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Critique de afriqueah


L'idée conductrice est brillante, renverser les rôles et faire du continent africain la grande puissance mondiale. L'Amérique et l'Europe n'ont pas eu la chance de se développer, et ce depuis Mathusouleyman. C'est donc « avec un grand rire nègre ou rabelaisien » selon ses termes, qu'Abdourahman A. Waberi nous dit le monde « tel qu'il boite » dans un conte à la Voltaire, propre à nous faire réfléchir sur notre monde d'Européens.
Depuis les favelas de Zurich, où la mortalité infantile, le sida et la prostitution font rage, les organisations humanitaires érythréennes essaient de pallier aux maladies diverses, le kwashiorkor, la lèpre, le glaucome ou la poliomyélite, sans parvenir à
empêcher ces pauvres caucasiens de vouloir franchir le détroit, et essayer de rejoindre, sans y parvenir vu la différence infranchissable, les goldenboys de Tananarive.
Waberi, tout naturellement, puisque les sapiens sont nés en Afrique, cite le nom en amharique : Denkenech (langue de l'Éthiopie), pour parler de Lucy.
Il évoque pour notre plus grand plaisir le parcours de Kankan Moussa, l'homme le plus riche du monde, depuis l'ancien empire du Mali jusqu'au Caire, emportant avec lui pour les distribuer entre deux à huit tonnes d'or.
Il cite les écrivains Nurrudin Farah, Chinua Achebe ou Emmanuel Dongala, tous récipiendaires du prix Lalibela. Ils boivent du Néguscafé, dégustent des McDiop et boivent un thé au Tropicana, vont dans le 34 · étage du Steve Biko Centro, ou à l'université Hamadou Kourouma, en prenant l'autoroute.


Malheureusement, deux biais font boiter le propos jusque là brillant. Des phrases et des phrases de poésie pure (la poésie n'est malheureusement pas ma tasse de néguscafé et ses pages ne m'ont pas intéressée, mais peuvent faire le délice d'amateurs de jolies phrases) s'adressant à Maya, qui s'avèrera Normande de naissance, et adoptée par un couple africain, qui l'ont fait sortir de la misère boueuse.
Deuxième biais, Waberi s'empare de tableaux européens pour les africaniser. La Joconde devient Mouna Sylla, chef d'oeuvre de Gustavo Mbembe, l'Origine du monde, du même peintre, commanditée par Khalil Bey, ambassadeur ottoman à Addis Abeba, est gardé dans le musée Mongo Beti de Massawa.
Enfin, une sorte de frénésie fait dévier vraiment l'auteur, traitant René Caillié de « pauvre hère », puisqu'il a parcouru deux mille kilomètres à pied pour arriver à Tombouctou, Lacan de petit proxénète, ridiculisant Ryszard Kapuscinky, qui ergote sur sa Pologne et « exerce à présent ses talents de chapardeur et de conteur occasionnel dans le square Soweto, à deux pas de la banque de Carthage ».

L'auteur décrit l'Europe comme elle devait se trouver au Moyen Age. Ni l'Afrique est aussi pauvre de la manière qu'il dessine l'Europe, ni la terre est réduite à des habitants blancs ou noirs. Il fait d'ailleurs une exception en parlant du conseiller fédéral du Canada, un fier aborigène.
Pourtant, la lecture est agréable, et puisque ce livre se veut une sorte de comédie sérieuse, l'objectif est atteint par la description d'un Paris où les servantes montent à longueur de journée des seaux d'eau dans une salle de bains collective remplie de vermine.
J'ai ri, j'ai relu et ri de nouveau. Et bien pensé aussi à notre monde.

Coucou, Isa, mon inspiratrice.
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