C'est mon premier roman de cette autrice donc je ne sais pas si toutes ses oeuvres sont aussi sombres, mais j'ai rarement embarqué dans un univers dont l'obscurité était aussi palpables.
Aurélie Wellenstein a un véritable talent pour nous faire ressentir la moiteur poisseuse ambiante ainsi que le désespoir de ses personnages. C'est assez impressionnant, de même que sa capacité à nous tenir en haleine. J'ai littéralement dévoré ce 1er tome.
Dans un univers de Fantasy médiéval particulièrement sombre et anxiogène, on va suivre trois personnages en marge de la société. Tout d'abord Cillian, un jeune bègue orphelin qui, suite à un défi idiot, se retrouve possédé par un démon loup. Il va devoir fuir son village et trouver rapidement une solution avant d'être irrévocablement transformé.
Puis, on a Erin, une toute jeune fille travaillant comme petite main à la réalisation de grandes tapisseries pour le clergé. Sa mère, femme libre, a été condamnée et exécutée pour sorcellerie comme tarenta (femme possédée/piquée par une araignée et ayant développé des pouvoirs à la suite de ça). Depuis, Erin doit faire bonne figure, mais le carcan de cette société profondément misogyne l'étouffe jusqu'au jour fatal où, accusée à tort, elle finit dans les griffes de l'inquisition.
Et enfin, Sulyvahn, ancien inquisiteur, brisé par des années de croisades contre les fidèles de la déesse-araignée Temnya et tombé au fin fond du trou une fois rentré au pays. Sa rencontre avec un cerf maudit dans lequel il pense reconnaître son enfant (qu'il croyait mort) le pousse à chercher de l'aide du côté de ses ennemis de toujours, les femmes-araignées.
Nos trois compères vont rapidement trouver une solution commune à leurs malheurs : partir à la recherche de la plus puissante des tarentas, la Tisseuse. Avec l'inquisition sur les talons, notre trio improbable va traverser un royaume détruit, pourri jusqu'à la moelle et maintenu dans l'ignorance crasse, la terreur et le désespoir par un clergé surpuissant.
On est donc lâché dans un univers de Fantasy médiévale sombre, humide, envahi par les araignées (un fléau venu des terres chaudes d'Abirah). J'ai adoré le choix de cet insecte dont la symbolique me parle beaucoup : la tisseuse/bâtisseuse, l'empoisonneuse, la castratrice, etc. C'est un symbole féminin assez fort.
[D'ailleurs, petit point araignées 😄🕷: il en existe plusieurs types dont les piqûres ont des effets variés, mais qui condamnent irrévocablement leurs victimes à êtres des maudit.es. Les plus puissantes sont les tarentas, mais il y en a plein d'autres que je vous laisse découvrir (non, ne remerciez pas). Comme je l'ai déjà dit, la plume de l'autrice est très immersive et c'était comme si j'y étais dans ces bois étouffés de toiles collantes, à marcher dans un sol qui fait squich squich et avec plein d'araignées (et toutes leurs petites pattes velues) qui crapahutaient tout autour de moi 😆. Heureusement que des années à jouer à Hollow Knight m'ont aidé à traverser tout ça. Donc, si vous avez vraiment peur des araignées, préparez-vous à en croiser pas mal. Fin du petit point 🕸.]
Un monde très palpable donc où la violence est reine et où une femme un minimum indépendante est diabolisée, pourchassée et exécutée (façon chasse aux sorcières). Il y a d'ailleurs des scènes qui pourront être dures à lire (viol, violence domestique, tortures, etc), mais qui ne sont ni gratuites, ni voyeuristes, ni enjolivées/romantisées. J'avoue avoir eu des réactions assez épidermiques à certains passages, car d'une part, j'y suis sensible et puis, encore une fois, l'autrice est diablement douée pour nous faire vivre ce qu'il se passe. Cette dernière nous décrit donc un monde sans concessions qui va avoir un impact profond sur nos jeunes protagonistes et qui a déjà totalement détruit le troisième. Elle dénonce également les horreurs de la guerre à travers Sulyvahn, brisé et mis au rebut de la société, ou avec ses anciens compères de l'inquisition qui eux s'en donnent à coeur joie.
En parlant des personnages, j'ai beaucoup apprécié leur évolution, ce qu'ils vont petit à petit nous dévoiler et leur potentiel futur même s'il y a certains tropes utilisés pour les faire évoluer qui m'agacent toujours un peu.
Leur dynamique de groupe est aussi très intéressante à lire. le trio devient vite une famille avec Sulyvahn en figure paternelle, mais une famille dysfonctionnelle basée sur la peur et le besoin de survie. Sulyvahn est un être viscéralement violent et instable que je n'ai jamais réussi à aimer malgré les révélations sur son passé. Cillian et Erin sont plus attachants même s'ils vont dévoiler, eux aussi, des aspects de survie certes, mais fort peu sympathiques. Ils sont donc dans l'ensemble une galerie de personnages dans les tons gris à tendance noire que j'ai aimé ne pas aimer 😁.
Je vais m'arrêter là, car j'en ai déjà beaucoup dit et il faut que je vous laisse des surprises (oh, il y en aura 👀😆). Donc si vous aimez votre Fantasy bien dark avec un rythme soutenu et de beaux portraits de personnages tout en noirceur, vous devriez être servi.
Ce 1er tome sortira le 29 septembre. de mon côté, je suis ravie de découvrir enfin cette autrice et j'attends patiemment la suite et fin de ce diptyque qui devrait sortir en février 2023.
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