"De nos jours, insistera-t-il en 1821 à la tribune de la chambre des pairs, il n'est pas facile de tromper longtemps. Il y a quelqu'un qui a plus d'esprit que Voltaire, plus d'esprit que Bonaparte, plus d'esprit que chacun des directeurs, que chacun des ministres passés, présents et à venir, c'est tout le monde !"
On a beaucoup prêté à Talleyrand, jusqu'à ce qu'il n'a jamais fait, ni jamais dit.
On a tout autant prêté au Diable : la duplicité, la ruse, le mensonge, la trahison, la concupiscence, la luxure, l'intérêt, toutes choses dont on a sans cesse accusé l'homme aux "treize serments" et à "l'immense fortune". Il est pourtant un défaut ou une qualité - c'est selon - qu'on associe rarement au Diable et que son lointain avatar, le prince de Talleyrand, possédait éminemment : c'est le caractère.
La légitimité lie la France à l'Europe autour d'un principe commun et protecteur, elle rassure les parties, et détourne les vainqueurs de la tentation de la revanche et de l'humiliation. Avec la légitimité, les anciennes puissances liées contre Napoléon sont comme enfermées dans un piège.
Les femmes pardonnent parfois à celui qui brusque l'occasion,
mais jamais à celui qui la manque.
Dans une certaine mesure, Talleyrand prend le mot de légitimité dans son sens ancien tel qu'il apparaît dans les dictionnaires, du XVIe au XVIIIe siècles, du latin légitimus, légitime : juste, équitable et fondé en raison... En opposant le droit à la force, Talleyrand suppose légitime toute forme de pouvoir dont la transmission est soumise à des règles, qu'il s'agisse d'hérédité ou d'élection. La légitimité n'est pas le privilège exclusif de telle forme de gouvernement ou de telle famille souveraine, elle appartient à ceux qui sont le mieux à même de "garantir le repos et le bonheur des peuples", comme d'assurer "la sauvegarde des nations... Dans ces conditions et dans le cas particulier de la France le pouvoir n'est légitime que s'il remplit deux conditions essentielles, celle du temps et celle de la raison.
....Talleyrand est l'un des premiers à avoir compris que l'on est entré avec la Révolution dans le monde des apparences, des abstractions et des mots. La lutte pour le pouvoir à l'époque de la Révolution a été aussi un combat de mots. Celui qui a un monopole de la parole tient le pouvoir.