est aussi cela. Assassinés à Sarajevo par un groupe d'adolescents illuminés, l'archiduc François-Ferdinand et sa femme ne forment qu'un insignifiant couple d'opérette encostumé. L'Allemagne assure l'Autriche-Hongrie de son soutien et recommande la plus grande fermeté. le chancelier veut profiter de l'aubaine, il croit le peuple germain abandonné à la sélection naturelle et au choc des civilisations. Un intense réseau d'alliances, combinaison délirante d'intérêts qui noue les castes galonnées les unes aux autres et dissimule le meurtre prémédité de tout un continent, fera le reste. le très militariste et manchot empereur Guillaume II quant à lui, pull marin, foulard de soie et souliers vernis, toujours régate.


Le printemps et l'amour quatorze-dix-huitième de l'entièreté d'une jeunesse vouée à l'extermination du Soi de la vie intime ordinaire, à l'amputation des membres, aux miracles de la chirurgie monstrueuse des faces, à la réjouissance sanatoriale des demi poumons, aux anonymats douaumontais des humérus empilés et des croix alignées, le printemps et l'amour de cette jeunesse-là contraste avec la guerre qu'on arrange. Tout est là, une génération qui s'apprête et l'ignore. Depuis toujours, on la prépare à la mort sous le costume de la gloire et du théâtre. La masse oublie mais elle se souviendra. « le courant nous emporte, nous dit l'auteur. On dit oui, on ne sait dire que ça. (…) On est toujours trop lent à voir ce qu'on aime et à véritablement l'aimer. (…) Quelque chose fabrique tout ce qu'il faut. » La bataille de la Somme tout de même : 3500 projectiles d'artillerie par minute et 30 000 victimes durant les six premières minutes.


Il est indéniable que l'entrée dans le siècle dernier a mobilisé dans le monde tout un éventail de moyens pour atteindre dans le meilleur délai certains objectifs. Éric Vuillard en ce sens dévoile dans « La bataille d'Occident » une véritable stratégie des dominants. Dans son acception la plus courante, le terme stratégie désigne en effet le choix des moyens employés pour parvenir à une fin, il désigne l'ensemble des discours, des pratiques, des dispositifs de pouvoir, merveilleusement détaillés en effet dans ce récit, visant à instaurer un nouvel ordre mondial, à commander de nouveaux leaderships, à modifier les règles de fonctionnement économiques, à transformer les rapports de force de manière à imposer des intérêts. Cependant, pour légitime qu'il soit ici, l'usage de ce terme pourrait donner à penser à tort que l'objectif d'un conflit mondial total avec élimination de l'une des parties a été élaboré à partir d'un projet de longue date faisant l'objet d'un choix aussi rationnel et maîtrisé que les moyens et les plans des gouvernants mis au service des objectifs initiaux. Il nous semble au contraire que « La bataille d'Occident » fait apparaitre que le conflit généralisé tel qu'il s'est développé avec ses alliances et ses rivalités n'a pas préexisté à l'antagonisme des impérialismes concurrents, au grand mouvement de l'Occident pour le contrôle et l'exploitation du monde. « Mais le jeu des alliances et des plans militaire est inexorable, nous dit Éric Vuillard. Vus de tout près les hommes ont leurs raisons d'agir ; mais l'addition de celles-ci laisse bientôt deviner d'autres motifs, plus convaincants que le détail des êtres n'a pu qu'ignorer. [La raison du monde] se constitue lentement, d'une manière empirique, propre à sa tournure, à son cours.» « La bataille » montre point par point que des tournants se sont amorcés sous la pression de certaines conditions sans que personne ne songe encore à une guerre de position mondiale et généralisée. Pour tenter de rendre compte de cette émergence de l'objectif à partir des conditions d'un affrontement déjà engagé, il faut l'illimité de la littérature et tout le talent d'Éric Vuillard. de l'ambition d'un stratège allemand à l'assassinat d'un archiduc, du Chemin de Dames à la bataille de la Somme, de l'exode des populations civiles aux camps de prisonniers, il alterne des portraits intimes et des scènes épiques qui ne font pas procéder la grande guerre de la volonté de quelques stratèges ou de l'intentionnalité de quelques sujets. La composition brillante qui affronte deux versants contrastés de la réalité de la Grande Guerre et le talent d'écriture de l'auteur qui dit les êtres et les choses dans le chaos font surgir ici la réalité d'une stratégie sans sujet ou sans stratège.


Ce que montre « La bataille », c'est une certaine logique des traditions et des pratiques guerrières : le mariage inopiné et très prussien du savoir et de la guerre ; le concubinage légers et très gaulois de la gloriole et de la folie des hommes à baïonnette. Alfred von Schlieffen, chef du grand état-major teuton établissant le plan d'une future offensive contre la France, nous dit Éric Vuillard, ne s'intéresse pas aux raisons du conflit, ni même aux autres issues possibles. Il ne sait pas véritablement pourquoi il faut faire la guerre mais il est certain qu'il le faut. L'alliance franco-russe va contraindre l'Allemagne à se battre sur deux flancs, et bien il faudra sans barguigner se débarrasser de la France. La guerre, c'est pour lui un grand jeu, des manoeuvres massives, de larges mouvements d'hommes et de feu, un immense tapis vert où les frontières s'effacent et où les vies s'escamotent. Avec comme héritage la victoire de Sadowa-Helmuth Karl von Moltke et le nationalisme militaire-Karl von Clausewitz, Schlieffen méprise les victoires faciles, tactiques. Il lui faut un bel encerclement, un balayage inouï à l'échelle d'un pays tout entier. Son rêve méticuleux et absurde, c'est de laisser l'Alsace et la Lorraine à l'Est et de passer sans façon sur le corps de la petite demoiselle belge à l'Ouest ; c'est, en s'infléchissant au Sud, d'envelopper Paris et vers le Jura de tenailler virilement toute l'armée française. L'exécuteur testamentaire durant la grande guerre ce sera un membre de la vieille castre, encore un Helmuth von Moltke (le jeune). Ferdinand Foch, à contrario de Schlieffen, est le théoricien de l'offensive à outrance, du plongeon de tous à un seul moment, le penseur de la cascade, du flot sur flot aux conséquences meurtrières assumées. La vie des soldats pour lui compte peu, il faut vaincre. Ce goût immodéré pour la charge est aux français ce qu'est l'encerclement aux germains. Les allemands pénètrent donc en France par Maubeuge, Saint Quentin, Soisson. Les français naturellement les attendent ailleurs et entreprennent de catastrophiques offensives sur Mulhouse, Sarrebruck et de non moins catastrophiques avancées dans les Ardennes. A l'angle de la Sambre et de la Meuse, les pas encore poilus vont voir. Il s'en suit, attaque et contrattaque précédant la retraite, 27000 « Dormeurs du val » et la journée en son temps la plus meurtrière de l'Histoire. Il n'y aura donc pas de cascades françaises cascadant mais pas d'avantage de tenailles allemandes tenaillant. Ces derniers devant occuper le terrain, renforcer le front Est, poursuivre l'ennemi, loin de leur base, s'étalent et faiblissent. C'est à l'Ouest que tombent les premiers coups. La première armée s'éloigne de la seconde tentant de repousser l'armée française. Ce sont toutes les armées allemandes qui se replient sur l'Aisne hormis la première qui est sur l'Ourcq. Alors les soldats se mettent à creuser et leurs tombes sont de plus en plus profondes, solides, continues, elles se figent en une immense nouille de sept cent cinquante kilomètres. On se tue sans se voir. Éric Vuillard montre ainsi que les objectifs d'élimination à grande échelle, de guerre industrielle idoine, de déportations de populations planifiées, qui sont promis à un si grand avenir, se sont constitués au cours de l'affrontement lui-même. « L'usage de la force, nous dit-il, se déchaîne sans raison, entre des peuples qui ne le souhaitent pas et que dirigent des hommes qui peut-être ne le souhaitent pas non plus. »


« La guerre durera encore, nous prévient Éric Vuillard (…) Cet immense fait divers poursuit sa prédication inlassable. (…) Les plans Schlieffen de l'avenir pourront bien prévoir une infinité de variantes et d'accidents, quelque chose résiste à l'emprise des hommes.» « Six mois après avoir envahi l'Ukraine, la Russie envisage d'annexer une partie du territoire qu'elle occupe. de leur côté, les pays occidentaux fournissent au pays agressé des armes toujours plus sophistiquées en même temps qu'ils y envoient des escouades de « conseillers militaires ». Moscou ne veut plus seulement soumettre l'Ukraine, mais la dépecer ; Washington ne veut plus seulement contenir la Russie, mais la vaincre. Rien ne paraît enrayer cet engrenage où chacun des camps, de plus en plus dominé par des partisans de la guerre, pense avoir les coudées franches parce qu'il parie que son adversaire, même acculé, ne commettra jamais l'irréparable pour se dégager. Or des erreurs de pronostic de ce genre peuplent les cimetières. » (« Jusqu'à quand, jusqu'où ? » Serge Halimi LMD Septembre 2022).
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La bataille d'Occident d'Éric Vuillard nous raconte en quelques pages toute l'horreur et l'état d'esprit de la Grande Guerre 14-18. Une bataille qui de nos jours à un ennemi invisible, ce que j'ai retenu de ce livre une phrase toute simple : Quand le malheur arrive les hommes rient : chose que nous avons fait moi y compris croyant que cet ennemi était facile à vaincre et que notre technologie réduirait cette chose a néant. Éric Vuillard est un grand écrivain qui me fait penser à Hemingway qui en quelques mots nous fait comprendre le sens de la vie.
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Comment raconter la guerre et ses origines obscures perdues dans le passé, la bêtise et les passions humaines ? Comment dire «les racines de notre aveuglement face à l'apocalypse» ?

Ce récit d'Eric Vuillard, paru en 2012 de même que «Congo», remonte dans les racines de la première guerre moderne, ce carnage monumental de 14-18 né du passé et de l'enfance d'hommes qui ont l'air de croire qu'ils continuent de jouer. le portrait férocement ironique de quelques chefs militaires et va-t-en-guerre, - le comte Alfred von Schlieffen obnubilé par ses plans de bataille, cette «fantastique armure de papier» qui se consumera au combat, Joffre vexé de ses défaites et qui dès novembre 1914 aura limogé quatre-vingt-douze commandants de division ou encore Bertha Krupp qui visite ses usines en robe de mousseline, avec un joli chapeau plein de bégonias -, nous révèle leur indécence et leur aveuglement.

«Le visage de Schlieffen résume toute l'histoire. La bouche est amère, les paupières lourdes. Sur un portrait célèbre, le comte Alfred von Schlieffen, maigre vieillard aigri, tient – de la main rose et lisse de celui qui n'a jamais planté un clou – le pommeau de son épée. Pourtant des clous, il en plantera dans tous les coeurs, dans toutes les poitrines d'Europe.»

Eric Vuillard raconte la guerre de façon contrastée, dans un matériau qui rappelle «L'Encyclopédie des guerres» de Jean-Yves Jouannais ; les grands chapitres insoutenables côtoient les détails de l'Histoire, telle la trajectoire de la balle de Gavrilo Princip qui tua Sophie Chotek, telle cette journée du 22 août 14 alors la plus meurtrière de tous les temps. La barbarie succède à l'éclosion des jonquilles et des magnolias au printemps 1914, et les métaphores douces et passionnelles et l'humour du désastre, nous font saisir combien l'homme est dépassé par ses propres mouvements et aveugle face au monde qu'il vient de commencer à enfanter.

«Les nations crédules envoyèrent leur jeunesse. Ce fut un carnage. La conscription est le nom de ce déchaînement, de cette terrible générosité des corps, où la jeunesse est envoyée mourir au milieu des champs de betteraves sucrières.»
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Vuillard Eric, - "La bataille d'Occident : récit" – Actes Sud, 2012. (ISBN 978-2330030643)

Il ne s'agit ni tout à fait d'un roman puisque les personnages sont réels, ni tout à fait d'un essai, puisque l'auteur tente d'entrer dans la tête de ces personnages pour les faire parler, pour imaginer ce qu'ils auraient pu dire. Les diverses recensions de ce livre avaient attiré mon attention car elles soulignaient l'une des tendances forts de l'historiographie relativement récente concernant la Première Guerre Mondiale, tendance s'appuyant sur un constat : il n'y eut pas de causes "objectives" réellement sérieuses au déclenchement de ce qui allait être le Suicide de l'Europe, contrairement à ce que proclament les manuels d'histoire classiques, peu avares en grands tableaux et grands discours sur les ambitions coloniales des puissances européennes, les rivalités franco-allemandes, l'économie de ceci ou de cela. Non.

Certains historiens en viennent aujourd'hui à souligner combien cette guerre, la Grande Tuerie, fut délibérément préparée, voulue et déclenchée par une partie de l'élite de chacun des pays belligérants, quel que soit leur camps, en France, Angleterre, Russie, Italie, Allemagne ou Autriche etc. Partant de là, l'auteur tente de rendre compte des sentiments et idées qui pouvaient tarauder certains des responsables directs du déclenchement de la Grande Tuerie. Il commence par von Schlieffen, ce militaire prussien à l'origine du plan d'invasion de la France qui faillit si bien réussir. Il passe ensuite à l'archiduc François-Ferdinand, sa femme Sophie Chotek, et leur meurtrier de Sarajevo, Gavrilo Princip, entouré de ses deux complices. Il met en scène le futur maréchal Joffre, le Kaiser qui collectionne les timbres-poste, le roi George V préoccupé de ses parties de tennis, le tsar Nicolas II se livrant à des régates, le tout dans un style bien sûr exquis.
Après quoi il met en scène des soldats de la base, dans l'affrontement des 21, 22 et 23 août 1914 qui, dès ces premiers jours, vit le massacre de plusieurs dizaines de milliers de jeunes hommes, une hécatombe encore jamais vu jusque-là dans un si court laps de temps.

Le texte devient ensuite plus abstrait, plus général : sa thèse centrale est développée dans les pages 160 à 163. La fin est quelque peu décevante, fort éloignée de l'objet initial même si cela se veut métaphorique.
Je suis un peu déçu, je m'attendais à un essai plus fouillé, et surtout à une présentation beaucoup plus détaillée des membres de cette élite, qui décidèrent de lancer cette guerre pour des raisons purement idéologiques, si ce n'est hélas "idéalistes"...
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critiques presse (3)
Bibliobs
12 juin 2012
Un petit chef-d'oeuvre de style ironique et d'érudition corrosive, bourré de détails qui ne s'inventent pas sur les méticuleux préparatifs de cet «immense fait divers» […].
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Lexpress
02 mai 2012
L'oeil et la plume de l'écrivain éblouissent. Comme sa manière subtile de relire les étapes de la Grande Guerre. De pointer du doigt son vaste gâchis et ce qu'elle a fait naître.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeMonde
23 mars 2012
Ni traité ni roman, La Bataille d'Occident est un récit entièrement consacré au conflit qui a ouvert le siècle en fanfare, jetant au fond du trou des hordes de jeunes gens pleins d'entrain.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
À l'époque, les régiments de dragons forment le gros de la cavalerie française. On y voit tout un attirail de péplum : crinière, pantalons garance, grand équipement de ceinturon. Mais les Autrichiens ont poussé l'art de la guerre et du plumage encore plus loin que les Français ; leurs régiments se reconnaissent à de subtiles nuances de couleur : le cerise, le rose, l'amarante, le carmin, l'écarlate ou le homard. Les Anglais et les Allemands, eux, sont vêtus de kaki ou de vert-de-gris, c'est plus moderne, mais plus triste. Qu'on imagine à présent toutes ces armées couvertes de galons, de panaches, ces tenues de golf mélangées avec le tartan, le kilt, le pompon, ces képis colorés et ces casques à pointe, toutes sortes de hures picardes ou bataves, sifflant, marchant au pas, dans une grande flaque de soleil ! Voilà une guerre qui se prépare, tout un attirail de sottises, un retard inouï, des progrès bien vilains, un héroïsme qui va être broyé par le fer. Car c'est un monde étrange, double : à la fois très ancien, monde de salpêtre et de roses trémières, monde d'éventails et de mauvaises valses, mais aussi le monde des premiers tanks, des obusiers, des premières grandes machines à faire mourir. Les saint-cyriens iront au feu en belle tenue, on verra de jeunes puceaux, casoars et gants blancs, parader quelques jours, avant que les premières rafales de mitrailleuses ne fauchent leurs plumes.
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- En France, Jaurès dénonce les manoeuvres du gouvernement; il ne veut pas de cette guerre où les peuples n'ont rien à faire.Il s'époumone, se fâche, mais il y a dans sa voix une sorte de douceur.Quand, tout à coup, une main apparaît, tenant un revolver ; le doigt presse la détente, la gâchette libère le chien qui heurte.L'amorce pète et le petit cylindre de plomb quitte sa chambre et commence sa course effrénée à la vitesse de presque trois cent mètres par seconde... il pénètre l'os...Et ça traverse la cervelle, ressort, mettons par le front, là où se trouve la mystérieuse grotte qui pense.
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En Lorraine, dans les Ardennes, de toutes parts les corps qui avaient mis tellement de temps à grandir, à pousser, à avoir des mèches de poils sous le menton, eurent tôt fait d'être couchés dans l'herbe. On vit une cascade de corps humains. Jamais les guerres du passé (...) n'avaient été si cruelles.
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Pourtant, qu'on imagine seulement pendant quarante-trois secondes les 27 000 morts du 22 août 1914, journée qui fut, en son temps, la plus meurtrière de l'Histoire. Qu'on imagine les 27 000 dormeurs du val ! Qu'on imagine Auguste Piel, Joseph Loeh, Victor Metz, qu'on imagine chacun dans sa plus exacte personne, allongé-là, chacun. Puis ce sont des milliers de Charles, de Célestin, de Paul, des centaines d'Otton et de Karl. Qu'on entende chanter la rivière, qu'on soit ébloui par ces haillons d'argent. Ils sont là, têtes nues, milliers de bouches ouvertes, la lumière pleut sur leur sommeil. Qu'on imagine leurs narines blanches frissonner au vent du soir et que l'on voie ces milliers de trous rouges dans l'abdomen, le front, le dos, qu'on imagine ces corps déchiquetés, l'herbe noire.
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Il faut que les sociétés humaines s'affrontent dans le grand paradoxe de leur souffle et de leur déclin. Il faut qu'elles se fracturent et s'ouvrent à la vérité de leur nature contradictoire. Car elles sont vivantes et pour cette raison cherchent à vaincre en elles leur propre ennemi et à atteindre hors d'elles leur propre centre qui sont les points décisifs de leur haine ou de leur amour. Sans cesse, l'Occident aura découvert en lui un abîme nouveau. Toute la science du monde et tous les plaisirs ne le consoleront pas.
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